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Malcolm Lowry, Sous le Volcan, chapitre 9

Publié le 18 janvier 2015 par Transhumain

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Miquel Barceló, La cuadrilla, 1990

IX

And I will show you something different from either

Your shadow at morning striding behind you

Or your shadow at evening rising to meet you;

I will show you fear in a handful of dust

T. S. Eliot, The Waste Land

Et je te montrerai quelque chose qui n'est

Ni ton ombre au matin marchant derrière toi

Ni ton ombre le soir surgie à ta rencontre;

Je te montrerai ton effroi dans une poignée de poussière.

(Terre Vaine, trad. Pierre Leyris)

« Sus à l'arène sanglante » avait dit le Consul, faisant pleurer Yvonne, hantée par l'image d'un chien mourant « dont les ruisseaux de sang striaient le trottoir désert ». Dans les gradins bigarrés où seuls s'excitent les borrachos, elle croit voir, à travers le miroir, obscurément, la vieille aux dominos de Tarasco – mauvais présage –, ou encore son propre père : s'arrachant au spectacle pathétique des monteurs de taureau, Yvonne s'abîme dans ses souvenirs d'enfance – ses ambitions d'actrice (Yvonne Constable la « Boomp Girl »,) qui d'étoile en devenir (Yvonne la Terrible – ni tsar ni star) finit par étudier l'astronomie sous la coupe de son oncle à Honolulu avant d'épouser un millionnaire puis de tenter à nouveau sa chance à Hollywood, où elle rencontre Jacques Laruelle, le réalisateur du Destin d'Yvonne Griffaton (allusion au Griffon sans doute, puissant symbole de résurrection). À peine tirée de sa rêverie, elle replonge illico dans le fantasme d'une vie édénique avec… Hugh ? non, le Consul plutôt : une maison en pin, en bord de mer, théâtre de leur amour cosmique… Les rêves d'évasion d'Yvonne sont moins pathétiques que profondément émouvants – parce qu'au bout du chemin, elle le sait, sa lumière sera ternie par silhouette incertaine d'une « femme hystérique tressautant comme une marionnette et cognant des poings contre le sol »… Et quand Hugh, velléitaire, se jette dans l'arène et dompte un taureau apathique, Geoffrey et Yvonne, probablement mus par quelque funeste pressentiment, sont comme des « prisonniers limités par le temps qui se dépêchent de bavarder et de s'accorder dans la confusion », se hâtant de préparer leur résurrection… Ce n'est hélas, comme la vision d'Yvonne, qu'un funeste mirage, la « réverbération du soleil sur des milliers de bouteilles cassées »...


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