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17 décembre : Journée internationale de lutte contre les violence faîtes aux travailleuses et travailleurs du sexe

Par Plumesolidaire

Lire : La prostitution chinoise à Belleville

17 décembre : Journée internationale de lutte contre les violence faîtes aux travailleuses et travailleurs du sexe

A Belleville,

les prostituées chinoises sortent de l’ombre

Source : les inrocks

17 décembre 2014

Par Camille Emmanuelle

Ce 17 décembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux travailleuses et travailleurs du sexe, plusieurs associations appellent à un rassemblement à Belleville à 18 h 30. Parmi elles, un nouveau collectif de femmes chinoises prostituées. Reportage sur la naissance d’un mouvement d’empowerment.

20 h, un vendredi soir de novembre, à Belleville. Des riverains sortent des supermarchés, les sacs pleins. On s’attable pour l’apéro sur les terrasses chauffées de ce quartier populaire et vivant du Nord-Est parisien. Sur le boulevard, une femme chinoise, la cinquantaine, attend, abritée du vent, dans une cabine téléphonique. Quatre autres sont adossées à un immeuble. Deux femmes marchent dans un sens, puis dans l’autre, se tenant par le bras.

Ces femmes sont celles que l’on appelle les “marcheuses” de Belleville. Prostituées, moyenne d’âge 42 ans, elles viennent du Dongbei, une région du nord de la Chine sinistrée par la crise industrielle. Migrantes économiques, souvent divorcées et sans ressources en Chine, elles sont venues pour travailler dans la confection, la restauration, ou pour être nounous pour des “Wenzhou”, la communauté issue de la deuxième vague d’immigration chinoise, installée en France de longue date.

De nounou à prostituée

Elles se retrouvent à travailler sept jours sur sept pour 400 euros par mois dans des emplois au black. Sans papiers, sans autre opportunité, ne parlant pas français, certaines d’entre elles décident alors, après plusieurs emplois précaires, de “descendre à la mer” (Xia hai). L’expression, en Chine, signifie que l’on quitte un emploi dans le secteur public pour aller dans le privé, avec tous les risques que cela comporte. Elles ont recyclé cette phrase pour dire – par exemple – qu’elles sont passées de nounou à prostituée.

Pour venir travailler en France avec un visa touristique, elles ont payé entre 8 000 et 12 000 euros leurs passeurs, et doivent de l’argent à leur famille ou à des connaissances. Mais lorsqu’elles se retrouvent sur le trottoir, elles sont majoritairement indépendantes. Ceux ou celles qui font les “macs”, ce sont les propriétaires qui louent à prix fort les appartements où elles font leurs passes. Tous les habitants de Belleville, et beaucoup de Parisiens, voient quotidiennement ces femmes. Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses. Le procès récent de Tarek bin Ziaed, le meurtrier de l’une d’entre elles, Yuan’é Hu, et le meurtre en mai dernier d’une autre de ces femmes ont tristement révélé les violences dont elles sont victimes.

On les voit, donc. Mais qui les entend ? Médecins du Monde a créé le Lotus Bus il y a douze ans. A l’époque, l’ONG constate que peu de ces femmes sont informées sur la prévention du VIH et des MST. Elles sont isolées et ne connaissent pas leurs droits. L’association fait alors appel à des bénévoles sinophones. Depuis le Lotus Bus a intégré une quarantaine de bénévoles, et trois salariés, dont Tim Leceister, coordinateur, jeune trentenaire bilingue. “En Chine, raconte-t-il, la sexualité est un sujet tabou, et ça l’était d’autant plus à l’époque où elles étaient jeunes. On parlait de planification familiale, mais pas de sexualité, et encore moins de VIH.”

