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Où Babelio présente une étude sur le lecteur de polar

Par Samy20002000fr

Dans le cadre de son cycle de conférences sur « les pratiques des lecteurs » organisées au Centre National du Livre, Babelio a présenté, le 11 décembre dernier, une nouvelle étude sur un type de lecteur très particulier : l’amateur de polar.

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Avec près de 16 millions d’exemplaires vendus en 2013 et 1820 titres publiés, le genre du polar semble bien se porter dans un marché du livre pourtant en repli. le réseau social Babelio a souhaité en savoir plus sur les amateurs du noir. Qui est le lecteur polar ? Quelle place accorde-t-il au genre dans ses lectures ? Comment se forment ses choix, ses fidélités, ses découvertes ?

C’est à ces questions qu’ont tenté de répondre Marie-Caroline Aubert, directrice de la collection Seuil policiers, Alice Monéger, responsable éditoriale des éditions du Masque, Céline Thoulouze, directrice éditoriale pour le domaine français des Editions Belfond dans un débat animé par Guillaume Teisseire, co-fondateur de Babelio, d’après une étude présentée par Octavia Tapsanji, responsable des relations éditoriales de Babelio.

Le polar, un genre majeur

C’est en amoureux passionné du genre que Vincent Monadé, président du Centre National du Livre et ancien libraire spécialisé, a tenu à introduire la conférence par une brève histoire du polar afin de souligner son importance dans l’édition française.

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Vincent Monadé explique que c’est dans les années 1980 que le polar explose en France, en partie grâce aux actions cumulées des éditeurs et des libraires qui mettent alors en valeur les ouvrages d’un genre qui, dans le sillage d’auteurs tels que James Ellroy (Le Dahlia noir), Thomas Harris (Le Silence des agneaux) ou encore Mary Higgins Clark (La Nuit du renard), s’est grandement renouvelé et diversifié depuis la première moitié du 20e siècle. On voit en effet apparaître la mode du thème du tueur en série, très populaire auprès des lecteurs et, plus généralement, des romans policiers d’une plus grande violence. L’offre devient dès lors prolifique et les ventes gigantesques. De nouveaux nombreux éditeurs se créent et de nouvelles collections spécialisées  (la collection Grands détectives chez 10/18 par exemple, créée en 1983 ou encore Rivages/Noir lancée chez Rivages en 1986) se lancent afin de satisfaire une demande du public de plus en plus grande. Malgré le succès commercial continu et la place de plus en plus importante que prend le genre dans le paysage éditorial français, les médias traditionnels gardent cependant une certaine distance avec le polar qu’ils traitent avec le mépris réservé aux genres les plus populaires malgré la qualité intrinsèque de certains auteurs. « Aucun auteur de polar n’aura de prix Nobel même si certains sont des écrivains majeurs qui ont la reconnaissance du public » , constate ainsi, amer, Vincent Monadé qui en profite pour faire l’éloge du lecteur polar et de sa curiosité : « Quand on lit du polar, on ne peut pas être un petit lecteur. Avec la littérature policière, on devient complètement boulimique, on entre dans un environnement dont on sort difficilement ».

Le lecteur polar, la contre-enquête

Le lecteur polar justement, qui est-il en 2014 ? Octavia Tapsanji prend le relais de Vincent Monadé pour présenter les conclusions d’une étude menée auprès de la communauté de lecteurs de Babelio.

C’est une étude à laquelle 3714 lecteurs ont répondu, ce qui constitue un chiffre record dans le cadre des sondages menés par Babelio auprès de sa communauté. Un signe que, plus que tout autre genre, le polar mobilise.

Mais qu’entend-on par « polar » ? Octavia Tapsanji précise que ce terme renvoie à un genre global qui regrouperait plusieurs sous-genres tels que le roman policier, le roman d’espionnage, le thriller, le roman à suspense, le thriller, le roman noir ou encore le roman policier historique.
De ces différents sous-genres regroupés sous la bannière « polar », 93% des sondés déclarent en être lecteurs. Signe que parmi les grands lecteurs qui constituent les membres de Babelio, il n’existe pas de fermeture envers le polar. En d’autres termes, le genre, n’est pas « méprisé » par les grands lecteurs.

Portrait robot du lecteur

Les grands lecteurs étant de grandes lectrices, on note que 81% des lecteurs déclarés de polar sont également des lectrices. Ceci n’est pas une surprise même si la population majoritairement féminine de Babelio a probablement accentué la proportion donnée dans cette étude.

