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Maria Dueñas, L’espionne de Tanger (2011)

Par Ellettres @Ellettres

EspionneRecette pour réaliser un best-seller :

  • Pour la base, prenez un panorama historique bien maîtrisé et trépidant, si possible un peu exotique pour le lecteur. Par exemple la guerre civile espagnole (1936-1939) et le début de la Seconde Guerre mondiale, mais vues depuis Tétouan, capitale de la petite colonie espagnole au Maroc. Ça décentre notre connaissance de la guerre mondiale et nous plonge dans les odeurs et les couleurs de cette terre méditerranéenne aux influences occidentales et orientales mêlées : la médina commerçante, la sortie du khalife se rendant à la grande mosquée sur son cheval le vendredi, les femmes arabes enveloppées dans leur haïk, la ville espagnole au quadrilatère parfait, ses femmes à mantilles se rendant à la messe matinale, les palmiers, les cocktails dans les bars d’hôtels à la mode… Et en même temps, Tétouan est le point de départ de la rébellion nationaliste menée par Franco.
  • Pour la saveur, choisissez un héros ou une héroïne (ici, c’est une) romantique, jeune et beau si possible, et faites-lui connaître de nombreux aléas. Ici c’est Sira Quiroga, jeune couturière madrilène de condition modeste, qu’une succession de hasards va déraciner et emmener loin de sa terre natale, rendue pauvre comme Job. Miracle de ses doigts de fée, elle se retrouve à coudre pour les femmes de la haute société tétouane composée de Marocaines juives ou musulmanes, d’Espagnoles, mais aussi de plus en plus d’Allemandes, épouses de dignitaires nazis qui se rapprochent du régime franquiste.
  • Pour pimenter, mêlez au récit de vrais personnages historiques, parfaitement campés, donnez-leur vie et faites les rencontrer vos personnages de fiction. Ici c’est le gouverneur du Maroc espagnol, Juan Luis Beigbeder, grand arabisant et passionné du Maroc, enrôlé dans le camp nationaliste mais avec des sympathies pro-britanniques, du fait notamment de sa ravissante maîtresse anglaise, Rosalinda Fox, meilleure amie et cliente de Sira dans le roman. Mais on croise aussi Serrano Suñer, beau-frère de Franco et homme fort du régime durant ces années-là, le chef des services secrets britanniques, des industriels allemands… Du beau linge, mais pas toujours de belles âmes !
  • Enfin, liez le tout avec de savants rebondissements et des touches d’humour (des personnages secondaires hauts en couleurs sont un plus évident).

Et voilà !

Ah ! j’oubliais… une belle histoire d’amour rendra le tout beaucoup plus croquant !

Bref, j’ai apprécié cette lecture de vacances, à la fois divertissante mais aussi intéressante pour l’historienne que je suis. L’auteur a réussi à faire la synthèse de l’histoire et de la fiction grand public. L’écriture est assez simple, sans chichis. Le titre espagnol est beaucoup plus beau que le titre français (qui aurait dû logiquement être « L’espionne de Tétouan » d’ailleurs…) : El tiempo entre costuras, le temps entre les coutures.


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