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La pianiste

Par Memoiredeurope @echternach

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Quelqu’un m’a signalé le travail avant-gardiste d’Elfriede Jelinek sur les littératures clandestines. « Quand je publie sur le Net, le texte m’appartient, et il continue à m’appartenir. Ce dialogue entre un appareil et moi-même a quelque chose de très privé pour moi. En même temps tous ceux qui veulent y accéder peuvent y accéder. Ce mélange privé-public m’a fasciné depuis le début. Au fond je ne veux pas lâcher ce qui est à moi, et de cette manière j’ai le sentiment que je peux manger le gâteau tout en le conservant. »

J’ai trouvé son site et certaines traductions de son travail. Je vais continuer dans cette direction à explorer la manière dont elle aborde de nouvelles manières d’approcher l’écriture. Mais en relisant ses textes, j’ai tout de suite eu envie de sortir « La pianiste » de ma bibliothèque.  C’est que ce texte est désespérant et incisif, acharné et suicidaire. Je n’ai pas encore trouvé la clef de cette vision assombrie et maniaque du rapport à la musique.

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Au fond le résumé de la vie de l’héroïne est simple : « A trente-six ans, elle ne boit pas, ne fume pas et dort encore dans le lit de sa mère. Promise à une carrière de pianiste internationale, asphyxiée par les ambitions maternelles, elle est devenue simple professeur. Elle se plait à fréquenter les peep-shows et les bois du Prater à ses heures perdues. »

De quoi donner envie de refermer immédiatement le livre et de le ranger à jamais. Et pourtant je l’ai lu. Plus même : lorsque je l’ai ouvert pour la première fois, je n’ai pas pu arrêter de le lire pendant pratiquement deux jours. Des questions ont surgi que je n’ai pas pu résoudre. Elles sont toujours là, enfermées dans un cabinet noir et elles viennent tout soudain d’en sortir. La douleur des musiciens est-elle trop forte ?

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La douleur - et ce mot est encore plus fort en allemand qu’en français – qui amène Robert Schumann à composer avec ou contre les esprits – qui sait - dans les « Variations Geisterthema » et de croire dialoguer avec les anges.

« La douleur de Beethoven, la douleur de Mozart, la douleur de Schumann, la douleur de Bruckner, la douleur de Wagner. Ces douleurs sont à présent sa propriété exclusive, quant à lui c’est Pöschl, propriétaire d’une fabrique de chaussures ou Batzler,  grossiste en matériaux de construction. Beethoven actionne les leviers de la terreur, eux en revanche terrorisent leur personnel. Une doctoresse est depuis longtemps à tu et à toi avec la douleur. Elle sonde depuis dix ans le suprême mystère du Requiem de Mozart, sans avoir jusqu’ici avancé d’un pouce, car cette œuvre est insondable. Comment pourrions-nous la comprendre ?...La naissance d’une œuvre est inexplicable ! » J’allais dire sans l’aide du mystère un peu magique, un peu trop convenu que met en scène le cinéaste : « Pour ce requiem un acompte a été versé par un mystérieux individu drapé dans une pèlerine noire….c’était la Mort en personne ! »

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Et ELLE, Erika, la créature de Jelinek qui sait, parce qu’elle les interprète tous, ces compositeurs qui ont souffert, qu’elle sait mieux que tout ce peuple méprisable qui remue autour d’elle vainement, comment venger ses idoles en martyrisant à petits coups ceux qui passent à sa portée et tout particulièrement ses élèves.

Elfriede Jelinek est un passeur des passions vengeresses qu’elle grossit à plaisir au point d’en faire des mythes.

Le film de Michael Haneke, 2001

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