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Maxime Chattam : Que ta volonté soit faite

Par Stephanie Tranchant @plaisir_de_lire

Que ta volonté soit faite de Maxime Chattam   5/5 (29-12-2014)

Que ta volonté soit faite (368 pages) sort le 2 janvier 2015 aux Editions Albin Michel.

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L’histoire (éditeur) :

Bienvenue à Carson Mills, petite bourgade du Midwest avec ses champs de coquelicots, ses forêts, ses maisons pimpantes, ses habitants qui se connaissent tous. Un véritable petit coin de paradis… S’il n’y avait Jon Petersen. Il est ce que l’humanité a fait de pire, même le Diable en a peur. Pourtant, un jour, vous croiserez son chemin. Et là…

Réveillera-t-il l’envie de tuer qui sommeille en vous ?

Maxime Chattam nous manipule tout au long de ce récit troublant dont le dénouement, aussi inattendu que spectaculaire, constitue l’essence même du roman noir : la vérité et le crime.

Mon avis :

L’année 2014 se termine en beauté puisque je me suis plongée dans le nouveau roman de Maxime Chattam et que cette petite claque littéraire a été du début à la fin un vrai bonheur. Ce vingtième roman, dont je n’ai pas réussi à me détacher, dévoré en 2 soirées qui ont débordée sur une partie de ma nuit) est un coup de cœur, que je vous conseille de découvrir.

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Déconcertée au début par l’avant-propos de l’auteur qui s’éclipse et annonce la couleur, j’ai ensuite retrouvé dans le premier chapitre ce à quoi l’auteur m’avait habituée : la violence. Cette première rencontre avec Jon Petersen, alors trentenaire, m’a profondément marquée. Mais bon, il faut être honnête, je savais parfaitement à quoi m’attendre, car en lisant du Maxime Chattam on sait forcément ce qu’on va y trouver : une intrigue ultra captivante où le Mal a très largement sa place. A partir de là, la surprise est allée croissante parce que je ne m’attendais pas à y découvrir un style recherché et  une ambiance de petit patelin américain des années 60 à la Stephen King.

Que ta volonté soit faite est l’histoire de Jon Petersen, un gamin né dans le sang (issu d’une union avortée le jour de sa naissance entre une mère méthodiste et un père luthérien), élevé par son grand et ses deux tantes Hanna et Rakel. Déjà tout jeune,  Jon est un enfant asocial dépourvu de culpabilité et de regret, grouillant de colère, de cruauté et d’un besoin de puissance. Il ne tarde pas à faire parler de lui à 12 ans, après une rixe avec un camarade de classe. Mais c’est dans le viol qu’il trouve sa voie à 15 ans, incroyable sensation de domination qui lui donne un sentiment de pouvoir exacerbé…

« Il faut bien avouer que si la plupart d’entre nous pénètrent dans le monde par le biais des vivants, lui ne rencontra que des morts pour l’accueillir.

Il y a de signes qui ne trompent pas. » Page 30

« Les enfants de toute l’Amérique avaient le Croquemitaine pour se raconter des histoires qui font peur ; à Carson Mills ils avaient Jon Petersen. » Page 238

Ne vous y trompez pas, Que ta volonté soit faite n’est pas une énumération de victimes et d’actes pervers racontés par le biais d’un narrateur inconnu mais qui ne manque pas de présence dans l’histoire. C’est surtout la vie de cet enfant qui devient un homme, un mari, un père. C’est aussi l’histoire de Jarvis  Jefferson, shérif depuis des décennies à Carson Mills.  Un homme et un époux bon et fidèle, habitué aux bagarres d’ivrognes et aux querelles de voisinages, qui se retrouve avec le viol de deux gamines, un meurtre et des disparitions d’animaux en série sur les bras et dont il ne sait que faire.

Roman ultra noir, Que ta volonté soit faite a le don  de vous transporter dans cette petite ville de quelques milliers d’habitants, d’y trouver quelques personnages attachants et d’autres répugnants. Et à mesure que vous lisez, que vous vous enfoncez et que vous vous impliquez dans  cette sombre  et abominable histoire, vous vous demandez quand tout cela cessera, quand le Mal finira par être stopper et que la morale prendra le dessus.  Car il est hors de question, et même impensable, de fermer ce roman sans que la justice ne soit rendue. Et puis vous restez intrigués par un narrateur qui semble tout connaître et dont on ne connait finalement rien. Un narrateur qui s’immisce dans le récit sans jamais s’impliquer mais qui en dit finalement plus que nous ne voulons bien écouter.

Ce roman n’a absolument rien à voir avec les précédents de l’auteur. Dans le fond, celui-ci ne manque pas de violence, de brutalité ni d’épisodes crus et parfois insoutenables mais il y a la forme qui équilibre par sa beauté. Oui, j’ai trouvé le style particulièrement agréable. J’ai même pris un vrai grand plaisir avec ces tournures de phrases imagées,  ces jolies descriptions qui en quelques mots en disent plus qu’en plusieurs pages. C’est fluide, clair, direct et en même temps délicieusement travaillé.

« Les billes de Jon avaient désenflé, elles ne menaçaient plus de rompre leur poche pour laisser dégouliner leur ténèbres sur ses joues. A la place il n’y avait plus qu’une force invisible qui transperça littéralement Riley de part en part. Deux longues piques qui l’embrochèrent avec le désir de faire mal, de remuer les chairs, que ses organes se déchirent. A cet instant, Riley sut qu’être fusillé aurait été moins douloureux, et c’est précisément pourquoi son père  avait remplacé les canons par des lames. » Page 16

« La roue chromatique avait tourné jusqu’à remplir le cadran de l’horizon de ses volutes sombres aux motifs étoilés. » Page 44

« Deux recruteurs de l’armée débarquèrent à Carson Mills cet automne-là, et enrôlèrent plusieurs jeunes bien portants pour nourrir le ventre affamé de la guerre qui ouvrait sa sinistre bouche de l’autre côté du monde, dans une région humide qui, aux yeux de Jon, s’apparentait à la Lune en termes de proximité et d’intérêt. » Page 166

Voilà donc un roman dont il ne faudra pas se passer 2015. Pour la découverte d’un nouveau Maxime Chattam, différent et excellent, pour une intrigue qui arrivera jusqu’au bout à vous surprendre finement et pour une atmosphère dont vous devrez vous délecter.

« Des tréfonds de mes convictions c de lecteur, j’ai toujours considéré que le récit seul commande la liaison entre lui et son destinataire (…). Peu importe le mode d’expression, c’est la captation qui domine. Celle du lecteur. Son vécu personnel. Et au fond, ce qui perdure, la réminiscence émotionnelle définitive du livre dans le mémoire, c’est bien chaque lecteur qui se la construit, avec ses échelles d’intensité propre. En ce sens le livre échappe au contrôle de son auteur,  quels que soient les procédés mis en œuvre pour en maîtriser l’impact. (…)

C’est l’histoire d’un pouvoir qui nous effleure sans conscience, d’une transgression, d’une bascule. Et d’un acte citoyen, au nom du plus grand nombre, au nom de ce qui est juste. Mais avant tout, c’est le portrait d’une petite ville. La mienne.

Carson Mills. » Page 23-24


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