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Je suis contre le terrorisme

Par Nelly @Nelly_piou

Il m’aura fallu quelques jours, 5 plus exactement, pour enfin rassembler mes pensées dans un article. J’admire ceux qui ont tout de suite pris la plume, le crayon, le clavier ou leurs cordes vocales pour s’exprimer le mercredi 7  janvier et les jours qui ont suivi. Moi je n’ai pas pu.

Peut-être que j’aurais pu parler de mon ressenti et des émotions suscitées par le drame mais à quoi bon ? Ça m’aurait soulagée quelques minutes de dire que oui j’étais choquée, attristée, scandalisée, écœurée ? J’imagine que chacun à sa propre façon de réagir aux choses, je suis de ceux qui préfèrent rester dans l’intimité et qui n’aiment pas trop s’épancher.

S’en est suivi une réaction tout aussi déstabilisante devant le flot de paroles, d’avis, de commentaires et d’articles partagés sur les réseaux sociaux. Le besoin de se justifier.

Je n’ai pas changé ma photo de profil en « Je suis Charlie » et je n’ai pas non plus publié d’article, je n’ai rien dit. Parce que devant la gravité de la situation, je pense qu’il est important de collecter un maximum d’informations, de faire le tri, puis de se faire son propre avis. De réfléchir à ses valeurs, à ce en quoi on croit, à ce pourquoi on veut se battre.

Dans les heures qui ont suivi le 1er attentat, celui contre Charlie Hebdo, j’ai entendu quelques récupérations politiques et j’ai eu peur. Entendons-nous bien, à ce stade-là tout est récupération politique, mais j’ai eu peur qu’une partie de la droite et de l’extrême droite n’encourage l’amalgame « Islam – terrorisme ».

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Je crois que tous ceux qui ont pris la parole à ce moment-là pour combattre cette idée ont beaucoup aidé. Je pense au frère d’Ahmed Merabet, le policier tué. Je pense à cette photo pointant du doigt le terroriste et le policier à terre disant l’un est terroriste, l’autre est musulman. Je pense au mouvement Not in my Name. Je pense à toutes ces personnes dans la rue qui avaient des pancartes et des drapeaux disant « Je suis musulman, je suis flic, je suis Charlie ».

Devant la violence du 2ème attentat j’ai pensé : « Si je ne dis rien, mes contacts vont penser que je ne suis pas Charlie ». Comme si le silence était un « non ». Alors j’ai partagé une photo, celle qui me semblait la plus censée à ce moment-là. Il s’agit du communiqué de presse de Radio France, du Monde et de France Télévisions annonçant qu’ils mettaient à disposition de Charlie Hebdo tous les moyens humains et matériel pour que vive Charlie.

Et j’ai alors pensé à tous ces musulmans qui se sentent obligés de se justifier. Tous ceux qui préféreraient ne pas parler de leur religion, parce que c’est intime, parce que ça les regarde, parce que ça ne définit pas qui ils sont et parce que ça ne fait pas d’eux une entité. Là aussi le silence ne veut pas forcément dire « non ».

Dans ma tête ça n’arrêtait pas, j’en ai beaucoup parlé avec mon mari à la maison mais pas en dehors. Trop tôt encore ? Trop douloureux ? Puis samedi au travail, j’ai spontanément attrapé un des badges « Je suis Charlie » pour l’arborer toute la journée. Pourquoi ? Parce que d’autres l’ont fait ? Parce que je voulais faire passer un message ?

Aujourd’hui je suis tiraillée. Partagée entre une partie de la population qui se rassemble et m’émeut et une autre partie, certes plus petite en nombre mais tout aussi importante, qui ne parvient pas à s’exprimer ou qui se contente de céder aux idées qui l’entourent, ceux qui ne sont pas armés pour réfléchir par eux-mêmes et se débarrasser du carcan familial ou sociétal.

Comme la plupart d’entre vous, j’ai été profondément émue devant les marches et manifestations qui ont eu lieu samedi et dimanche. Voir ces images de millions de français rassemblés, sans heurts, sans violence, dans le respect et le besoin de se recueillir a été un très grand moment. Même si j’ai encore du mal à employer le terme « d’unité nationale », à cette heure-là je suis fière de mon pays.

Dimanche en fin de journée nous sommes allés place Castellane à Marseille, pour rejoindre le rassemblement. C’était la fin du cortège et pourtant il y avait encore des centaines voire des milliers de personnes. Des drapeaux côte à côte, des jeunes et des vieux qui se tenaient la main, des policiers applaudis, la Marseillaise scandée à tout va. Ce qui m’a le plus émue finalement, c’est la minute de silence. Celle qui fait monter les larmes aux yeux, qui donne des frissons. Et qui compte.

Je ne peux pas dire pourquoi ces personnes étaient là mais en ce qui me concerne c’était pour dire « Je suis contre le terrorisme ». Même si j’entends tout ce qui est derrière « Je suis Charlie » je ressens encore le besoin de préciser les choses, comme d’autres sur leurs pancartes, et de dire aussi « Je suis flic, je suis musulman, je suis juif, je suis les 17 victimes ».