Ce vendredi soir, près du métro Belleville, une quarantaine de femmes font la queue devant le bus. Elles seront plus de deux cent à y passer, entre 20 h et 23 h. A l’intérieur, Julan Huang, coordinatrice, et trois bénévoles, Philippe, Elise et Thierry s’affairent dans quatre mètres carrés. Chaque femme en montant dans le bus montre une carte, et en échange on leur donne un petit sac en papier avec à l’intérieur vingt-quatre préservatifs, un tube de gel lubrifiant, et parfois des choses spécifiques qu’elles ont demandées à l’avance : digues dentaires, préservatifs féminins, etc. Une femme demande à Elise des préservatifs rouges. “Ce sont les plus demandés, en capotes de couleur, elles les utilisent quand elles ont leurs règles” précise Elise.

Des ateliers avec la police

Philippe, médecin, explique en chinois à une femme où se trouve l’hôpital Saint-Louis, tandis que Julan s’isole dans une petite pièce avec une nouvelle arrivante, pour un premier entretien individuel. Cet entretien est obligatoire pour avoir la carte qui donne droit aux préservatifs. Il permet à l’équipe du Lotus Bus de faire un état des lieux de leurs connaissances, d’expliquer à chaque femme en quoi l’association peut les aider et enfin de les informer sur les consignes pour leur sécurité, contre les clients violents.

Les règles de base : discuter avant, se faire payer avant, décider des pratiques, décider du lieu et prévenir une autre femme quand on part. Médecins du Monde est une association qui travaille sur la santé. “Mais,insiste Tim, la santé, ce n’est pas juste ne pas avoir le VIH. La santé, c’est un bien-être global, c’est maitriser son environnement, c’est avoir des droits et avoir accès aux services sociaux et à des papiers, c’est aussi l’autonomie et l’intégration dans sa citoyenneté.”

On retrouve Tim Leceister au sein des locaux de l’ONG, avenue Parmentier dans le XIe arrondissement. “Récemment on a travaillé avec les commissariats de quartier, pour organiser ici un atelier avec des agents de police, sur le thème  : Comment porter plainte. C’est positif, car c’est un véritable enjeu.”

Autre atelier, organisé l’année dernière : la question de la pénalisation des clients. Le projet de loi inquiétait beaucoup de femmes. “La majorité ne comprenait pas, affirme Tim. On a essayé de leur expliquer la loi, et le fait que pour ceux qui l’ont écrite, le sexe ne devrait pas être monnayé. Mais c’est loin de leur réalité, elles nous répondaient ‘Mais ils veulent quoi alors ? Qu’on bosse gratuitement ?’

Si la pénalisation des clients de prostituées par une amende de 1 500 euros ne figure plus à ce jour dans la proposition de loi de “lutte contre le système prostitutionnel”, la rumeur de cette loi a circulé, dans la rue, à Belleville et à Crimée. Certaines se sont alors mises à travailler au milieu de la nuit pour éviter la police, elles se sont isolées et, pour compenser la baisse de clientèle, ont accepté des clients qu’elles auraient normalement refusés.

Autre effet pervers, constaté par Tim Leicester“Beaucoup de femmes ont migré vers internet. Ce qui est plus à risque, vis-à-vis de la violence et de l’exploitation. Elles n’écrivent pas le français, donc il y a des intermédiaires qui gèrent leurs annonces, les paiements, et qui prennent 50% de leurs recettes. Elles ne choisissent pas leurs clients et on les envoie dans des villes de province. Elles se retrouvent dans des apparts à enchaîner les passes. Que ce soit dans la rue ou sur internet, ce qui est important, c’est le niveau de maitrise sur ses conditions de travail. Sur internet, elles perdent une partie de cette maîtrise. Belleville, ce n’est pas l’eldorado, mais elles connaissent le quartier et elles sont entourées.”

