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Une croyance combine à la fois des peurs et des espérances...

Par Alaindependant

"Une croyance, nous dit Patrick Viveret, combine à la fois des peurs et des espérances, qu'il faut réinterroger. Prenons un exemple historique : face à la puissance de la nature, les Mayas considéraient que le soleil était un Dieu. L'une des façons qu'ils avaient de répondre à la peur que le soleil disparaisse, était de calmer le courroux du soleil divinisé en lui offrant des sacrifices humains. Nos réactions actuelles face à la crise économique sont comparables : nous aussi, nous sommes en train de multiplier les sacrifices par peur du courroux des marchés financiers. Nous faisons sans cesse de nouveaux sacrifices en reconduisant programme d'austérité sur programme d'austérité, afin de rassurer les marchés. Mais ces sacrifices-là ne fonctionnent pas plus que du temps des Mayas... Il faut donc identifier les fonctions émotionnelles que remplit cette croyance, et distinguer celles qui sont positives de celles qui sont destructrices, pour ensuite pouvoir débloquer notre imaginaire. »

Débloquer notre imaginaire ? Alors que ne ferait-on pas ?

Michel Peyret


"La crise financière est devenue une crise religieuse"

Propos recueillis par Marine Chanel - publié le 13/06/2012

Le Monde des Religions

Dans le cadre des forums proposés par le Festival des Musiques sacrées du Monde, qui se tient actuellement au Maroc dans la ville de Fès, le philosophe et essayiste altermondialiste Patrick Viveret revient pour le Monde des Religions sur le thème discuté mardi 12 juin au musée Batha : " Crise financière ou crise de civilisations?"

© Medef

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Vous analysez la crise financière comme une crise de croyance, pourquoi?

Je pars du fait que la finance renvoie étymologiquement à fides, c'est-à-dire à la confiance, mais aussi à la foi. Or, la crise financière majeure que nous connaissons actuellement est une crise de confiance (des banques entre elles, notamment), mais également une crise de croyance : nous n'avons plus foi en les éléments qui ont été à l'origine des politiques sur lesquelles repose l'économie dominante, initiées il y a une trentaine d'années par Reagan ou Thatcher : la croyance dans le marché efficient, dans les politiques de dérégulation, dans la mondialisation heureuse... On peut parler de phénomène d'écoligion : l'économie a pris dans nos sociétés un statut de religion, avec ses corps de croyance et ses dogmes. Mais ce socle de croyance-là est aujourd'hui fondamentalement remis en cause : la crise financière est devenue une crise religieuse.

S'il s'agit d'une "croyance" économique collective, comment la réformer?

Une croyance combine à la fois des peurs et des espérances, qu'il faut réinterroger. Prenons un exemple historique : face à la puissance de la nature, les Mayas considéraient que le soleil était un Dieu. L'une des façons qu'ils avaient de répondre à la peur que le soleil disparaisse, était de calmer le courroux du soleil divinisé en lui offrant des sacrifices humains. Nos réactions actuelles face à la crise économique sont comparables : nous aussi, nous sommes en train de multiplier les sacrifices par peur du courroux des marchés financiers. Nous faisons sans cesse de nouveaux sacrifices en reconduisant programme d'austérité sur programme d'austérité, afin de rassurer les marchés. Mais ces sacrifices-là ne fonctionnent pas plus que du temps des Mayas... Il faut donc identifier les fonctions émotionnelles que remplit cette croyance, et distinguer celles qui sont positives de celles qui sont destructrices, pour ensuite pouvoir débloquer notre imaginaire.

Quelle doit être, selon vous, la place de la spiritualité dans le mouvement altermondialiste?

La montée de l'exigence spirituelle est une bonne preuve de la possibilité de sortir des logiques binaires, comme par exemple celle qui présente le bureaucratisme communiste comme unique alternative à l'ultra-capitalisme. On n'est pas condamné à compter uniquement jusqu'à deux. Il faut travailler à imaginer la combinaison du meilleur des systèmes modernistes (la liberté, l'autonomie), avec le meilleur des systèmes traditionnels (la reliance, le lien social). On peut tout à fait avoir une exigence spirituelle dans un espace de laïcité : les religions ne sont pas propriétaires des questions de sens.


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