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Proposer des services gratuitement: l’avenir de notre économie ?

Publié le 15 janvier 2015 par Edelit @TransacEDHEC

A court d’argent ? Vous avez du mal à vous payer un resto ? Eh bien, peut-être que demain votre repas sera gratuit. A en croire l’ancien journaliste de The Economist et le bloggeur de Wired Chris Anderson, à l’avenir les entreprises devront fournir des services gratuitement ! La révolution touche déjà largement le domaine du web, et Chris Anderson estime que cette tendance devrait s’étendre à des pans entiers de l’économie mondiale d’ici peu. Voilà les éléments principaux qu’ils abordent dans son livre « Free! Entrez dans l’économie du gratuit ».

Le surprenant marché du web

La majorité des secteurs d’activités économiques ne peuvent se permettre d’effectuer une prestation de service ou de donner un bien sans contrepartie monétaire. Toutefois, un secteur est particulièrement à même de nous fournir des services gratuitement : le secteur du web. Chris Anderson affirme que si une firme décide d’offrir un service gratuitement, elle gagnera de nombreuses parts de marché et verra l’ensemble de ses courbes de coût converger vers 0 étant donnés des incroyables économies d’échelle qu’elle réalisera. Cela est d’autant plus probable que les coûts de reproduction d’un service sur le web sont presque nuls : fournir un moteur de recherche à une ou 1 million de personnes n’a presque aucune incidences sur les coûts de l’entreprise. Dès 1958, l’économiste américain Samuelson avait montré qu’au sein de l’industrie des médias, la cout de la prestation repose principalement sur le cout de la conception du produit plutôt que du nombre de clients.

Le marché du Web est d’autant plus surprenant que dorénavant, fournir un service gratuitement ne garantit pas forcément une position dominante à la firme concernée. En 2007, Yahoo a annoncé que son service de mail Yahoo Mail pourrait contenir un nombre « infini » de mails sans pour autant payer. Cela signifierait en outre que le prix du stockage sur Internet serait devenu nul ! Une révolution ? Loin de choquer les utilisateurs, cette annonce n’a eu que peu d’effets, les utilisateurs considérant que la gratuité de ce genre de service sur Internet était déjà acquis ou en tout cas qu’elle devrait l’être. Il semblait même aberrant pour les utilisateurs que Yahoo puisse leur faire payer le stockage de leurs mails.

Fournir son produit gratuitement ? Plus qu’une possibilité, une nécessité.

Mais cela ne nous explique pas pourquoi une entreprise du web ne facture pas ses services au coût réel qu’elle doit supporter. Pour pallier ce problème évident, Chris Anderson stipule qu’il existe « une différence psychologique fondamentale » entre le fait de payer quelques centimes et ne rien payer du tout. Cela explique pourquoi Google ou Deezer ne facturent pas leur service. La question n’est pas de savoir si un service sera un jour gratuit, mais plutôt de savoir quand il le deviendra (car il le deviendra inévitablement). Il semble ainsi que l’ensemble des services sur Internet soient amenés à être totalement gratuits. Plus encore, Chris Anderson affirme que les entreprises en position dominante sur les marchés du web tel que Google ou Yahoo sont les premières firmes ayant réussi à fournir gratuitement un service.

L’Internet, une activité à but non lucratif ?

Ce raisonnement nous amène à une question évidente : mais comment les firmes parviennent-elles à rentabiliser leurs activités en ne facturant pas le service qu’elles fournissent ? Fred Wilson, investisseur en capital-risque et bloggeur, estime que les entreprises rentabilisent la prestation de leur service grâce au modèle du « Freemium ». C’est une sorte de modèle économique au sein duquel 1% des utilisateurs payent pour 100% des coûts supportés par l’entreprise pour fournir un bien ou un service à l’intégralité de ses clients. Cela explique pourquoi le Monde ou le New York Times autorisent l’accès en libre-service sur Internet à la majorité de leurs articles. Les personnes prêtes à s’abonner payent plus cher que ce qu’elles ne devraient, et ainsi ils payent (pour ainsi dire) pour les autres utilisateurs.

Dans tous les cas, l’entreprise parvient toujours à rentabiliser la prestation de son service par des moyens diverses. L’entreprise peut tirer de ses services gratuits d’innombrables sources d’informations sur des clients potentiels. Elle peut aussi créer chez ses clients une habitude d’achat, ce qui les poussera ensuite à monter en gamme et payer pour le service de meilleure qualité. Ainsi, le concept de gratuité semble flou, voire même trompeur.

Est-ce possible d’étendre cette tendance à l’ensemble du monde économique ?

La réponse n’est pas simple et dépend du secteur considéré. Il y a de fortes chances qu’on vous demande de payer vos chaussures la prochaine fois que vous irez au Printemps. Mais il n’est pas impossible que d’ici peu, certains vols en avion ne vous coutent plus rien. En 2008, le PDG de Ryanair a affirmé qu’il était possible qu’un vol Londres-Barcelone soit gratuit dans le futur. En décomposant le prix de ce billet, Ryanair s’est rendu compte que la grande majorité du profit que la compagnie réalisait sur ce vol provenait des suppléments payés par les voyageurs pour enregistrer deux bagages ou boire et manger dans l’avion. En offrant un billet gratuitement, Ryanair pourrait espérer inciter les passagers à consommer plus de ces « extras » forts rentables.

En 1975, l’éminent économiste Milton Friedman publiait un livre intitulé « There’s no such thing as free lunch ». Par là, l’auteur voulait dire que, dans notre modèle économique actuel, il est impossible de jouir de la prestation d‘un service ou d’un bien sans pour autant le payer car cela ne rentre pas dans le système d’incitations qui fait tourner l’économie. Cette règle économique de base semble être aujourd’hui largement outrepassée par le marché du web car comme le rappel Chris Anderson : « Free is what you want, and free is what you’re getting ».


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