Entourées et solidaires. La question de l’empowerment est une des priorités de Médecins du Monde. “On défend l’accès aux soins des prostituées mais on ne représente pas ces personnes. Il n’y a qu’elles qui peuvent parler pour elles. Et on encourage cette parole.”  Elles ont organisé l’année dernière une manifestation, un flashmob, et ce sont elles qui ont décidé des slogans. Au printemps dernier, elles ont écrit un courrier, pour protester contre les arrestations. Traduit par l’équipe du Lotus Bus, le courrier a été signé par 200 femmes et envoyé aux mairies et aux commissariats du quartier. “Ce sont des démarches positives, pragmatiques et enrichissantes pour ces femmes, qui sont pleines de ressources. Elles deviennent actrices de leur situation. Il y a même une délégation qui est en train de créer une association !”, annonce Tim, avec un grand sourire.

Les dangers de l’escorting via internet

Depuis quelques semaines, le mercredi après-midi, dans un local associatif en face d’un commissariat, une douzaine de femmes se réunissent pour créer cette association. Le mercredi où on les rencontre, elles finalisent les statuts, avec l’aide du Strass (le Syndicat du travail sexuel) et des salariés du Lotus Bus. Elles préparent également la manifestation de ce 17 décembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux travailleuses et travailleurs du sexe.

Ajing, la présidente, est très claire sur les raisons d’être de ce mouvement : “Il s’agit de protéger et de défendre nos droits, de lutter contre la discrimination et la violence. Nous voulons créer plus de solidarité entre les travailleuses du sexe de notre communaut锓On veut aussi bien sûr commémorer nos sœurs mortes suite aux violences”, ajoute Ajing. Des violences qui, elles le rappellent, ont augmenté.

“Le problème, c’est qu’on a peur de la police donc on n’ose pas porter plainte. En Chine, on disait : en cas de problème, appelle la police. Ici on se dit entre nous : en cas de problème, démerde-toi !” dit-elle en riant. Elle prend un air plus sombre quand elle raconte son expérience personnelle. “Tout ça a un lien avec la violence, car les agresseurs savent qu’on a peur de la police. C’est le monde à l’envers. Un jour, c’était une période où j’avais des papiers, j’ai ramené un client et il ne voulait pas me payer. Il a essayé de me violer. Il a sorti son téléphone et a menacé d’appeler la police. Comme j’étais en règle, j’étais en position de force, je lui ai dit que c’était moi qui allais appeler les policiers. Il est parti. Mais aujourd’hui je n’ai plus de papiers. Je ne sais pas comme je gèrerais la situation si ça arrivait de nouveau”.

Elles confirment que l’escorting via internet est encore plus dangereux.“Quand tu travailles sur internet, le premier contact avec le client, raconte Ajun, c’est quand tu ouvres la porte, donc tu ne peux pas savoir s’il est bien intentionné ou pas. C’est arrivé à des collègues de se faire ainsi braquer avec une arme à feu. A Belleville, au moins, on voit les clients et on décide si on veut partir avec eux ou pas”.

Enthousiastes et déterminées, ces femmes découvrent petit à petit le militantisme associatif. “Il n’y a aucune vie associative en Chine, dit Ajic.C’est grâce aux échanges avec le Lotus Bus qu’on a eu cette idée. On a besoin d’une structure, pour prendre la parole. On veut aussi établir un dialogue avec les riverains, pour créer le moins de problèmes possible. Mais tout ça prend du temps”.

L’association n’est pas encore complètement créée, mais elle a déjà un nom : les Roses d’Acier. La présidente brandit fièrement le poing : “Les roses, c’est le symbole de la féminité. Et l’acier, c’est pour exprimer l’idée qu’on est fortes.” Elles attendent une centaine de travailleuses du sexe, ce 17 décembre, à Belleville. En attendant, elles ont fabriqué une boîte en carton avec un cœur dessiné dessus pour récolter des sous devant le Lotus Bus et elles collent des affiches, écrites en chinois, pour appeler à la mobilisation.

Aujourd’hui, elles ne seront pas des silhouettes muettes rasant les murs. Elles défileront groupées sur le boulevard. Elles seront ces femmes fortes qui revendiquent leurs droits et font entendre leurs voix.

