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Manga : une rétrospective digestive au coin du feu…

Publié le 01 janvier 2015 par Paoru

Rétrospective manga 2014

Alors le thé c’est boooon, le petit gâteau choco-gingembre-citron est sorti du four, les chaussettes triple épaisseur sont aux pieds, la cheminée irradie de chaleur tout le salon…

AH ! Vous voilà… Entrez, entrez donc !

Installez-vous jeunes gens, il est l’heure de parler de cette année de lecture. 2014 fut d’une richesse très appréciable et j’ai en mémoire plus de 300 lectures durant ces douze derniers mois. Bien évidemment tout n’était pas bon (ouh là, non, du tout !) mais il faut bien avouer que je suis bien repus après cette multitude de saveurs nippones. Maintenant que ces fêtes entament leur crépuscule, il est temps de passer à la digestion de ces dizaines de séries, en se remémorant les meilleurs plats, ces alliances savoureuses d’humour, d’action et de suspens, ces romances qui fondent en bouchent, ces rires enivrants et chaleureux…

Pour fêter dignement les 5 années de ce blog je me lance donc dans ce que j’aime faire : vous parler de manga. Bonne digestion à toutes et à tous… Et bonnes lectures !

Dès l’apéritif, ils ont pris les armes !

De l’action, encore de l’action, toujours de l’action… Voilà de quoi commencer ce repas de fête sur les chapeaux de roue très chers invités ! Quand je dis action je pense bien sûr aux shônens, mais je n’envisage pas de m’étaler sur les petits fours habituels, que nenni, car mon palais avait des envies de changement cette année. En effet, en 2014, j’ai bien mangé quelques chapitres de One Piece, Bleach, Naruto ou même le finish de Soul Eater mais avec un enthousiasme limité, et mes papilles se sont tournées vers l’avenir de la catégorie, un peu à l’image des choix gustatifs du lectorat japonais. Dans cette section grand public le plateau d’amuse-bouches était composé de L’attaque des titans, Seven Deadly Sins, Blue Exorcist, Dimension W et du petit Haikyû en bonus, parce que le sport c’est bon pour la santé et qu’il faut bien perdre quelques grammes après tout ça. Mais regardons ça de plus près.

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Avec un univers fantastique cohérent et bien exploité, Blue Exorcist a parcouru pas mal de chemin depuis ses débuts et se montre assez mature, vis à vis de concurrents comme Blood Lad ou Witchcraft Works par exemple.  Si les personnages sont classiques et proches des archétypes du shônen, leur excellent chara-design et la bonne mise en scène des drames qui les tiraillent ont permis au lecteur de se plonger facilement dans leurs destins respectifs. Dorénavant on a l’impression de tous les connaître, le lien est établi avec le lecteur. Dans un cercle assez restreint de personnages de premier et second plan, Kazue Kato prend soin d’alterner les coups de projecteur sur chacun des exorcistes phares… Sans trop s’y attarder non plus, pour conserver une excellente rythmique dans le déroulement son histoire. Le scénario s’avère très bien structuré et tout s’imbrique parfaitement qu’il s’agisse de flashbacks, de révélations ou d’introspections. En glissant ça et là des indices et des phrases sibyllines, la mangaka sait aussi éveiller la curiosité du lecteur et le tenir en haleine : comment chaque personnage va-t-il lutter contre son destin, qu’est-ce que mijotent les hautes sphères du pouvoir, quelle est la puissance d’untel, qui est du coté de qui… Tout comme le petit four que tout le monde s’arrache dans le premier tour de plateau – «c’était bon, dommage du peu !» - on regrette que seul deux tomes de Blue Exorcist paraissent chaque année, mais c’est peut-être là une clé de la réussite.

Réussite toujours, mais à une autre échelle : L’attaque des titans est passé du manga à succès au manga phénomène au Japon, via un marketing et une communication savamment orchestrés. Sur les tomes sortis en 2014 en France, il n’y a pas grand chose à redire de plus : le chara-design est toujours aussi vieillot et la mise en page est ultra classique – on dirait une vieille mini-quiche au saumon, pour rester dans la thématique – mais la mise en scène et un art consumé du rebondissement balaient allègrement tous les défauts de l’ouvrage, qui se dévore toujours aussi goulûment. Hajime Isayama réussi à produire un titre totalement addictif par son scénario et sa narration, et sait transmettre avec brio le désespoir, la peur, l’effarement ou la rage de vivre de ses personnages à ses lecteurs. Un succès mérité. Parce que, quand c’est bien fait, on s’en moque de la tête que ça a, la quiche au saumon.

