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Caratini Jazz Ensemble " Body and Soul " Live at the Paris Jazz Festival

Publié le 23 décembre 2014 par Assurbanipal

" Body and Soul "

Caratini Jazz Ensemble

Concert enregistré au Paris Jazz Festival, à Paris, Ile de France, France, le 28 juillet 2013.

Album Caramusic (auto production) distribué par l'Autre distribution.

Patrice Caratini: contrebasse, direction, composition sauf " Body and Soul " (n°15 et 20) de Johny Green.

Le Caratini Jazz Ensemble compte 17 musiciens, chef compris, dont Alain Jean-Marie (piano). Personnel détaillé dans l'album.

Ca commence avec le son de la contrebasse, celle de Patrice Caratini, assise du Jazz et de la chanson en France depuis les années 70. C'est le premier morceau " Isabelle " et tout de suite nous savons que nous allons écouter une belle histoire.

Non pas celle d'un standard " Body and Soul " dont la version magistrale fut enregistrée par Coleman Hawkins (sax ténor) en 1939 mais celle d'un film méconnu au même titre. Body and Soul est un fim d'Oscar Micheaux, cinéaste noir américain, tellement audacieux pour son époque (1924) qu'il dérange encore. Si ce film muet fut le premier rôle du chanteur, acteur et militant Paul Robeson, il passa inaperçu lors de sa création. Un film tourné par un Noir avec des Noirs aux USA en 1924 avait peu de chance d'être diffusé. De plus, ce n'est pas un film simpliste. Les opprimés n'y sont pas des anges puisque Paul Robeson joue le rôle d'un faux pasteur, séducteur, manipulateur, escroc pas aussi dangereux que Robert Mitchum dans " La nuit du chasseur " de Charles Laughton mais pas loin.

A un film muet, il faut une musique. Wycliffe Gordon, membre de la confrérie Marsalis, en créa une en 2000 pour le New York Film Festival, interprétée par l'orchestre Jazz at Lincoln Center de Wynton Marsalis. Problème: ce film montre des Noirs buvant, trichant, mentant, escroquant, se traitant de " niggers ". Trop choquant pour l'intelligentsia africaine-américaine qui enterra le film et sa musique. Les staliniens existent aussi en Amérique du Nord.

Patrice Caratini n'est ni Noir ni Américain mais il possède une connaissance encyclopédique des musiques populaires du XX° siècle, est un leader né comme disent les Américains. Il a composé une musique sans parole mais sous format de chansons (20 morceaux en 52'32) où les ambiances, les climats s'enchaînent entre Jazz, Blues, Soul, Biguine. L'adjonction de 3 percussionnistes à l'orchestre lui donne un son plus noir.

L'oeuvre fut créée à la demande du Paris Jazz Festival qui fait swinguer chaque mois de juillet les arbres et les fleurs du Parc floral de Paris situé à Vincennes, comme son nom l'indique (métro Château de Vincennes: terminus de la ligne 1). Il s'agit d'un ciné concert où l'orchestre joue en accompagnement du film, sans trucage ni doublage. La Nature s'est mise en harmonie avec la musique puisque le concert a fini par un orage accompagnant la fin désastreuse de l'héroïne du film qui meurt seule, ruinée par l'escroc déguisé en pasteur qui a abusé de sa naïveté.

Au total, l'oeuvre dure 1h20, le temps du film mais comme il s'agit ici d'un objet musical qui a sa propre logique narrative, seules 52'32 ont été conservées. A l'auditrice attentive, à l'auditeur concentré de se faire son propre film en écoutant cette musique qui est très parlante. Ainsi " Atlanta " (n°16) évoque irrésistiblement le vieux Sud, la ville natale de James Brown.

C'est une musique savante et populaire qui peut se danser et s'écouter, chez soi ou en concert, avec ou sans le film d'Oscar Micheaux.

La création de Patrice Caratini revivifie un film injustement oublié, pionnier du cinéma noir américain. Merci à lui.


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