: cuisine banale
: cuisine d’un bon niveau
: cuisine intéressante et gourmande
: cuisine de haut niveau… à tous les niveaux
: cuisine exceptionnelle
… une prise et une emprise sur les cuisines déjà claironnantes, rajeunissantes, et vivantes …
Juste assis à table, un verre de Comtes de Champagne Taittinger Millésime 2004 arrive. Vous êtes au restaurant Le Cinq !
Christian Le Squer a pris les cuisines pour un challenge digne de cet immense chef : redonner au restaurant les trois étoiles Michelin perdues il y a quelques années. Un challenge qu’il aime, qui le titille, le passionne, le met en danger, lui qui s’endormait sur ses beaux lauriers chez Ledoyen. Le voilà enfin en pleine lumière, dans ce Paris des palaces qui s’arrachent les meilleures toques de France.
Un chef aussi sympathique que talentueux, aussi vivant que technicien méticuleux, aussi créateur qu’artisan précis, aussi drôle dans la vie que sérieux dans son travail, et toujours avec ce sourire enchanteur qui éclaire son visage quand il vous parle de son dernier plat. Tout le monde est là, tout le monde l’attend au tournant ou pas, le scrute, le détaille… Lui serein mais tendu, quand même. On le serait à moins.
Depuis quelques semaines, le chef officie dans cet écrin magnifique, cette salle unique par sa grandeur, son décor, son confort, et cette beauté incroyable dont on ne se lasse pas. Cette sensation étonnante qui vous saisit à chaque fois, d’être hors du monde, du temps et de l’espace. Une sorte de présence hors-sol qui ne vous rattache à rien d’autre qu’à votre table et votre assiette. Service omniprésent, souriant, d’une efficacité permanente, virevoltant autour de votre table, pour vous faire sentir sinon comprendre que vous êtes le centre du monde, de ce monde. Et puis, ils arrivent, en flots réguliers et presque incessants : le livre, énorme, de la carte des vins, pesant, presque envahissant, le beurre Bordier, le pain Kayser, bientôt le pain George V, l’huile d’olive de Toscane, les amuse-bouches amusants, en une sorte de vertige des plaisirs qui s’annoncent, déjà palpables.
La carte mise au point par Christian Le Squer distille quelques nouveaux plats, marquants ainsi son arrivée dans la maison. Mais, comme un général en campagne, l’intendance l’a suivi et ses plats signatures, les créations de sa carrière, sont sur la carte. Ainsi, il rassure et nous entraîne vers ses nouveautés et docilement, nous nous laissons faire.
Tout va bien, lorsque soudain apparaît une chose étrange, sorte de boule sombre qui se révèlera être une croûte de sel dans laquelle a cuit doucement un cœur de céleri entier. Limpide dans sa pureté originelle, à la saveur non détournée, sinon par une sauce vinaigrée au cacao, servie à part.
Noix de Saint-Jacques en fine mousseline, galettes de sarrasin, eau de céleri truffée. Le plat phare de la nouvelle carte ou comment, en pleine saison de ce bivalve infernal que l’on mange partout, proposer une manière originale de l’apprêter et de retrouver l’envie. Pari réussi avec une mousseline fine de la chair, presque molle, à la texture de quenelle, un peu écœurante sur la distance, mais rehaussée par l’eau du céleri truffée et le croquant des galettes. Difficile à « rentrer » dedans mais quand on y est… on n’en revient pas.
Grosses langoustines bretonnes en deux cuissons, émulsion d’agrumes. Une perfection ! Dans l’idée, dans la réalisation avec une cuisson au millimètre en deux textures croustillantes, et une merveilleuse mousse d’agrumes. En plus, c’est beau et rigolo dans la présentation.
Accompagné d’un Sancerre Domaine Vacheron, Les Romains 2012, choisi par Thierry Hamon, le bonheur est total.
Noix de ris de veau rissolée en brochette de bois de citronnelle, jus d’herbes. Encore une nouveauté décoiffante ! Bien saisi, et même carrément rissolé, et en moelleux, le ris de veau est posé sur quelques cèpes (trop salés), avec un jus d’herbes intéressant mais servi un peu trop généreusement et du coup un peu envahissant dans l’équilibre du plat. Juste uns question d’équilibre. Le Gevrey Chambertin 2011 du Domaine Méo Camuzet Frère & Sœurs, superbe et généreux, contribue beaucoup à rééquilibrer de l’assiette.
Sinon, les plats Le Squer, qu’on aime, qu’on adore, sont venus, et sont tous là ! Bar de ligne, caviar, lait ribot de mon enfance, ou l’enfance de l’art et le mélange du rustique familial et de la sophistication. Pur et limpide. Gratinée d’oignons à la parisienne, contemporaine, un plat hors du commun qui laisse même perplexe devant cette idée de génie et ce travail technique de fou qui porte vers la félicité à travers des saveurs de simple soupe à l’oignon.
Givré laitier au goût de levure : autre classique, trop beau, trop bon.
Le dessert sur le thème des Saveurs Automnales à base de marrons pour le sucré et de cèpes pour le salé paraît au premier abord comme une fausse bonne idée. Au deuxième aussi…
Livre de cave époustouflant et enivrant, magnifique en Bordeaux et en Bourgogne. À consulter en priorité, les « Esquisses de Grands Terroirs », un choix de vins à moins de 100 € sélectionnés à travers toute l’Europe par les sommeliers.
Christian Le Squer est là et déjà bien là. Un plaisir ne venant jamais seul, il est en forme et motivé comme jamais. Cet enthousiasme et cette volonté de réussir vont très vite se retrouver dans les nouvelles assiettes d’hiver et de printemps. Les équipes tournent à plein régime pour bien se souder et donner le meilleur. On en est vraiment très proche. Good luck, mister Le Squer !
Le CinqHôtel Four Seasons George V
31, avenue George V
75008 Paris
Tél : 01 49 52 71 54
www.fourseasons.com/paris
M° George V
Voiturier
Ouvert tous les jours
Menus : 145 € (4 plats) – 210 € (6 plats)
Carte : 200 € environ