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Plus subtil et assez original, façon verrine aux drôles de couleurs et au goût inattendu : Dimension W, le premier Yuji Iwahara qui semble connaître un vrai succès commercial en France. Comme la verrine, voilà un titre au look et à l’univers assez sexy qui renvoie au culte Cowboy Bebop : un monde futuriste et bourré de nouvelles technologies avec un héro taciturne tourné vers le passé qui possède un style de combat plutôt simple voir rétro, à base d’arts martiaux et d’aiguilles meurtrières, mais ultra efficace. On plonge d’entrée dans une histoire de fond très mystérieuse et intrigante.

L’action se déroule dans un monde où le pouvoir est au main d’une multinationale aux allures de Big Brother cybernétique, qui s’est probablement mise pas mal de sang sur les mains pour en arriver là. La force de l’ouvrage est de diversifier ses thématiques en prenant le temps de bien les exploiter, sur une douzaine de chapitre en moyenne. Après une mise en place de l’histoire menée tambour battant, on a le droit a une une enquête policière et un meurtre en chambre close qui bifurque au final vers le paradoxe temporel. Cela peut paraître capillotracté à première vue mais que nenni, car l’univers parallèle, la fameuse dimension W du titre, permet de revisiter habilement un genre ou simplement d’étoffer un récit. Enfin, coté personnages, les réels ennemis sont encore dans l’ombre et on croise pour l’instant des secondes mains ou de simples mauvais types mais on sent que, petite histoire après petite histoire, cette verrine pourrait bien se muer en un vrai plat. On a hâte d’y goûter.

Pour finir cet apéritif, arrosons les amuses-bouches avec deux bons cocktails, deux jeunes crus de 2014.

Le pétillant Haikyû tout d’abord, mon coup de cœur sportif après Dream Team ces dernières années. Voici un titre qui a bien commencé, avec des personnages sympathiques d’emblée et qui nous fait redécouvrir le volley-ball qu’on avait malheureusement perdu de vue (depuis Jeanne et Serge pour certains, c’est dire !). Et comme tout bon verre qui se respecte, ce breuvage a son petit truc en plus qui lui donne un coté festif et ludique : son graphisme hyper percutant vous chatouille les yeux comme un champagne vous titille le palais. La séduction s’opère dans les phases de jeu : le temps suspend son vol au-dessus du filet ou lors d’une réception plongeante et l’impact sur le ballon claque vite et fort !

Le tout est porté par des angles de vues inédits, qui mettent le joueur en exergue avec beaucoup de classe. Qui a déjà smashé le ballon aura rapidement envie de tester ces combinaisons sur le terrain. De plus, s’il est vif en en bouche, Haikyû sait aussi se montrer équilibré et il conserve sa saveur sur le moyen terme : il propose des parties endiablés tout en laissant une large marge de progression à ses héros, tant sur le plan physique que psychologique et relationnel. A travers les premiers tomes, nous avons assisté à la naissance d’un duo : un passeur et un pointu, un cérébral et un fonceur, qui commencent tout juste à se confronter au haut du panier. On sent que l’équipe n’est pas encore au complet mais les seconds rôles, dont certains disparaîtront logiquement lors des années scolaires suivantes, ont droit à leur part de bulles. Reste à voir si la cuvée 2014 a trouvé son public et si les millésimes suivant conserveront tout leur piquant.

Haikyu 1
 
Seven Deadly Sins 4

Ceux qui cherchaient davantage un alcool fort, façon blockbuster, se sont dirigés vers le bar pour commander le séduisant cocktail de Seven Deadly Sins. J’en ai déjà parlé ici et là donc je fais court mais disons que, comme dans Blue Exorcist, on découvre un petit nombre de personnages et on se prend à apprécier progressivement la petite bande d’anciens mercenaires, très bien dépeints et qui prennent un plaisir communicatif à combattre. Les affrontements sont d’ailleurs nombreux et réguliers, lisibles et bien chorégraphies, avec une très bonne gestion des lignes de force, des postures et des alternances entre planches chargés et planches épurées pour dicter la rythmique des duels. C’est dans ses combats que l’oeuvre exploite tout son potentiel : on y découvre la psychologie des personnages – dis moi comment tu te bats, je te dirais qui tu es – on y explore leur passé quand ils ressortent les supers pouvoirs « d’antan » – et c’est aussi ces duels qui déterminent ce que chaque nouveau personnage va devenir : il va rejoindre la joyeuse troupe, devenir un ennemi mortel récurent ou bien tout bonnement disparaître. La mise en scène d’attaques à la puissance démesurée et l’insouciance du héros Meliodas nous rappellent par moment Dragon Ball et on ne boude pas notre plaisir de savourer ce parfum d’aventure qui fleure bon le millésime de 30 ans d’âge – sans glaçon, merci – chargé de bons souvenirs !