Lire : La prostitution chinoise à Belleville

17 décembre : Journée internationale de lutte contre les violence faîtes aux travailleuses et travailleurs du sexe

A Belleville,

les prostituées chinoises sortent de l’ombre

Source : les inrocks

17 décembre 2014

Par Camille Emmanuelle

Ce 17 décembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux travailleuses et travailleurs du sexe, plusieurs associations appellent à un rassemblement à Belleville à 18 h 30. Parmi elles, un nouveau collectif de femmes chinoises prostituées. Reportage sur la naissance d’un mouvement d’empowerment.

20 h, un vendredi soir de novembre, à Belleville. Des riverains sortent des supermarchés, les sacs pleins. On s’attable pour l’apéro sur les terrasses chauffées de ce quartier populaire et vivant du Nord-Est parisien. Sur le boulevard, une femme chinoise, la cinquantaine, attend, abritée du vent, dans une cabine téléphonique. Quatre autres sont adossées à un immeuble. Deux femmes marchent dans un sens, puis dans l’autre, se tenant par le bras.

Ces femmes sont celles que l’on appelle les “marcheuses” de Belleville. Prostituées, moyenne d’âge 42 ans, elles viennent du Dongbei, une région du nord de la Chine sinistrée par la crise industrielle. Migrantes économiques, souvent divorcées et sans ressources en Chine, elles sont venues pour travailler dans la confection, la restauration, ou pour être nounous pour des “Wenzhou”, la communauté issue de la deuxième vague d’immigration chinoise, installée en France de longue date.

De nounou à prostituée

Elles se retrouvent à travailler sept jours sur sept pour 400 euros par mois dans des emplois au black. Sans papiers, sans autre opportunité, ne parlant pas français, certaines d’entre elles décident alors, après plusieurs emplois précaires, de “descendre à la mer” (Xia hai). L’expression, en Chine, signifie que l’on quitte un emploi dans le secteur public pour aller dans le privé, avec tous les risques que cela comporte. Elles ont recyclé cette phrase pour dire – par exemple – qu’elles sont passées de nounou à prostituée.

Pour venir travailler en France avec un visa touristique, elles ont payé entre 8 000 et 12 000 euros leurs passeurs, et doivent de l’argent à leur famille ou à des connaissances. Mais lorsqu’elles se retrouvent sur le trottoir, elles sont majoritairement indépendantes. Ceux ou celles qui font les “macs”, ce sont les propriétaires qui louent à prix fort les appartements où elles font leurs passes. Tous les habitants de Belleville, et beaucoup de Parisiens, voient quotidiennement ces femmes. Elles sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses. Le procès récent de Tarek bin Ziaed, le meurtrier de l’une d’entre elles, Yuan’é Hu, et le meurtre en mai dernier d’une autre de ces femmes ont tristement révélé les violences dont elles sont victimes.

On les voit, donc. Mais qui les entend ? Médecins du Monde a créé le Lotus Bus il y a douze ans. A l’époque, l’ONG constate que peu de ces femmes sont informées sur la prévention du VIH et des MST. Elles sont isolées et ne connaissent pas leurs droits. L’association fait alors appel à des bénévoles sinophones. Depuis le Lotus Bus a intégré une quarantaine de bénévoles, et trois salariés, dont Tim Leceister, coordinateur, jeune trentenaire bilingue. “En Chine, raconte-t-il, la sexualité est un sujet tabou, et ça l’était d’autant plus à l’époque où elles étaient jeunes. On parlait de planification familiale, mais pas de sexualité, et encore moins de VIH.”

