Editions Stock et Livre de poche
A une époque où tout le monde ne parle que de «réalisme» pour en fait imposer la dictature de l'argent, Albert Jacquard prend ici du recul. Recul par rapport à sa propre trajectoire dont il retrace le fil ; recul par rapport à l'actualité et ses contraintes en imaginant ce que pourrait être une «Cité où tout serait école», où le travail aliénant serait réduit au minimum, où personne ne se soucierait du déficit de la Sécurité sociale parce que les soins seraient considérés comme un droit imprescriptible, où la lutte pour la compétition serait abolie, où l'accumulation des richesses céderait le pas à l'organisation des rencontres... Utopie que tout cela ? Bien sûr, mais raisonnable. Le cours des choses n'a-t-il pas déjà commencé à donner raison à Albert Jacquard ? Et puis, qu'y a-t-il de plus sensé que de chercher une nouvelle voie quand nous savons les autres irrémédiablement bouchées ?Albert Jacquard est bien connu pour son parcours atypique: polytechnicien, généticien des populations, il s'est investi depuis longtemps maintenant dans le combat en faveur des exclus, des déshérités. Il propose une sagesse humaniste et laïque qui reçoit un accueil immense.«J'atteins l'âge où proposer une utopie est un devoir ; l'âge où les époques à venir semblent toutes également éloignées : qu'elles appartiennent à des siècles lointains ou à de prochaines décennies, elles sont toutes tapies dans un domaine temporel que je ne parcourrai pas.»
Albert Jacquard accuse également la façon égoïste de penser de certains dirigeant et concitoyens quand à l’utilisation des richesses de notre planète. Comment des personnes peuvent-elle décider d’exploiter des ressources qui devraient appartenir au monde entier: présent et avenir! Albert imagine un monde où le chômage serait un mot désuet par le seul fait que le mot travail serait annihilé. Les humains ne réalisant donc plus que des activités. ¨l’activité de chacun est provoquée, justifiée,valorisée, par les besoins de tous.¨
Enfin, pour finir en apothéose, vient le tour de l’éducation dans cette cité idéale où il n’existe que des rapports entres les individus. Le système de notation dans son sens de classification, de palmarès ou de soumission à la Aldous Huxley dans le meilleur des mondes n’existerait plus. Seul l’amélioration par l’erreur serait présente. La compréhension serait victorieuse sur l’apprendre.
Albert Jacquard parvient à dresser une utopie, tout en arrivant à nous convaincre que ce monde est possible pour bientôt, il suffit de volontarisme de la part de l’humanité. Contrairement à Utopia de Thomas Moore, Albert est pour une paix inconditionnelle entre les hommes. D'ailleurs pour lui l’Utopia n’est plus représentée par une île mais par le planète Terre en entier.
Extrait sur le système de classe préparatoire aux grandes écoles:
¨l’entrée en « taupe » a marqué pour moi une double et désagréable discontinuité : il fallait quitter la quiétude provinciale, abandonner le confort familial, mais surtout il fallait adopter une nouvelle obsession. Il ne s’agissait plus en effet d’entretenir le plaisir de comprendre, mais d’accepter la soumission à un seul objectif : réussir le concours final. Pour cela il fallait s’interdire tout vagabondage de la pensée, ne pas s’abandonner à ce qui passionne; il fallait suivre les chemins balisés, être conformiste.¨
Conclusion finale:
¨ La paix entre les humains ne dépend que d’eux, elle est possible. Mais elle n’est nullement certaine, le pire est lui aussi possible. Entre le pessimisme désespéré et l’optimisme satisfait, la seul attitude raisonnable est le volontarisme. A nous d’agir, pour que tous les humains combattent ensemble leurs ennemis communs: la maladie, l’égoïsme, la faim, la misère, le mépris. Pour qu’ils acceptent enfin l’évidence : chacun peut trouver sa source chez les autres, tous les autres.¨