Durant l’entrée, ils se sont aimés un peu, beaucoup, à la folie !

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Ah, l’amour ! Après les premiers échanges autour de l’apéritif, le festin de 2014 a été l’occasion de connaître de nouveaux amours, de nouvelles histoires de femmes attachantes et séduisantes. Avant d’aller m’asseoir pour le premier plat j’ai donc rencontré la jeune Chiaki dans Uwagaki une demoiselle de caractère qui s’avère attendrissante, tout à fait le genre de mélange entre petit minois et fort tempérament qui m’aurais transpercé le cœur à l’adolescence. J’ai suivi avec intérêt le début de son aventure improbable avec le garçon a qui elle colle un râteau mais qui se voit offrir une seconde chance. Quand le scénario offre au malheureux la possibilité de séduire son clone, c’est une multitude de question sur l’amour qui est posée, dans une comédie romantique originale et loufoque, où les flirts vont de pair avec les premières expériences, heureuses ou douloureuses.

Après avoir humé ces parfums de jeunesse et devant la longue liste d’entrées possibles, j’ai décidé de picorer dans les assiettes de mes voisines, pour continuer de faire connaissance. J’ai ainsi prolongé les récits d’adolescence, comme celle du couple de Say I Love you, entre une jeune fille taciturne et un beau gosse qui n’ont- rien d’extraordinaire sur le papier mais qui gagne vraiment à être connu. Sous ses airs de demoiselle timide, le coté défensif et revêche de la jeune Mei la rend attendrissante, surtout lorsque son franc parler sort d’un coup et qu’elle est capable d’asséner un « mais… tu bandes ?! » à un Yamato entreprenant mais toujours plein d’attention et de précaution pour ne pas brusquer sa chère et tendre. Derrière les apparences et les façades de ses personnages on découvre donc des gens qui s’explique et se confie dans des dialogues toujours prenants. Une rencontre inattendue accouchant d’une certaine affection pour des protagonistes, et le tout en seulement deux tomes.

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J’étais donc bien entouré lors de ce premier plat mais cela ne m’a pas empêché de suivre, à quelques couverts de là, les débuts d’une conversation tout aussi passionnante, à al table Orange présidée par Ichigo Takano. La conversation portait sur le voyage dans le temps et la possibilité d’envoyer à son moi passé les événements au jour le jour pour essayer de réparer ses erreurs, d’effacer ses regrets et empêcher que se déroule une tragédie. C’est ainsi que Naho reçoit les prédictions et conseil de son moi futur, de 10 ans son aîné, pendant que ce même moi futur continue d’évoluer sous nos yeux avec ses amis eux aussi plus âgés. Deux lignes de temps autrefois aligné qui vont petit à petit diverger, deux histoires qui ne faisaient plus qu’une qui vont progressivement se singulariser et ainsi garder leur part de mystère et inattendu. Au milieu de ce scénario narré avec talent et un peu de poésie, les histoires d’amours s’entremêlent dans un mélange agréable de candeur et de drame,  de moments légers et de moments plus dur, conséquences de tragédies qui sont encore méconnues.

Pour parachever ses échanges pleins d’émotions diverses et variées, rien de tel qu’un bon vieux verre de Parapal, qui continue de dérouler son histoire, en développant ses amours et ses pouvoirs venus d’ailleurs, tout en conservant son rapport original vis à vis de la sexualité. Un mixe de romance et de SF au parfum unique. Ça me fait penser qu’il reste une dernière bouteille, la neuvième, à déguster dès aujourd’hui chez tous les bon cavistes !

Puis vint le plat principal : complexe, intense… et plutôt ensanglanté

L’appétit déjà un peu calé et la tête désinhibée par l’alcool, le repas de fête battait son plein. Le moment des partis pris, des opinions et des scénarios tranchés, ainsi que des débats de haute voltige. En 2014,nous avons été gâté par les seinens glauques, barrés et un peu tortueux dans leur psychologie.

