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Retour sur le cinéma de Claude Sautet

Par Sergeuleski
Retour sur le cinéma de Claude Sautet

Sommes-nous seulement encore capables de noter à quel point les films de Sautet - films hyper-matérialistes et privés de transcendance -, nous rappellent que les années 70 ont reposé sur trois fois rien, sur si peu de choses qui peuvent néanmoins, semble-t-il, occuper, combler, remplir (colmater ?) une vie, toute une vie d'hommes et de femmes : une petite bande de copains, des coups à boire, un repas au restaurant, des femmes et des maris trompés, des carrières professionnelles bien rémunérées qui permettent de changer de voiture tous les deux ans...

Aussi, est-ce surprenant aujourd'hui le fait que tout puisse s'écrouler si facilement et que tout soit démantelé : contrat de travail, rémunérations, protection sociale... santé et retraite ?

Bien que l'on sache que les capacités d'adaptation des hommes sont bien bien supérieures à leurs capacités de révolte, là encore, est-ce si surprenant que cette remise en cause ne rencontre que très peu de résistance ? Car, c'est bien dans l'indifférence quasi générale que le démantèlement de ces années-là s'impose ; et derrière cette indifférence, la résignation ; et derrière cette résignation n'y trouvera-t-on pas le sentiment que tout ce qui a été acquis dans les années 60 et 70 jusqu'aux années 80 l'a été non seulement à créditmais bien plus important encore... sur le dos de la vie, la vraie vie, dans un climat d'amnésie générale quant au passé, là d'où l'on vient, toute une génération étant portée par un confort à la fois physique et moral d'un matérialisme sans précédent ?

Et c'est alors qu'une culpabilité, à caractère disons ontologique, tantôt conscience, tantôt inconsciente, à peine refoulée finalement, comme errant au bord, tout au bord de notre conscience d'être au monde... mais pour quoi alors ? - culpabilité qui peut parfois emprunter des itinéraires surprenants, vous laisse sans réaction ni voix.

Autre symptôme d'une amnésie dommageable : on ne manquera de noter l'absence, dans les films de Claude Sautet, d'une France pourtant tout aussi présente qu'aujourd'hui : la France des Français issus de l'immigration. On remarquera aussi l'absence des enfants ; ces derniers étant cantonnés aux rôles de figurants, comme des biens meubles qui viennent compléter un cadre réservé en priorité aux adultes et à leurs histoires : métiers,carrières, coucherie, argent, loisirs.

La droite et la bourgeoisie qui vote PS (qui ne fait pas d'enfants ou qui n'en a pas faits), Télérama et les animateurs de télés d'un certain âge, vouent un culte aux films de Claude Sautet. Faut dire que les films de Sautet sont des contes pour adultes car les années 70 sont un conte de Noël... une négation d'une réalité, d'une seule : celle qui engage l'avenir face et contre une autre réalité reflet d'un état en mouvement mais figé, un état propre à toutes les périodes agitées mais " stériles " qui ont la prétention d'arrêter le cours de l'Histoire qui, elle, finit par trouver le temps long ; il faut alors que ça bouge : " Tout est donné ? Reprenons tout, que diable ! "

Les années 2000, et nous n'en sommes qu'au début, verront la décomposition des années 70 ; et c'est alors que les films de Sautet n'en prendront que plus d'importance : un véritable bain de jouvence hyper matérialiste accompagné d'un confort physique et moral de carton-pâte mais encore résistant et étanche, les films de Sautet ! C'est sûr !

Et c'est sans doute la raison pour laquelle ces films prennent toute leur saveur trente ans après, non pas comme peut le faire un bon vin, mais bien plutôt comme peut opérer le charme discret et irrésistible de la nostalgique ; une nostalgie... dernier refuge contre le devoir d'affronter une nouvelle réalité qui semble vouloir, d'une main, rependre tout ce qu'elle a plus souvent accordé que cédé de l'autre : " Avant, on n'avait pas à penser à l'avenir et moins encore à ce qui était important, à savoir : que deviendrions-nous si nous perdions tout ? C'est-à-dire si peu : un confort de vie matériel, et seulement matériel. "

Hyper-matérialisme, absence de transcendance et de dépassement, cinéma refermé sur lui-même et sur la sociologie de ses personnages...

Et Dieu dans tout cela ?

Il semblerait que d'autres, en revanche, est déjà anticipé cette question ; faut dire qu'ils ont eu tout le temps d'y penser, laissés sur le bord de la route qu'ils étaient pendant toutes ces années à la " Claude Sautet " dans le tic-tac d'une bombe à retardement, nous tous aujourd'hui K.O.


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