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Interview Kina Grannis : « Les artistes Youtube sont souvent stigmatisés »

Publié le 05 décembre 2014 par Swann

Rendez-vous dans un hôtel à deux pas de Bastille quelques heures avant sa date parisienne au Café de la Danse. Kina Grannis me reçoit dans sa (petite) chambre, qu’elle occupe depuis quelques heure seulement, arrivée dans la capitale le matin même depuis Berlin. Souriante, lumineuse, très professionnelle, elle est exactement celle que l’on suit depuis maintenant quatre ans sur YouTube d’abord, puis sur scène où elle excelle tout autant. Rencontre.

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RockNfool : C’est ta première tournée avec un groupe. Pourquoi ce changement ?

Kina Grannis : Je crois que depuis mon dernier album, le son a beaucoup mûri, il contient plus d’éléments, de textures. J’ai fait une tournée européenne en juin dernier en solo avec mes nouvelles chansons, mais il manquait quelque chose. C’est quelque chose que j’ai toujours voulu faire, mais c’est plutôt cher de tourner avec un groupe donc j’ai économisé. Et le moment est arrivé d’entendre cette musique comme je l’ai toujours entendue et imaginée dans ma tête.

Qu’est-ce que cela apporte en plus selon toi ?

Je crois que ça complète le son beaucoup plus, cela apporte le full feeling que cela devrait avoir. Car la guitare-voix est seulement le squelette des chansons, alors que quand tu as en plus des percussions, de la basse, tu commences vraiment à ressentir chaque note.

Parce que tu étais aussi super avec seulement ta guitare !

Oh ! Merci. Je ne crois pas que l’un soit véritablement mieux que l’autre. Mais dans le cas de ce nouvel album, le producteur a vraiment apporté plein de nouveaux éléments à la musique, et donc c’est vrai que je voulais que les gens puissent entendre ça, eux aussi, à un moment donné.

Qu’est-ce que cela te fait d’avoir à tes côtés ta famille et ton mari sur ta tournée ? [son mari Jesse, de Imaginary Future ouvre ses concerts puis l’accompagne, tandis que ses deux sœurs viennent chanter en tant que choristes]

C’est vraiment fun, ça rend vraiment la tournée tellement mieux ! Mes sœurs sont avec moi pour la première fois aussi. Tout est plus facile, la maison ne te manque pas autant, et peu importe où l’on est dans le monde, on se sent comme à la maison. 

Ca ne doit pas être facile de mélanger sa vie professionnelle et personnelle tous les jours non ?

C’est vrai, mais tous les jours, dans n’importe quelle ville du monde, tu as ces personnes sur lesquelles t’appuyer. C’est chouette de partager tout ça avec eux aussi, tout en explorant plein de villes…

Est-ce que tu affirmerais que Youtube a littéralement changé ta vie ?

Oui carrément ! Avant Youtube, je pensais que la seule façon se tirer son épingle du jeu en musique était d’être découvert par un gros label, et ensuite c’était à ce label de propulser ta musique. Grâce à Youtube je me suis dit qu’on n’avait même plus besoin de ce gros label car on a ce lien direct avec les gens tout autour du monde. Donc c’est vrai que grâce à ça j’ai réussi a faire exactement la musique que je voulais, et ne pas passer par un label qui te dit que tu as besoin d’un hit, que tu dois sonner comme ça… Je peux faire la musique que je veux, voyager partout et rencontrer plein de monde. C’est fou ! 

Quelle est la différence pour toi entre jouer en live et enregistrer une vidéo pour ta chaîne ?

Oh man ! C’est tellement dur… Car quand tu fais une vidéo pour Youtube tu dois utiliser ton imagination pour te rappeler que des gens vont te regarder après, car en réalité tu es juste assis dans ta chambre, tout seul (rires)… C’est un peu bizarre mais j’adore chanter donc cette partie reste cool, je continue à créer de la musique, à la partager. Mais quand tu as la chance de jouer en live pour les gens, tu vois leurs visages en vrai, tu les vois s’émouvoir pour la même musique, c’est vraiment quelque chose de différent.

Est-ce que tu n’as pas peur d’être dénigrée par les professionnels parce que tu es une artiste étiquetée Youtube ?

Si, c’est l’autre côté du miroir ! Dans l’industrie musicale et dans la société, il existe cette stigmatisation de Youtube ; ce qui est vraiment dommage car même s’il existe beaucoup de vidéos bizarres sur Youtube il y a également de nombreux talents. Avant on était des artistes sur Youtube, désormais on est considéré comme des artistes Youtube. Et chez les professionnels il y a un peu de “c’est juste un musicien Youtube, il ne fait que des reprises”… Ce n’est pas facile mais je pense que ça va mieux, que les gens commencent à comprendre que c’est seulement un outil très pratique. Mais le positif de Youtube surpasse le négatif.

On a du te le demander 1000 fois, mais quelle est ta relation avec les réseaux sociaux ? Est-ce tu dirais que cela fait partie intégrante de ton travail ?