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Le premier débat enflammé de cette année fut de savoir si on pouvait faire d’un looser un héros. Une discussion entamée il y a quelques années avec I am a Hero, l’excellent titre zombiesque de Kengo Hanazawa. Nous avons donc rebondi sur sa sortie 2014 : Ressentiment . Ce n’est pas forcément le manga le plus marquant de l’année mais dans ce premier double tome on suit les aventures d’une loque, une vraie de vraie comme peu de mangaka osent en dépeindre. Takuro – c’est le nom de la loque – est moche, pas spécialement intelligent, plutôt crade et un peu vicieux. Il fait un boulot de merde pour un salaire de misère et, à 30 ans, il vit encore chez sa mère. Le genre de déchet que refuse la société mais c’est pourtant la même société qui lui offre un divertissement inattendu, celui d’un monde virtuel plus vrai que nature. Et, pour une fois, pas de miracle : le pervers ne se transforme pas en prince charmant dans ce nouveau monde. Takuro essaie bien de se refaire une virginité avec un avatar potable, mais chassez le looser et il revient au galop. S’en suit un combat contre lui-même puis un combat contre ce monde virtuel beaucoup plus complexe et dangereux qu’il n’y parait. Un traitement réaliste de la nature humaine à travers un fantasme ultime d’un mec raté, un concept à la Hanazawa quoi !

Toujours chez les loosers, La tour Fantôme, se dirige plutôt vers le polar noir, articulé autour d’une série d’événements macabres que tentent de démêler un duo improbable, fait d’un pauvre mec et d’un jeune et beau garçon… Qui est en réalité une femme, tenant une position très ambiguë dans la série de meurtres. Bien loin du gentillet Détective Conan, voici un seinen aux allures de thriller haletant qui montre qu’on n’a pas forcément besoin d’être le plus intelligent ou le plus bienveillant de la classe pour résoudre une série de crime. L’instinct de conservation, de l’amour propre et la quête d’un bonheur qui se dérobe constamment sous vos pieds peut aussi résoudre des problèmes. Coups bas, mensonges, secrets de familles, jalousies, fausse identité, monstres dans le placard… Voici donc un catalogue de personnages malsains et un duo qui navigue dans un épais brouillard, toujours à regarder derrière lui si personne ne les suit avec une petite hache, histoire de faire du bois pour l’hiver. On se croirait dans un Stephen King par moment, dans un suspens flippant toujours aux limites du fantastique avec des rôles secondaires qui ont parfois d’étranges penchants. Pour le coup le coté looser du héros n’est pas le centre du sujet, mais il apporte sa dose d’inattendu en nous évitant le justicier superficiel et l’histoire manichéenne dans une quête bidon de la vérité. Dans La tour Fantôme le soleil brille très rarement, et c’est très bien comme ça.

Tout en argumentant, nous avons évidemment profiter du plat avec sa sauce et son éventail d’accompagnement. Et tout était vraiment très bon. Il y avait du Gangsta, une purée de marrons qu’on aurait pu ranger dans la catégorie manga d’action, avec ses luttes entre factions mafieuses et les combats de haute voltige de leurs combattants hors-normes. Mais c’est surtout le monde sans foi ni loi qui séduit, avec des vies solitaires et jonchées de morts, de trahison et de viols, du matin jusqu’au soir. La loi du plus fort régi la ville d’Ergastulum et il est fortement déconseillé de s’attacher à qui que ce soit, pour nos héros comme pour le lecteur, sous peine de vouloir le sauver et d’aller au devant de grandes désillusions. Un manga sans pitié et sans temps mort, l’une des perles de l’année chez Glénat avec la Tour Fantôme.

Gangsta tome 1
La tour fantôme
Tokyo Ghoul 7

Transition toute trouvée puisque c’est chez cet éditeur, encore, que j’ai trouvé la viande bien charnue de Tokyo Ghoul. Je vous parlais de ce seinen fantastique dès ses premiers volumes mais après avoir pâturé une partie de l’année c’est en septembre qu’on a abattu la bête pour nous l’offrir sur un plateau. Ce fut l’un de mes moments de lectures les plus goûtu de l’année qui met en scène un passage pourtant classique du shônen, celui où le héros révèle son pouvoir caché et rend la monnaie de sa pièce à celui qui l’a poussé à bout. J’ai expliqué ça en détail ici mais disons que ça dépote aussi bien dans la torture sadique que dans la vengeance jouissive. La difficulté sera de maintenir le charisme de ce héros maintenant métamorphosé et badass alors qu’il se la jouait plutôt United color of Benetton entre goule et humain il y a quelques tomes. Le tome huit tenait bien le challenge en tout cas, donc on observera ça avec plaisir en 2015. Histoire d’y re-goûter même si on n’a plus faim, par gourmandise.