Maintenant je voudrais mettre à profit ces quelques jours de réflexion que j’ai eus et qui m’ont permis de récolter bon nombre d’opinions. Je suis pour la liberté d’expression et je respecte le travail de Charlie Hebdo, ce qui ne m’empêche pas de penser en même temps que certaines de leurs caricatures m’ont choquée et je comprends que certains se soient sentis insultés et provoqués. Dire l’un ne revient pas à effacer le reste et inversement. Penser que certaines caricatures sont allées très loin ne revient pas à dire « qu’ils l’avaient bien cherché » comme j’ai pu l’entendre. Dire que je condamne ces attentats ne revient pas pour autant à cautionner les caricatures, je ne vais pas non plus les afficher chez moi. C’est ça la liberté d’expression.

Mais la liberté d’expression est toute relative. Récemment j’ai vu un montage vidéo rassemblant deux interviews de Thierry Ardisson pour l’émission Tout le monde en parle. C’était il y a quelques années, à l’époque des premières caricatures du prophète et à l’époque du « dérapage » de Dieudonné sur le plateau de Marc-Olivier Fogiel. Souvenez-vous…

Dans cette vidéo on voit Thierry Ardisson s’adresser, non sans condescendance, au sportif Djamel Bourras en lui expliquant que retirer les caricatures c’était s’auto-censurer et qu’il ne fallait pas faire ça, que c’était mal, que les caricatures du prophète c’était la liberté d’expression. Djamel Bouras essaie tant bien que mal d’expliquer que pour lui ça ne sert à rien de provoquer et d’attiser les flammes, qu’on vivrait tous mieux si on évitait de blesser les autres. C’est son avis personnel et ce qui m’importe là c’est plus le postulat de l’animateur.

La suite de la vidéo montre Thierry Ardisson moralisant Dieudonné en lui expliquant que ses propos sont choquants, que dans un pays où des juifs ont été déportés on ne peut pas dire ce genre de choses, que ça créé un malaise et il lui demande s’il compte s’excuser. Quand celui-ci répond que non, Ardisson lui répond qu’il ne l’invitera plus. Dieudonné donne d’ailleurs un exemple très juste à propos d’un autre humoriste mais là aussi c’est son avis personnel et ce qui est comparable finalement, ce sont les propos de l’animateur.

Evidemment, c’est un montage à prendre avec des pincettes et il ne faut pas oublier de remettre les choses dans leur contexte. Mais vous comprenez l’idée qui s’en dégage ou du moins l’intention. Il ne s’agit pas d’incriminer Thierry Ardisson, ni de donner raison à Djamel Bouras ou Dieudonné, mais dire que la liberté d’expression qui est aujourd’hui sur les lèvres de tout le monde, doit être défendue dans son ensemble.

Encore une fois, dire ceci ne revient pas à soutenir l’antisémitisme. Et pourtant j’ai voulu partager cette vidéo sur les réseaux sociaux puis je me suis ravisée, parce que j’ai pensé « Tu n’as rien partagé, tu n’as pas affirmé ton soutien au mouvement clairement, si tu balances cette vidéo ils vont penser que tu ne soutiens pas Charlie Hebdo mais que tu soutiens Dieudonné ». Pourquoi ? Et pourquoi l’un ne pourrait-il pas aller avec l’autre ?

Il faut faire la différence entre liberté d’expression et incitation à la haine, à chacun d’être sage et de prendre le temps de réfléchir face à la désinformation l’information.

Ensuite j’ai lu des personnes choquées que Benjamin Netanyahu soit en tête de la marche républicaine de dimanche, aux côtés de François Hollande et des 45 autres chefs d’Etats et de gouvernements. Je peux le comprendre et je le comprends même très bien. Mais faut-il pour autant laisser le champ libre et refuser d’aller marcher ?

De même qu’on appelle la population à ne pas faire l’amalgame entre terroriste et musulman, je pense qu’il serait bon de ne pas assimiler l’Etat d’Israël à tous les juifs de France.

Finalement ce que je voudrais dire aujourd’hui c’est que si j’écris en ce lundi c’est parce que j’en ressens le besoin et non pas par obligation. On ne devrait jamais avoir à se justifier parce qu’on se sent obligé, parce qu’on cède à l’effet de masse et au plus grand nombre. On réagit tous de manière différente, qu’on s’exprime comme on le souhaite et tout ira bien.

Même si j’ai du mal à comprendre les personnes qui n’ont intimement aucun avis sur la question et qui dans leur vie ne se battent pour rien, je dois garder en tête que tous ceux qui préfèrent se taire ne sont pas forcément ceux qui luttent le moins. Ce n’est pas parce qu’une personne n’est pas allée marcher ce week-end qu’elle ne fera pas avancer les choses à son échelle ailleurs, autrement, à un autre moment.

S’opposer à une chose ne veut pas dire en cautionner une autre, les opinions peuvent se compléter, se soutenir. Elles peuvent même évoluer. Qui dit que la semaine prochaine je ne tiendrai pas un tout autre discours devant d’autres événements ? D’autres informations ? D’autres réflexions ?

Et si être Charlie signifie rassembler tout le monde mais que chacun puisse le voir et l’exprimer à sa façon, en étant ensemble mais différents, en voyant derrière le terme ce qui motive chacun d’entre nous profondément et quelles valeurs on a envie de défendre, alors là je dis oui. Soyons tous Charlie.

A l’heure qu’il est je viens de tomber sur ce billet d’une enseignante que je trouve très important et qui rejoint l’avis d’autres enseignants. Je vous invite à le lire ici.


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