Ce vendredi soir, près du métro Belleville, une quarantaine de femmes font la queue devant le bus. Elles seront plus de deux cent à y passer, entre 20 h et 23 h. A l’intérieur, Julan Huang, coordinatrice, et trois bénévoles, Philippe, Elise et Thierry s’affairent dans quatre mètres carrés. Chaque femme en montant dans le bus montre une carte, et en échange on leur donne un petit sac en papier avec à l’intérieur vingt-quatre préservatifs, un tube de gel lubrifiant, et parfois des choses spécifiques qu’elles ont demandées à l’avance : digues dentaires, préservatifs féminins, etc. Une femme demande à Elise des préservatifs rouges. “Ce sont les plus demandés, en capotes de couleur, elles les utilisent quand elles ont leurs règles” précise Elise.

Des ateliers avec la police

Philippe, médecin, explique en chinois à une femme où se trouve l’hôpital Saint-Louis, tandis que Julan s’isole dans une petite pièce avec une nouvelle arrivante, pour un premier entretien individuel. Cet entretien est obligatoire pour avoir la carte qui donne droit aux préservatifs. Il permet à l’équipe du Lotus Bus de faire un état des lieux de leurs connaissances, d’expliquer à chaque femme en quoi l’association peut les aider et enfin de les informer sur les consignes pour leur sécurité, contre les clients violents.

Les règles de base : discuter avant, se faire payer avant, décider des pratiques, décider du lieu et prévenir une autre femme quand on part. Médecins du Monde est une association qui travaille sur la santé. “Mais,insiste Tim, la santé, ce n’est pas juste ne pas avoir le VIH. La santé, c’est un bien-être global, c’est maitriser son environnement, c’est avoir des droits et avoir accès aux services sociaux et à des papiers, c’est aussi l’autonomie et l’intégration dans sa citoyenneté.”

On retrouve Tim Leceister au sein des locaux de l’ONG, avenue Parmentier dans le XIe arrondissement. “Récemment on a travaillé avec les commissariats de quartier, pour organiser ici un atelier avec des agents de police, sur le thème  : Comment porter plainte. C’est positif, car c’est un véritable enjeu.”

Autre atelier, organisé l’année dernière : la question de la pénalisation des clients. Le projet de loi inquiétait beaucoup de femmes. “La majorité ne comprenait pas, affirme Tim. On a essayé de leur expliquer la loi, et le fait que pour ceux qui l’ont écrite, le sexe ne devrait pas être monnayé. Mais c’est loin de leur réalité, elles nous répondaient ‘Mais ils veulent quoi alors ? Qu’on bosse gratuitement ?’

Si la pénalisation des clients de prostituées par une amende de 1 500 euros ne figure plus à ce jour dans la proposition de loi de “lutte contre le système prostitutionnel”, la rumeur de cette loi a circulé, dans la rue, à Belleville et à Crimée. Certaines se sont alors mises à travailler au milieu de la nuit pour éviter la police, elles se sont isolées et, pour compenser la baisse de clientèle, ont accepté des clients qu’elles auraient normalement refusés.

Autre effet pervers, constaté par Tim Leicester : “Beaucoup de femmes ont migré vers internet. Ce qui est plus à risque, vis-à-vis de la violence et de l’exploitation. Elles n’écrivent pas le français, donc il y a des intermédiaires qui gèrent leurs annonces, les paiements, et qui prennent 50% de leurs recettes. Elles ne choisissent pas leurs clients et on les envoie dans des villes de province. Elles se retrouvent dans des apparts à enchaîner les passes. Que ce soit dans la rue ou sur internet, ce qui est important, c’est le niveau de maitrise sur ses conditions de travail. Sur internet, elles perdent une partie de cette maîtrise. Belleville, ce n’est pas l’eldorado, mais elles connaissent le quartier et elles sont entourées.”

