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Gravenhurst - Fires In Distant Buildings (2005)

Publié le 23 décembre 2014 par Oreilles
Gravenhurst - Fires In Distant Buildings (2005)Troisième album du (plus si )jeune Nick Talbot - il a alors 28 ans - sous entité Gravenhurst, Fires... est l'album qui révèle notre anglais blafard à une internationale indie alors en panne de songwriters britanniques. Blafard comme le teint de notre binoclard rondouillard, blafards comme ces lyrics sinistres qui n'auraient pas déparé chez Joy Division ("To understand a killer, I must become the killer" sur l'obsédant "Velvet Cell"), assénés qui plus est d'un doux timbre voilé en total décalage avec le propos.
 Assez curieusement, notre songwriter avait assez vite trouvé refuge dès son deuxième LP -l'estimable Flashlight Seasons (2004) - chez WARP l'un des maîtres labels de l'électronique avant-gardiste. D'électro ou de bidouillages assumés, il n'était guère question dans ce monument de mélancolie qui encore aujourd'hui, peut le disputer en noirceur à un Closer ou....un Fives Leaves Left. Mais plutôt d'une folk électrifiée à la fois très pop -et cette caractéristique tendrait à s'accentuer par la suite - et mâtinée d'un esprit post-rock dans ce que le terme eut un jour de plus aventureux. On peut penser au jazz décomplexé et instrumental d'un Tortoise ou d'un UI par exemple, ces entrelacs savants de guitare sur le terrifiant "Song From Under The Arches" ou à cette rythmique invariablement menaçante et sourde.
Dès "Down River", sa longue intro instrumentale et ses 7 minutes droit sorties d'un very bad trip ou d'un road movie Lynchien, le ton est donné : l'ambiance ne sera guère accorte tout au long de ces cinquante minutes de romantisme échevelé, de mélange de douceur et d'abruptes éruptions de violence. "Nicole" (rien à voir avec le dub enfumé des faux frangins Ween) est l'une des plus belles chansons d'amour ever ; les paroles de cet étonnant voyage aquatique en mode Titanic se suffisant à elles-mêmes : "Oh Nicole /  From the moment we met / we let it get out of control (...) I cry for mercy
You stare back blankly / I want to jump but if youre pushing me / I'll hold on tightly".
En guise de finale à ce 3ème long format s'apparentant à un effrayant chausse-trappes vers lequel son auteur entraînait l'innocent auditeur, à moins qu'il ne s'agît d'un indépêtrable sable mouvant nous laissant exsangue et asphyxié, cette étonnante cover longue de 9' du "See my Friends" des Kinks, morceau fondateur s'il en fut, le premier à user de sonorités indiennes et du sitar. Ici, Nick Talbot en accentue le côté mantra et hypnotique, à partir de bruitages et de déflagrations soniques idéalement senties.
Enregistré tout seul ou quasi (avec l'aide d'un batteur), Fires In Distant Buildings,  manifeste gothique exacerbé de l'alias de Nick Talbot est une œuvre absolument inclassable, en tout cas en dehors de tout courant alors en vogue à l'époque - le post rock avait déjà vécu, et plus grand monde ne faisait de folk en Grande-Bretagne. On ne put donc l'inclure dans aucune chapelle au moment de sa sortie, d'autant que la production musicale locale connaissait et connaîtrait longtemps après une période de vacuité et de sinistrose comme  rarement elle n'en avait connu.
Pour toutes ces raisons là, mais aussi pour ce côté torturé qui enlumine sa pop-folk unique, gageons que le nom de Nick Talbot brillera encore longtemps au firmament des grands songwriters échoués en plein vol, les Elliott Smith, Mark Linkhous ou autres Vic Chestnutt, ou plus sûrement de ses glorieux ainés de la perfide Albion que furent Nick Drake ou John Martyn.
 Nick Talbot a délaissé cette planète à l'âge absurde de 37 ans. Les causes de son décès n'ont pas été révélées.
En bref : l'un des très rares songwriters anglais dignes d'intérêt de son époque. Une pop-folk fragile et intelligente, à fleur de peau ; et un album déjà marquant pour nombre de ses contemporains.
Gravenhurst - Fires In Distant Buildings (2005)
   R.I.PGravenhurst - Fires In Distant Buildings (2005)      Nick Talbot (1967-2014) "Down River"

" Song From Under The Arches"
 

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