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« Sous les couvertures » de Bertrand Guillot

Par Angelalitterature

bertrand guillot

Bertrand Guillot, Sous les couvertures, Rue Fromentin, septembre 2014, 184 pages, 16 €.

Chronique parue dans la Revue Littéraire des Editions Léo Scheer numéro 55 :

Dans cette petite librairie, tenue par un vieux libraire qui ne croit plus en rien, les livres se rebellent. Ce soir, les cartons des nouveautés sont arrivés. Cela signifie, pour les livres en présence, que le moment des retours est arrivé. Ils savent, pour la plupart, le destin qui les attend si le libraire décidait malheureusement, lundi matin, de les renvoyer. Le commerçant les enverrait vers leur dernière destination : le pilon ! Pour le libraire, les temps ont changé. Il n’a plus aucun scrupule lorsqu’il renvoie des dizaines et des centaines de livres dans les cartons des retours. Il y a trop de publications, pas assez de bons livres, trop de best-sellers illisibles. Et il constate surtout un élément alarmant et désespérant : les gens ne lisent plus. Cet homme doit se battre pour faire vivre son commerce, qui reste avant tout sa passion. Mais le désintérêt des gens le pousse à bout. Il n’a plus confiance, ne croit plus à sa librairie, ni dans le pouvoir du livre. Il perd tout espoir. À quoi bon se battre pour une société qui ne lit plus ? Pour se remonter le moral, parfois il se prend à rêver : « chaque soir, au moment de baisser son rideau, il ne [peut] s’empêcher de songer que peut-être, en son absence, les romans se mett[ent] à plaisanter entre eux ». Il ne croit pas si bien penser. Les livres qui n’en peuvent plus d’être enfermés dans les rayons du fonds de la librairie ne veulent plus sortir par la petite porte et partir au pilon. Ils veulent sortir par la grande porte, « passer leur vie en noble compagnie sur les étagères bien rangées d’une bibliothèque », « passer de main en main, voir le monde, traîner sur des bancs publics et finir la nuit dans un bar, avant d’être oubliés un jour sur la banquette d’un train en route vers d’autres aventures ». Grand, Junior, Mauve, l’Académicien, Conteur sont les acteurs de cette révolution. Ils décident, ni plus ni moins, de prendre la place des best-sellers présents sur les tables de l’entrée de la librairie. Tout un stratagème est mis en place. La guerre est déclarée. Sous les couvertures est un conte qui emporte le lecteur dans le royaume des livres, et qui ouvre les yeux sur la condition du milieu de l’édition aujourd’hui. Bertrand Guillot évoque avec élégance certains clichés – et néanmoins vérités – du milieu littéraire, dont voici quelques exemples : les auteurs français râlent sans cesse contre les journalistes et leur propre éditeur. Le premier roman, appelé Junior, fut écrit par un publiciste, en quelques mois à peine. Les meilleures ventes sont sans cesse méprisées. Et la question capitale, qui fera sourire (ou rire jaune) plus d’un critique littéraire : « Que pourrait bien devenir l’industrie du livre si les plus grands lecteurs ne concevaient plus les livres que gratuits ? » Un conte pour tous les amoureux des livres, de la lecture, et de la littérature, pour nous prouver que les livres vivent. Qui en doutait ?

***

Bazar de questions de Bertrand Guillot

Bazar de questions1

Ton livre de chevet ?
Alexis Zorba. Qui donne envie de sortir danser dans la rue (et qui du coup reste sur le chevet)

Ta musique du moment ?
Là tout de suite ? ‘Blind Willie McTell’, de Dylan. Un piano, une guitare, on ne fait pas mieux.
(et puis ‘You better eat me now you can’ de Soko. Parfois, une voix seule et ça suffit)

L’objet que tu aimes offrir ?
Je n’offre que des livres.

Le classique qui te tombe des mains ?
Hum… La Bible après la Genèse

Un objet fétiche ?
Les objets me tombent des mains.

Pourquoi écrire ?
Pas sûr que j’écrirais si je savais danser.

Ecrire en musique ?
Jamais réussi.

Un photographe ?
Dorothy-Shoes. Elle dit « qu’elle fabrique de toutes pièces des histoires vraies », et c’est vrai.

Ton film culte ?
Casablanca.

Un trait particulier de ta personnalité ?
Je suis plus expressif quand j’écoute que quand je parle.

Un musicien ?
Chopin. Mon grand père. Maalouf. Entre autres.

Un moment inoubliable ?
Mon premier but.

Un artiste hors du commun ?
François Perrin.

Un lieu invraisemblable à Paris ?
Le Bois-Dormoy. Un ancien parking devenu mini-forêt. Bien entendu, l’endroit est menacé, on voudrait y bâtir une maison de retraite. Espérons qu’on pourra le sauver.

D’où est venue cette idée de Sous les couvertures ?
Ça remonte à très loin. Je travaillais chez un éditeur de livres techniques. J’ai lancé une nouvelle collection, et je suis allé voir ‘mes’ livres en librairie. J’en suis sorti doublement déprimé : l’un était noyé parmi d’autres sur une étagère ; un autre était sur une table, mais même là, je le trouvais plus petit, moins rouge que les autres… Bref, je me suis dit que ce serait un miracle de vendre un livre – ce que je continue de penser chaque fois que j’entre dans une librairie après avoir publié un roman. Sous les couvertures est né du croisement de ces expériences de librairie, de Toy Story et des contes d’Andersen.

Pourquoi lire ?
Pour comprendre mon voisin au lieu de m’énerver.

Un cinéaste ?
Tout Stephen King pour le « Shining » de Kubrick.

Un artiste à voir en concert ?
Springsteen. Nick Cave. Ton voisin.

Un lieu fabuleux ?
Le défilé de Petra, avant le premier temple. Et quelques livres.

Un écrivain ?
Quand je serai grand, j’aimerais bien être Jacques Prévert. Ou Balzac. Ou Julien Blanc-Gras. Il serait temps que je choisisse.

Ton actualité ?
En ce moment je voyage, pour le prochain livre. Sinon, là tout de suite, je réponds à un bazar de questions, et je te salue.

Site de Rue Fromentin


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