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Appropriation : le point aveugle

Publié le 28 décembre 2014 par Pantalaskas @chapeau_noir

Appropriation ou plagiat

Plusieurs controverses récentes révèlent la fragilité du statut de l’œuvre d'art dans son intégrité, dans le respect de la création unique d'un auteur. Il y a deux mois, l'artiste valaisan Valentin Carron a été accusé de plagiat pour une sculpture copie conforme d'une œuvre de Francesco di Teana exposée à Neuchâtel. Un galeriste parisien, Jean-François Roudillon et le fils de l'auteur de l'oeuvre originale ont réagi en découvrant cette pièce. La sculpture réalisée par Valentin Carron , "The Dawn", (L'aube) a été directement inspirée par celle, nommée "Aube",  créée en 1977 par Francesco Marino Di Teana, artiste d'origine italienne, décédé en 2012.

Di Teana et Carron

Di Teana et Carron

Jean-François Roudillon, également responsable du catalogue raisonné de Di Teana, dénonce un moulage copie-conforme, du "plagiat à l'état pur". Le fils de l'artiste, Nicolas Marino Di Teana, prévoyait de saisir la justice. "La copie est tellement conforme que ça en devient un faux", s'insurge-t-il.
Plus récemment, Claude Bauret-Allard, épouse du photographe Jean-François Bauret, décédé en janvier 2014, affirme que Naked, œuvre de Jeff Koons, une sculpture en porcelaine représentant un garçon et une fille âgés de huit/dix ans et nus,  pièce qui devait être exposée à la rétrospective que le Centre Pompidou consacrée à l'artiste américain, est directement inspirée d'un cliché du photographe visible sur son site et représentant lui aussi deux enfants nus. Un courrier dénonçant une «contrefaçon de droit d'auteur» a été adressé à Jeff Koons un mois avant l'ouverture de l'exposition et à la direction du Centre Pompidou le jour de l'inauguration, a indiqué l'avocat de la famille Bauret.

Appropriation : le point aveugle

A gauche photographie de JF Bauret, à droite œuvre de Koons.

Fait d'hiver

Une autre œuvre en porcelaine de Jeff Koons, Fait d'hiver, appartenant comme Naked à une série intitulée Banality, a été retirée de la rétrospective à la demande du prêteur, à la suite d'accusations de contrefaçon portées par un publicitaire. Franck Davidovici, l'auteur des campagnes de la marque française de prêt-à-porter Naf-Naf dans les années 1980, a accusé Jeff Koons de contrefaçon concernant cette œuvre datant de 1988 et mettant en scène un cochon venant au secours d'une femme allongée dans la neige.
Il apparait que, dans les espaces d'appropriation, citation, pastiche, parodie, caricature, la question du respect du droit d'auteur reste sensible. A l'évidence, concernant Valentin Carron,  cette démarche d'appropriation ne peut reposer sur l'argument de "citation" puisqu'il s'agit là d'une copie entière de l’œuvre. Aussi bien pour Di Teana que pour Jean-François Bauret, la démarche ne peut être non plus assimilée à une caricature, un pastiche de leurs œuvres.
Autant l'évocation décalée par d'autres artistes d’œuvres particulièrement célèbres et ancrées comme références culturelles est lisible au second degré de l'original, autant la copie sans vergogne d’œuvres ne répondant pas à une telle notoriété devrait  être refusée par les responsables institutionnels. Il semble que cela ne soit pas le cas.
Pour Christian Bernard, directeur du Musée d'art moderne et contemporain de Genève, Valentin Carron a "cité" Francesco Marino di Teana "au même titre que Mozart a repris certains passages musicaux d'autres compositeurs".
Alain Seban, président du Centre Pompidou, a indiqué dans un communiqué, concernant les oeuvres de Koons, que « des questions similaires se sont déjà posées aux États-Unis pour d'autres œuvres de la série Banality, dont le principe même est de partir d'objets achetés dans le commerce ou d'images issues de la presse (...) Une large part de la création moderne et contemporaine repose sur le concept de citation, voire d'appropriation ».
Manifestement, le procédé d'appropriation d'une œuvre d'art apparaît comme une pratique aux contours flous, abandonnée à la seule appréciation de l'artiste, sans frontières connues, zone de non droit,  sorte de point aveugle dans le regard sur l’identité des œuvres.


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