Alors oui, c’est une grosse partie de mon travail, quasiment la totalité ! Je veux d’abord que mes followers sachent que ça me tient à cœur et que je souhaite qu’ils se sentent concernés. En revanche si je ne reste pas en contact avec eux, personne d’autre ne va le faire car tout vient de moi. Par exemple si je pars en tournée, et que personne ne leur dit, personne ne va être au courant. Donc oui c’est important pour moi d’être impliquée sur les réseaux sociaux, à partager ce que je peux de ma vie, les tenir au courant de mes concerts, les albums à venir, etc.

Tout ça doit te prendre beaucoup de temps !

Quasiment toute ma journée (rires)… Il faut encore que je m »améliore dans l’organisation de mon emploi du temps !

Ça ne te dérange pas de t’exposer autant sur Internet ? Par exemple pour ton clip My Dear tu as utilisé des séquences de ton mariage… Est-ce que tu t’es fixée une limite ?

C’est un aspect que je découvre au fil de ma carrière : pendant un certain temps je suis restée assez discrète, j’avais peur de partager trop de choses de ma vie privée. Après mon mariage je me suis dit que j’avais partagé beaucoup plus avec mon album, j’avais écrit des chansons plus personnelles. Je me suis dit que ça avair plus de sens de le faire maintenant, même si c’était flippant car c’est mon vrai mariage et tout le monde allait pouvoir le voir. C’est vrai que c’était quelque chose pour lequel j’étais à la fois anxieuse et excitée. Donc je ne sais pas vraiment où est la limite, j’essaye et je vois où je dois m’arrêter sur le moment.

Et pourquoi ce choix de partager des images de ton mariage en particulier ?

Je voulais vraiment que Elements soit plus personnel, en exposant un peu plus de moi et de ma vie. On avait toutes ces séquences de mon mariage d’un an auparavant et c’était un grand moment de ma vie que je n’avais pas partagé. Ça m’a juste semblé bien sur le moment…

Parce que tu sais que ça va rester sur Internet pour toujours … Pas de regrets ?

Je sais ! (rires). Non, pas de regrets. Pas encore !

Parlons un peu de ta fanbase qui est t’est très loyale, qui t’idolâtre même un peu.

C’est intéressant car je me sens vraiment comme un être humain comme les autres. Il y a parfois des moments où je me dis que je ne peux pas laisser tomber les gens et être un bon modèle. Parallèlement j’ai envie de dire : “je ne suis pas aussi bonne que vous le croyez !”. C’est juste incroyable qu’ils me soutiennent, et je me sens vraiment connecté à eux, ils restent très respectueux en règle général.

Est-ce que c’est essentiel pour toi de continuer à faire des reprises maintenant que tu es suffisamment connue pour faire des concerts partout dans le monde ?

Il y a deux aspects : d’abord j’ai créé quelque chose sur YouTube via ma chaîne depuis ses débuts il y a 7 ans de cela, je veux continuer à partager et m’engager auprès des abonnés, mais si chaque chanson que je postais devait être une création alors je devrais être en train de composer tout le temps. Donc finalement ça se mixe bien, les reprises, les compos, les vlogs. Vu que je n’ai pas de label, pas de marketing, pas de passages en radio je crois aussi que c’est un moyen pour moi d’atteindre d’autres personnes en me challengant avec de nouvelles reprises que j’essaye de rendre miennes. Et puis peut-être que quelqu’un tombera dessus, puis il trouvera mon album. 

Mais aimes-tu toujours ça ?

J’adore en faire quand ce sont des chansons que j’aime. Parfois c’est plus un défi que je me fixe, comme avec les chansons très populaires. Mais je dirais que ma passion c’est vraiment de composer mes propres chansons, pas les reprises. Je ne veux plus partir trop loin quand j’en fais car si j’ai du temps libre, je préfère me consacrer à l’écriture, à ma musique en tant qu’artiste.

Comment fais-tu pour reprendre aussi facilement certaines chansons ? On pense notamment à Gangsta’s Paradise.

(rires). J’ai toujours aimé cette chanson, et je connais les paroles depuis mes 12 ans, donc c’était plutôt naturel pour moi de la reprendre. Certaines chansons ne sont pas aussi faciles, et dans ce cas là je ne le fais pas. Mais sinon je les écoute plusieurs fois, je travaille les accords, et j’essaye de faire en sorte qu’elles signifient quelque chose pour moi.

Ça a l’air tellement facile !

(rires) C’est parce que vous n’entendez pas les mauvaises, que je ne poste pas !

D’ailleurs, est-ce qu’il y a une chanson que tu as toujours rêvé de reprendre mais toujours pas faite ?

Il y a bien cette chanson de Bon Iver, Holocene, qui est l’une de mes chansons préférées, mais justement lorsque parfois j’aime autant une chanson, j’ai peur de la ruiner (rires), de ne pas lui rendre justice en quelque sorte.

Pour finir, où-est-ce que tu te vois dans cinq ans ?

Je pense que je continuer à faire de la musique, de n’importe quelle manière, je ne sais pas laquelle ce sera, mais j’adorerais continuer à atteindre de nouvelles personnes, partager avec eux, voyager, mais aussi grandir et essayer de nouvelles choses… (en chuchotant) Je ne sais pas lesquelles !

Propos recueillis par Emma Shindo

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