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L’étude indique également que deux lecteurs de polar sur trois ont plus de 35 ans (64%), un chiffre à mettre en corrélation avec les lecteurs inscrits sur Babelio qui ne sont que un sur deux à avoir plus de 35 ans (47%). Le lecteur type de polar est donc une femme de plus de 35 ans.

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Après ces quelques généralités, il convient de distinguer plusieurs types de lecteurs polar : à côtés des puristes (35% d’entre eux), pour qui la lecture de polar constitue la majorité des lectures, il existe un public de curieux qui lisent à la fois du polar et d’autres types de lectures. On remarque que ces lecteurs font la distinction entre les différents sous-genres du polar que sont les thrillers, romans à suspens ou autres romans policiers historiques. Ainsi, à la question de savoir s’ils attachent de l’importance à la distinction entre ceux-ci, ils sont près de 75% à répondre par l’affirmative. Ceci peut apparaître comme une certaine surprise dans le sens où, dans les différents médias, les termes désignant chacun de ces sous-genres sont souvent amalgamés. Les grands lecteurs font eux la différence et attachent une certaine importance à leur distinction.

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Autre idée reçue mise à mal dans notre étude, les lecteurs ne sont que 2,4% à lire uniquement des polars pendant leurs vacances et 11,4% à en lire plus durant ces périodes. Ils sont donc une écrasante majorité (86,2%) à lire des polars toute l’année. En d’autres termes, il n’y a pas, comme on le croit trop souvent, de saisonnalité pour la lecture de polars.

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Autre constatation intéressante qui ressort, le personnage principal du roman est un élément clef du choix d’un polar. Certes, comme pour le choix de n’importe quel type de roman, le sujet ou le thème du livre restent essentiels, mais contrairement à d’autres types de littératures qui privilégient d’autres éléments, pour le polar, le personnage revêt une importance grande importante pour 82% d’entre eux. A titre de comparaison, « seuls » 69% des lecteurs de livres jeunesse accordent une importance au personnage principal alors qu’ils sont près de 80% à considérer les illustrations comme primordiaux dans leurs choix du livre.

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En creusant encore un peu la question, on s’aperçoit que deux lecteurs sur trois sont attachés à des personnages récurrents, grande tradition des romans policiers.

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De manière moins surprenante, on remarque que le polar étranger, et notamment scandinave, suscite encore et toujours l’engouement des lecteurs. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France -tout de même-, la Suède et l’Islande sont les pays dont les lecteurs lisent le plus de polars. On retrouve cette géographie dans les noms de héros récurrents favoris des lecteurs :  Harry Bosch de l’américain Michael Connelly, Hercule Poirot de la britannique Agatha Christie ou encore Jean-Baptiste Adamsberg de la française Fred Vargas côtoient Erica Falck, l’héroïne de la suédoise Camilla Läckberg.

Contrairement aux personnages récurrents, les lecteurs ne sont pas attachés à des éditeurs spécialisés et à des collections spécifiques dédiées au polar. Le lecteur de polar picore partout pour satisfaire sa gourmandise littéraire.

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Des lecteurs peu attachés à l’objet livre, mais le numérique n’en profite pas encore

Concernant les pratiques de lecture, il ressort de l’étude que les lecteurs restent attachés à la librairie pour se procurer des polars (30% les achètent en librairie) même s’il ne s’agit pas d’une source exclusive : les lecteurs se les procurent également en bibliothèques (pour 27% d’entre eux, c’est en effet d’abord en bibliothèque qu’ils vont se procurer des livres). On remarque donc un moindre intérêt pour la possession de l’objet livre. Cause ou conséquence, les lecteurs de polar lisent majoritairement (66% d’entre eux) au format poche. Dans son introduction, Vincent Monadé rappelait que les lecteurs polar étaient des lecteurs curieux, parfois « boulimiques ». Cette boulimie ne peut en effet être uniquement nourrie de grands formats, sensiblement plus chers. 

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Le numérique n’est pas pour autant porté par ce faible attachement à l’objet livre. Seuls 28,2% des lecteurs sondés lisent en effet au format numérique. Plus éloquent encore, 68% des lecteurs numérique lisent tout de même majoritairement au format papier.  Ceci peut s’expliquer par le fait qu’il n’y a pas de consensus net sur le prix moyen de l’ebook. Il s’agit d’un marché en cours de calibrage. Les choses sont ainsi certainement amenées à évoluer dans les années à venir.

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Une prescription par le bouche à oreilles

A travers l’étude, Babelio a voulu savoir comment les lecteurs de polars découvraient leurs prochaines lectures. D’après les résultats du sondage, trois supports de découvertes s’imposent : le réseau social de lecteurs Babelio, les points de ventes que sont les librairies ou la Fnac, et la médias, qu’il s’agisse de la presse, de la radio ou encore de la télévision.