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Parmi les amateurs de viande, certains on préféré le steak sanguinolent à l’agneau juteux avec l’adaptation de light novel : Fate / Zero. Comme souvent avec les adaptations de roman, je me suis délecté de la multiplicité des saveurs, qui ont diverti autant mon palais que mon esprit. Il y a les stratégies pour la conquête du graal avec des passages littéraires et psychologiques, mais aussi des affrontements de figures mythiques à la personnalité bien travaillée et dessinées par le pas-manchot-du-tout Shinjirô, l’auteur de Taboo Tatoo. Enfin, et c’est le truc en plus qui change tout, le steak était vraiment saignant, presque cru et à même l’animal : éviscération en pagaille et tortures aussi abjectes que possibles étaient au programme. Ce n’est pas toujours beau à voir et ce n’est définitivement pas à mettre entre toutes les mains, mais les salopards de Fate / Zero ne font pas le choses à moitié. On plonge donc dans la folie humaine et ses sous-sols nauséabonds, pour qu’en ressortent de manière éclatante les actions héroïques de quelques valeureux guerriers. Cela dit ces derniers auront bien des ennuis car personne n’est vraiment digne de confiance dans cette série, comme en témoignent toutes les introspections qui parsèment le récit. On me disait beaucoup de bien des scénarios de Gen Urobuchi, je sais maintenant pourquoi…

J’en finis, pour n’oublier personne, avec les amoureux de poisson, qui tortille frénétiquement leur scénario pour ne jamais se laisser saisir et nous filer toujours entre les pattes. Je parle ici du nouveau titre de Kei Sanbe (L’île de Hozuki) : Erased. Voilà un plat bien mystérieux et préparé avec beaucoup d’intelligence par son cuisinier. Le mélange entre saut dans le temps et enquête policière nous vaut souvent des bonnes histoires au cinéma ou dans les romans, et c’est idem ici : les sauts temporels de l’apprenti mangaka Satoru vont l’emmener à enquêter sur le parcours d’un génie du crime, qui vieille toujours à détourner les indices vers un coupable parfait, pour continuer de perpétuer ces meurtres à travers plusieurs décennies. Notre héros a beau revivre les événements de son passé pour les remettre d’aplomb, il va avoir fort à faire avec cet homme, surtout que ce dernier a choisi de faire de Satoru son prochain coupable tout désigné. Un mélange diablement habile et chaque tome, très dense en dialogues ou en réflexions, ne vous laisse pas respirer avant que vous ayez tourné la dernière page. Trois tomes seulement de parus pour le moment, mais ce thriller temporel est un petit bijou de scénario et de narration. Un plat mystérieux qu’on a hâte de recroiser, car on n’a qu’une envie : percer le secret de sa composition !

Oh j’allais oublier, mais tout ceci était accompagné de charmants petits légumes ravageurs : les sorcières extraterrestres de Magical Girl of the End, réunies pour un ovni qui colle très bien à la nouvelle collection WTF d’Akata. Une narration nerveuse comme il faut et un massacre de masse sanglant et amoral qui est assez plaisant, surtout quand ça s’amuse à casser les codes des genres shônens, zombie et survival.

Pour le dessert, rien de tel qu’un peu d’originalité !

Moyasimon
Bien décidé à éviter les bûches et autres gâteaux génoise-beurre-crème-chocolat-et-rebeurre derrière, j’ai cherché et trouvé quelques histoires originales. Mais avant de passer au dessert, nous avons fait un tour par le plateau de fromages, l’occasion de déguster des choses moisies et de parler des bactéries de Moyashimon, ce manga où le jeune Tadayasu est capable de voir les bactéries à l’œil nu. Son entrée dans une université agricole est donc l’occasion de se confronter à des spécialistes en plats hautement périmés, qui vous fouettent l’odorat à des niveaux dont nous n’avons certainement pas conscience. Mais bon, dans notre beau pays des fromages qui puent, on sait que ce qui sent fort est potentiellement bon, donc on déguste avec curiosité ce titre avec lequel on rigole autant qu’on apprend, sur le saké et sa fabrication par exemple… Bref, ce titre de Masayuki Ishikawa dont le 3e fromage sort en janvier est un titre unique et qui est tout sauf aseptisé !

