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Le silence du banlieusard de Hugo Léger

Par Venise19 @VeniseLandry
Le silence du banlieusard de Hugo LégerC’est un grand jour pour moi lorsque j’ai un coup de cœur, par contre, il y a un inconvénient à ce plaisir du « pendant », le « après » est dur. Le prochain livre est compliqué à choisir, je dois m’en aller vers du complètement différent, encore en état de choc.
Le silence du banlieusard est mon coup de cœur 2014 et avec le peu de jours qu’il reste à écouler, il devrait rester en tête. C’est la première fois que je ferme une couverture en me disant, que l’on aime ou non le sujet, nous sommes en présence d’un petit chef d’œuvre. Aucun chatouillement de doute.
Au premier abord, tout semble anodin ; titre, premiers chapitres, style. Nous sommes en présence d’un père, d’une mère et d’une ado habitant un plain-pied (bungalow) dans une banlieue quelconque. On apprendra à connaître le personnage central, le père, par l’absence. Il est ce genre d’homme en apparence tellement effacé, tellement commun qu’il pourrait ne pas exister que la vie ne s’en porterait pas plus mal.
Hyper méticuleux, son énergie se canalise dans le matériel, c’est par celui-ci qu’il prend forme dans l’existence. Sa maison est une carte postale, il passe ses week-end à l’entretenir, sa messe est de déambuler entre les rangées du quincailler qui devient son ami à force de le côtoyer. Un exemple d’événement crucial dans leur vie serait l’achat d’un SPA hyper sophistiqué. Leur vie est meublée de ces décisions qui nous incombent pour réussir une routine de plus en plus confortable. Pourquoi sortir ou voyager, prendre des risques quand son chez soi offre tout, est le leitmotiv de Luc qui, une fois sa femme choisie, a casé une fois pour toutes la relation. Une vie sous verre, sous contrôle, où même les émotions sont mesurées et rangées à leur place. Le temps est réglé au quart de tour, la perte de trois minutes dans son horaire le bouleverse plus que les émotions de son adolescente.
Vous voyez un peu le portrait ? C’est ce côté lisse des apparences qui va aller en s'effritant peu à peu, pas à pas, et qui m’a fait penser à un effeuillement (strip-tease) en règle. Luc va finir par se dénuder pour nous présenter son corps, son cœur et son âme à nus.
Du jour au lendemain, lui, aussi prévisible qu’un métronome, disparait. C’est par l’absence que la présence de cet homme va devenir intense, que nous découvrirons l’envers du décor d'une bourgeoisie parfaite en tout point.
L'attitude « banlieusard » est un état d’esprit, que l'on peut retrouver en plein centre-ville, ce que Hugo Léger a su démontrer d’une manière exemplaire. Le portrait de cette famille m’a permis de saisir ce que les gens puisent dans la matérialité où leur sens de la vie rime avec la possession du matériel. L’être se confond avec l’avoir. 
Voici qui était pour le banlieusard mais il y a également le silence qu’on entend entre chaque ligne et chapitre de cette histoire. Le silence se remplit peu à peu. Les chapitres défilent et révèlent la réalité avec une progression maîtrisée. Autant le portrait du banlieusard est précis et rangé, autant la structure du roman l’est. Le style se décline sans jamais un mot de trop ce qui m’apparait renforcer le portrait familial bien rangé. L’effeuillement se fait pièce par pièce, chapitre après chapitre jusqu'à ce que l'on découvre, qu'au cœur des apparences, nichent des émotions et donc, des frustrations. Plus on tait une frustration, plus elle prend d'ampleur.
On constate également les répercussions graves de ce genre de silence qui rime de près avec indifférence, laquelle peut apparaitre cruelle aux yeux d'un enfant en bas âge. La relation parentale se dévoile être plus importante qu’on n’ose le croire et le voir. Cette démonstration sera poussée loin par l'auteur.
Ces êtres silencieux, on finit un jour ou l'autre par les entendre crier.
En tout cas, c'est à souhaiter.
Et pour bonifier le tout, l'intrigue s’apparente au suspense des polars ; où est volatilisé Luc, cet être qu’on pouvait prévoir à une parole et à un geste près ? Où a disparu ce robot de père/mari ? Le suspense nous tient captifs jusqu’à la fin.

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