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Oh ! Le vilain cochon !

Par Marine @Rmlhistoire

Le moyen-âge, cette époque un peu cheloue où à nos yeux de XXIèmiste (les habitants du XXIème siècle, c’est un mot que j’ai inventé) la justice l’est encore plus. Par exemple, les animaux étaient jugés, ils avaient des procès et un avocat, comme un humain. La jurisprudence nous a laissé de nombreuses histoires de vaches, cochons ou autre chèvre qui vont finir devant un tribunal criminel ordinaire. 

Oh ! Le vilain cochon !

 Le cochon, un coupable comme un autre

Au Moyen-âge, les animaux étaient bien souvent laissés en liberté dans les rues des villages, aussi, les cochons et autres truies s’en prenaient parfois aux humains. Oh, pas grande chose hein, le plus souvent, ils mangeaient un enfant. A ce moment là, on les voyait, on les identifiait clairement, mais difficile de s’interposer entre deux porcs et un jeune enfant. Aussi, souvent, il était trop tard, le petit humain était dévoré par les méchants animaux. On peut facilement imaginer un coup de fusil entre les deux yeux de la bête, mais les fusils n’existent pas. On peut alors penser à des lances ou un bon coup de pelle derrière les oreilles, mais non. Les animaux avaient droit à un procès.

 Le procès du cochon

Après le crime, les proches de la victime procèdent à l’arrestation du délinquant. Il est conduit dans la prison du siège de la justice criminelle le plus proche. Ensuite, le procès va être instruit. Le procureur, c’est à dire, le représentant du ministère public auprès de la justice seigneuriale va alors requérir à la mise en accusation du coupable.

Oh ! Le vilain cochon !

Les témoins vont être entendus et si les dépositions correspondent bien entre elles, alors, le juge va déclarer l’animal coupable d’homicide. Il va être condamné à mort sur place publique. Alors qu’on aurait pu en faire du pâté, trankil. Le criminel va alors être étranglé, puis pendu par les pattes arrières à un chêne, ou aux fourches patibulaires, selon les coutumes.

Les nombreuses affaires

Il existe entre le XIIIème et le XVIème siècle de nombreux exemples de ce genre de pratique judiciaire. En 1266, un pourceau est brûlé à Fontenay-aux-Roses pour avoir dévoré un enfant, pareil en 1404, mais il y a trois coupables. En 1414, un cochon est traîné dans toute la ville puis pendu par les jambes arrières pour meurtre d’un enfant à Abbeville. En 1497 une truie qui a été vue entrain de manger un enfant est assommée. Puis on la coupe en morceaux et on la donne aux chiens, mais en plus, les propriétaires de l’animal doivent faire le pèlerinage de Notre-Dame de Pontoise.

Toujours les exécutions étaient publiques et solennelles. C’était jamais des blagues. De temps en temps, les animaux portaient des vêtements d’homme ou femme. C’est le cas en 1386, la truie a attaqué un enfant à la tête et au bas avant de le tuer. La justice a été claire. La loi du Talion. On a blessé l’animal à la patte et à la tête avant de de la pendre. Le jour de l’exécution, elle portait des habits. Des notes de frais étaient également faites aux propriétaires, les dépenses de geôles, 6 sols parisis, celles du déplacement du maître des hautes œuvres, 54 sols parisis. Ou encore le prix du transport en voiture, des cordes et des gants pour le bourreau.

Oh ! Le vilain cochon !

 Est-ce ridicule ?

Oui. Mais non. Je m’explique.

Évidemment que c’est absurde, la justice juge les coupables qui ont conscience du bien et du mal et qui agissent en connaissance de cause. Or, un cochon, il ne sait pas que c’est mal de manger un bébé humain. C’est vrai, après tout, nous, on mange bien des cochons. Aussi, le cochon et l’animal en général, est un être irresponsable, il ne devrait pas être jugé car il n’a pas de discernement. C’est donc une erreur de condamner une bête qui n’a pas conscience du méfait qu’elle a commis. Mais ça, ce sont nos yeux de XXIèmistes.

Au moyen-âge, les juges ils voient pas les trucs comme ça. Ils sont plus axés loi du Talion. Il faut infliger des peines proportionnées aux coupables de crimes. Une bête coupable d’un homicide doit mourir et ainsi montrer l’horreur du crime aux yeux de la population. Enfin, on estime aussi que le propriétaire est suffisamment puni par la perte de sa bête, du coup, on ne l’emmerde pas.

En revanche, ça va changer au XVIème siècle. On renonce enfin à faire des procès aux animaux et on condamne le propriétaire de l’animal nuisible à une amende et des dommages-intérêts. Par contre, on tue quand même le cochon, faut pas déconner. Seule la procédure est supprimée. On l’assomme d’un coup sec, l’idée c’est pas de le faire souffrir.

 Le cochon et les cochons

Oh ! Le vilain cochon !

Parfois les cochons sont jugés alors qu’ils n’y sont pour rien. Jugés coupables pour bestialité (comprendre, pratique sexuelle avec un humain), les animaux sont envoyés au bûcher. L’idée c’est de brûler le mec, et la victime animale, comme ça, hop, on oublie l’histoire. On n’a plus les moyens d’y penser vu que le coupable et la victime ont disparu. Quelques fois, le cochon est étranglé avant d’être brûlé, c’est une faveur qu’on lui faisait, après tout, c’est une victime. L’humain, lui, il y va vivant sur le feu.

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  • Merci à Clément pour ses illus, comme d’hab.
  • Emile Agnel, Procès contre les animaux, curiosités judiciaires et historiques au moyen-âge.

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 Tome 1 – Tome 2


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