Avec ce plateau de fromage de pays, les plus âgés de notre table ont échangé sur les petits producteurs locaux, l’occasion idéale de plébisciter Silver Spoon, la comédie pédagogico-romantico-humoristique d’Hiromu Arakawa qui entamait sa seconde année et qui nous a dévoilé toute sa profondeur cette année, avec des problématiques agricoles traitées avec beaucoup d’humanisme en sachant rester pragmatique : la dure réalité du métier n’est jamais l’occasion de verser dans le larmoyant. Le personnage principal, Hugo, issu de la ville et étranger à cette fatalité paysanne devient de plus en plus charismatique, que ce soit en se retroussant les manches au point d’amocher sa santé ou lors de ses prises de position aussi courageuses que généreuses. Ajoutez-y une romance qui se développe et vous tenez là encore un titre pas comme les autres, qui réussi le mariage de la forme et du fond, de l’humour et de la prise de conscience, de la rugosité des personnages et de leur rêves pourtant très profonds.

Space Brothers 8
Et donc, pour finir, le dessert… c’est celui de deux frères, qui ont su tout jeune qu’ils voulaient aller ailleurs et qui nous emmène avec eux. Ce gâteau de l’infini n’est pas un space cake faites de substances illicites mais par contre les jeunes hommes sont bien, indeed, des Space Brothers, dont la vie nous est conté par Chûya Koyama. Et pourtant, si vous croisez ce gâteau en vitrine, vous risquez fort de passer votre chemin : ses différentes couvertures n’ont rien de bien sexy et ce n’est pas avec la photo ou le CV du grand frère Mutta que vous aurez forcément envie de franchir le pas. Et pourtant c’est bien un fratrie de génie qui est à l’oeuvre, avec une intelligence peu commune et une détermination à toute épreuve.

Un tel plat, qui parait pourtant plein de défaut, devient intriguant au fil des bouchés et chaque coup de cuillère dans ces textures mystérieuses se fait plus gourmande, car on perçoit un potentiel qui se développe. Pendant ce voyage, on s’amuse souvent des imperfections, qui nous rappelle que les dons n’empêchent pas les failles, que les gens exceptionnels sont aussi des gens tous courts. Et lorsque que ce plaisir à plusieurs étages finit par décoller et se prend pour une fusée, c’est avec passion qu’on suit son envolée et qu’on lève les yeux vers le ciel pour regarder, avec envie mais aussi un peu d’anxiété, ce qu’il va arriver à ces deux frères. Parce que ce dessert est vraiment trop bon, donc attention aux cuisiniers, on ne veut vraiment pas qu’il leur arrive malheur !

Un café et l’addition s’il vous plait…

C’est donc autour d’un chaud breuvage noir que s’achève ce repas.A l’image du savoureux Coffee Time de Tetusya Toyoda, cette histoire a pris différentes saveurs, a permis de nombreuses rencontres, a multiplié les saveurs grâce à des mélanges classiques et efficaces ou plus aventureux et originaux. A l’heure de l’addition, je m’aperçois que je dois remercier Glénat, Pika, Ki-oon, Akata et Ototo pour leur carte 2014 particulièrement à mon gout, sans oublier de garder un œil sur Kurokawa, Doki-Doki, Kana ou Kazé Manga, qui produisent régulièrement des plats très alléchants.

Cette liste de souvenir n’est, bien sûr, pas exhaustive. J’aurais pu vous parler des riches et prenants Suicide Island,  Spice & Wolf, Billy Bat, Cesare, Vertical ou Montage, des débuts notables des titres historiques comme Le Chef de Nobunaga et Ad Astra, des sports enthousiasmants dans Ippo ou Dream Team, de l’engagé et touchant Daisy… mais à chaque repas ses plats, et j’en ai d’ailleurs toujours quelques restes à finir, comme Bakuman, Hokusai, Vagabond et Real, car il fut impossible de tout manger en 2014.

D’ailleurs, chers invités, j’espère bien que vous avez eu vous aussi un coup de fourchette généreux cette année. A cette heure des résolutions qu’on ne tient jamais en voici donc une facile à tenir : en 2015 comme en 2014, en manga comme pour le reste, SOYEZ GOURMANDS !!!

 Post-scriptum : comme un menu ne fait pas l’autre, je vous conseille de faire un détour et de passer chez Nostroblog pour terminer de remplir votre besace de bons moments… C’est par ici !


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