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Si la forte place occupée par Babelio peut s’expliquer par le fait que les répondants consultent tous ce site, il est assez surprenant de voir que les médias occupent la troisième place sachant que le genre semble assez mal couvert par la presse généraliste et que l’on compte peu de revues spécialisées. Les librairies restent de vrais lieux de découverte et les tables de libraires, sur lesquels ceux-ci vont  mettre en avant leurs coups de cœur, sont ainsi perçus comme des conseils silencieux respectés des lecteurs même si ces derniers ne vont pas forcément leur parler pour demander conseil. Ces sont les avis des autres membres de Babelio,de leur entourage et, dans une moindre mesure, les critiques parues dans les médias qui vont en premier lieu les inciter à acheter un polar. C’est donc par le bouche à oreilles que se fait la prescription pour le polar.

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Alors que les différents prix littéraires organisés autour du polar sont, pour certains, assez médiatisés, on remarque que seuls 28% des sondés déclarent y être attachés. Le signe d’un certain snobisme des lecteurs qui préfèrent découvrir les livres par eux-mêmes ? Ou bien d’une faible importance des prix littéraires auprès des grands lecteurs ? C’est une interrogation qui revient constamment lors des différents sondages de Babelio auprès de sa communauté de lecteurs qui accorde rarement une grande importance au prix.

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Cette étude fait ainsi le portrait du lecteur de polar en lecteur averti, qui multiplie les sources d’acquisition de ses lectures mais pour qui le numérique reste un support minoritaire. Le polar étranger, et notamment scandinave suscite son engouement même si ce sont surtout les personnages principaux et récurrents qui vont le motiver à choisir ses lectures. Le bouche à oreilles constitue sa principale source de prescription.

Guillaume Teisseire a ensuite invité les participantes à commenter cette étude. Ont-ils eu quelques surprises en découvrant ses conclusions ?

Table ronde autour du polar

Invités à réagir, les participantes de la table ronde, toutes éditrices de polar, sont revenues sur les différents points évoqués dans l’étude à commencer par cette faible importance accordée par les lecteurs aux différents prix littéraires. Les chiffres données ne surprennent pas Marie-Caroline Aubert, directrice de la collection Seuil policiers. Si le prix SNCF, de loin le plus connu des lecteurs, a eu un impact sur les ventes, ce n’est aujourd’hui plus systématiquement le cas. Toutes s’accordent pour relativiser la médiatisation des prix littéraires et ne sont donc pas surprises que les lecteurs ne connaissent pas la plupart des prix littéraires consacrées au polar, Prix SNCF et Prix Quai du Polar mis à part.

Autre sujet de concorde, la très faible médiatisation du genre. Toutes regrettent que les grands médias soient de moins en moins prescripteurs en ce qui concerne le polar. Peu de papier dans la presse écrite, peu d’émissions de télévision et quelques rares émissions de radio couvrent ce qui est considéré comme un sous-genre, malgré les très bonnes ventes de certains auteurs. Pour Alice Monéger et Céline Thoulouze, la place réservée au polar tend même à se restreindre.

En ce qui concerne les données concernant la forte féminisation du lectorat de polar, les éditrices ici réunies semblent prudentes. Les éditeurs éditent-ils des livres en pensant à ce lectorat féminin ? Certainement pas. Pour Marie-Caroline Aubert, il ne manquerait plus qu’elle édite en fonction d’un lectorat homme ou femme même s’il est possible que les profondes modifications du polar au fil des années aient attiré un public plus féminin. Si les technos-thrillers de Tom Clancy, très populaire au cours des années 1980,  s’adressaient par exemple avant tout aux hommes, les polars suédois ou mêmes français plaisent aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Des auteurs femmes comme Patricia Cornwell mettant en scène des médecins légistes ont pu casser le genre dès les années 1990.

Enfin, si les participantes ne remettent pas en cause  le succès du polar scandinave, elles pensent que l’on devrait bientôt assister à un basculement de la production et de l’intérêt du public vers d’autres zones géographiques exotiques comme l’Afrique. Ainsi, pour Marie Caroline Aubert, l’intérêt presque exclusif des lecteurs pour le polar scandinave semble « enfin » en train de reculer et pour  Céline Thoulouze, les auteurs français montent en crédibilité dans différents sous-genre du polar.

Les éditrices semblent en tout état de cause optimistes quant à l’avenir du polar en France même s’il est forcément amené à évoluer dans les prochaines années.

Retrouvez notre étude complète sur les lecteurs de polar.


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