Entourées et solidaires. La question de l’empowerment est une des priorités de Médecins du Monde. “On défend l’accès aux soins des prostituées mais on ne représente pas ces personnes. Il n’y a qu’elles qui peuvent parler pour elles. Et on encourage cette parole.”  Elles ont organisé l’année dernière une manifestation, un flashmob, et ce sont elles qui ont décidé des slogans. Au printemps dernier, elles ont écrit un courrier, pour protester contre les arrestations. Traduit par l’équipe du Lotus Bus, le courrier a été signé par 200 femmes et envoyé aux mairies et aux commissariats du quartier. “Ce sont des démarches positives, pragmatiques et enrichissantes pour ces femmes, qui sont pleines de ressources. Elles deviennent actrices de leur situation. Il y a même une délégation qui est en train de créer une association !”, annonce Tim, avec un grand sourire.

Les dangers de l’escorting via internet

Depuis quelques semaines, le mercredi après-midi, dans un local associatif en face d’un commissariat, une douzaine de femmes se réunissent pour créer cette association. Le mercredi où on les rencontre, elles finalisent les statuts, avec l’aide du Strass (le Syndicat du travail sexuel) et des salariés du Lotus Bus. Elles préparent également la manifestation de ce 17 décembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux travailleuses et travailleurs du sexe.

Ajing, la présidente, est très claire sur les raisons d’être de ce mouvement : “Il s’agit de protéger et de défendre nos droits, de lutter contre la discrimination et la violence. Nous voulons créer plus de solidarité entre les travailleuses du sexe de notre communaut锓On veut aussi bien sûr commémorer nos sœurs mortes suite aux violences”, ajoute Ajing. Des violences qui, elles le rappellent, ont augmenté.

“Le problème, c’est qu’on a peur de la police donc on n’ose pas porter plainte. En Chine, on disait : en cas de problème, appelle la police. Ici on se dit entre nous : en cas de problème, démerde-toi !” dit-elle en riant. Elle prend un air plus sombre quand elle raconte son expérience personnelle. “Tout ça a un lien avec la violence, car les agresseurs savent qu’on a peur de la police. C’est le monde à l’envers. Un jour, c’était une période où j’avais des papiers, j’ai ramené un client et il ne voulait pas me payer. Il a essayé de me violer. Il a sorti son téléphone et a menacé d’appeler la police. Comme j’étais en règle, j’étais en position de force, je lui ai dit que c’était moi qui allais appeler les policiers. Il est parti. Mais aujourd’hui je n’ai plus de papiers. Je ne sais pas comme je gèrerais la situation si ça arrivait de nouveau”.

Elles confirment que l’escorting via internet est encore plus dangereux.“Quand tu travailles sur internet, le premier contact avec le client, raconte Ajun, c’est quand tu ouvres la porte, donc tu ne peux pas savoir s’il est bien intentionné ou pas. C’est arrivé à des collègues de se faire ainsi braquer avec une arme à feu. A Belleville, au moins, on voit les clients et on décide si on veut partir avec eux ou pas”.

Enthousiastes et déterminées, ces femmes découvrent petit à petit le militantisme associatif. “Il n’y a aucune vie associative en Chine, dit Ajic.C’est grâce aux échanges avec le Lotus Bus qu’on a eu cette idée. On a besoin d’une structure, pour prendre la parole. On veut aussi établir un dialogue avec les riverains, pour créer le moins de problèmes possible. Mais tout ça prend du temps”.

L’association n’est pas encore complètement créée, mais elle a déjà un nom : les Roses d’Acier. La présidente brandit fièrement le poing : “Les roses, c’est le symbole de la féminité. Et l’acier, c’est pour exprimer l’idée qu’on est fortes.” Elles attendent une centaine de travailleuses du sexe, ce 17 décembre, à Belleville. En attendant, elles ont fabriqué une boîte en carton avec un cœur dessiné dessus pour récolter des sous devant le Lotus Bus et elles collent des affiches, écrites en chinois, pour appeler à la mobilisation.

Aujourd’hui, elles ne seront pas des silhouettes muettes rasant les murs. Elles défileront groupées sur le boulevard. Elles seront ces femmes fortes qui revendiquent leurs droits et font entendre leurs voix.


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