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Le livre va-t-il disparaître ?

Par Argoul

Is book going to disappear? Young people read less and less, they prefer chat and speed reading on the web, and mobile video instead of text. The American attitude is optimist on it: the web will replace book and everybody will be a media man and that is democracy. The French attitude is more conservative: screen will destroy thought and intellectual mediators will be replaced by media shows. I do not agree with those caricatures. People are reading yet, mainly women and mainly middle-class in France, publishers publish more and more. But, if book want to survive in the future, it has to confine on quality publications. 

Entre la télé qui accapare et la vidéo-mobile qui permet à chacun de se faire médiateur, l’image semble l’emporter sur l’écrit. Et pour les mots qui restent, les encyclopédies wiki et les articles « citoyens » diffusés sur la toile l’emportent de plus en plus sur les journaux et sur les livres. La presse nationale voit son lectorat se réduire d’année en année, les magazines naissent et disparaissent, effets de mode. Les étudiants lisent de moins en moins, y compris en grandes écoles. Ils ont le sentiment du relatif et de l’usure de tous les contenus et lorsque, d’aventure, ils achètent un livre pour le cours, ils le revendent en fin d’année. Ils exigent des bibliothèques d’investir dans plusieurs manuels car nul ne veut « s’encombrer » d’un savoir qui sera vite obsolète.

Deux attitudes coexistent sur l’avenir du livre : l’anglosaxonne et la française – comme d’habitude.

La première est optimiste, innovatrice. Le roi est mort ? Vive le roi ! Le livre décline ? Vive le net. Le numérique est plus efficace à stocker et plus rapide à diffuser. Il démocratise, via les réseaux informels gratuits, plutôt que de se couler dans le moule social et hiérarchique cher aux pays catholiques, France en tête. Tout le monde est auteur, vidéaste, opineur – sans passer par les intermédiaires et autres intellos, prescripteurs d’opinion. Tout le monde échange et les idées se forment des mille courants qui sinuent et se rencontrent. Tout le monde est médiateur en direct, le support est réduit au minimum : un clavier, un numérique, une liaison net.

La seconde est pessimiste, conservatrice. L’écran roi va tout détruire, comme Attila. Avec la brutalité de l’ignorance et l’énergie de la barbarie. Promoteur du « moi-je », il sera médiatique plus que médiateur. N’existant que dans l’instant, il sera émotionnel et sans distance. Exit la réflexion de la réflexion pensée et du mot écrit, objectivés par un livre qui dure. Tout dans le scoop et les paillettes. Le livre est mort, de profundis.

Nul besoin de dire que des deux, aucune ne me semble satisfaisante. La caricature est trop « à la française », poussant aux extrêmes des tendances qui se contrastent et se contredisent dans chaque courant. Les Français lisent encore, les femmes surtout, et la classe moyenne plébiscite les bibliothèques ; les éditeurs font la course à qui publiera le plus, près de 50 000 livres chaque année en France. La question est de savoir quels sont ces livres publiés, demandés, lus. A produire très vite, on produit n’importe quoi et mal écrit, les tirages baissent et seulement 2500 auteurs peuvent vivre de leur stylo, tous domaines confondus. L’astrologie et la psycho de bazar se vendent mieux que l’essai philosophique ou la littérature – mesurez les rayons relatifs des « grandes librairies ». Mais il reste quelques exceptions, tel cet étrange succès d’un premier roman écrit en français par un étranger et au titre peu vendeur : « Les Bienveillantes » de Jonathan Littell.

Un livre, c’est aujourd’hui moins un monument qu’on révère, honoré dans sa bibliothèque comme dans une châsse et sorti une fois l’an avec des précautions de Saint-Sacrement – qu’un ami qu’on emporte avec soi dans le métro ou le train, qu’on annote et qu’on corne, qu’on relit et sur lequel, parfois, il nous arrive de réfléchir. Symbole social ? Certes, il le reste en France, pays dévot où la révérence pour le savoir passe souvent par l’étalage des catalogues de musée ou des classiques reliés peau dans le salon de réception. Mais le plaisir de lire demeure car il se fait en silence, par l’imagination intérieure. La pensée écrite stimule la réflexion personnelle.

Toute autre est la lecture par devoir, celle de textes utilitaires, de la seule actualité, ou de manuels techniques. On s’y réfère, mais on court vers l’édition la plus récente. Là, le numérique remplacera le livre utilement. A condition d’oublier cette religion hippie du tout gratuit pour tous qui a deux inconvénients : 1/ la fiction de croire qu’un bon auteur va passer plusieurs années de sa vie à composer un manuel exhaustif pour la beauté du geste, au lieu de se vautrer comme les autres dans le divertissement, 2/ la fiction de croire que le gratuit est réellement gratuit, alors que tant de bandeaux publicitaires et de captations d’adresses passent par l’interrogation des moteurs.

Alors, le livre va-t-il disparaître ? L’actualité, la mode, le mal écrit et le people, probablement – soit 95% de la production annuelle peut-être. Mais la qualité restera – comme toujours, comme partout. Des lecteurs continueront à s’intéresser à Louis XVI dont la biographie de l’historien Petitfils rencontre un grand succès cette année, ou même à la littérature dont le Dictionnaire égoïste de Charles Dantzig plaît beaucoup. Malgré le trollisme ambiant, ce qui est bien pensé, bien bâti et bien présenté demeurera la référence. Et on lira encore des livres.


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