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Captives, drame captivant au cœur de l’indicible

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Captives, drame captivant au cœur de l’indicible

Captives, le dernier film d’Atom Egoyan flirte autant du côté du thriller autant que du côté du drame psychologique, emmenant Rosario Dawson et Scott Speedman dans les bas-fonds terrifiants du commerce pédophile. A coté de l’enquête se déroule le drame familial porté par Mireille Enos et Ryan Reynolds, tous deux bouleversants en parents désemparés et profondément détruits.

Matthew (Ryan Reynolds) sort cinq minutes de sa voiture pour aller acheter une tarte, comme chaque semaine. Il laisse sa fille, Cass (Alexia Fast) à l’arrière. Lorsqu’il revient, elle a disparu. Débute alors pour lui et sa femme Tina (Mireille Enos) une terrible attente tandis que l’enquête de la Police s’enlise.

Captives, drame captivant au cœur de l’indicible

Matthew (Ryan Reynolds) et Tina (Mireille Enos)

Captives aborde un thème très dur sans fard, sans concessions, sans pour autant verser dans l’exploitation graphique de l’horreur, lui préférant une ambiance malsaine entretenue par une bande son aérienne et une luminosité blanche s’étendant sur la neige comme un jour nuageux. Ce traitement froid et distancié est régulièrement battu en brèche par les dialogues parfois très violent sur le plan symbolique tels Cass disant à son ravisseur Mika (Kevin Durand) qu’il pourrait la laisser partir maintenant que jeune adulte, elle ne l’intéresse plus… Toute la tension est basée sur les non-dits. Kevin Durand transpire littéralement la perversité par tous les pores de sa peau. L’homme a intériorisé les aspects les plus dégoûtant de sa vie. C’est là que réside l’horreur indicible émanent du scénario d’Atom Egoyan et David Fraser. Mika, membre cynique d’un réseau de pédophilie, se délecte de la détresse émotionnelle de sa captive et pousse la perversion jusqu’à observer la mère se morfondre et perdre pied.

Captives, drame captivant au cœur de l’indicible

Cass (Alexia Fast) et Mika (Kevin Durand)

À mille lieux des classiques du genre, s’étendant sur les tortures physiques ou les enquêtes policières, Captives s’étend bien davantage sur les séquelles psychologiques de ces événements affreux, se concentrant sur le couple de parents qui se délite, et sur la relation perverse et ascendante du pervers sur la jeune fille, complice à son âme défendante du réseau. Le scénario ne fait pas non plus des policiers des super-héros redresseurs de tort et s’appuie bien davantage sur les ravages que les enquêtes et une certaine impuissance laisseront dans leurs vies. Le sort réservé à l’inspectrice Nicole (Rosario Dawson) sonne comme une terrible métaphore nous rappelant que la plupart des enquêtes ne sont malheureusement jamais bouclées. Le personnage de l’inspecteur Jeffrey (Scott Speedman) est quant à lui, ambigu dans son rapport à son métier. A demi-mots, on apprend qu’il a sûrement été victime de maltraitances dans son enfance, ce qui le rend méfiant envers tout le monde, et rend très conflictuelles ces relations avec le père qu’il soupçonne constamment. Ce dernier est aussi accusé régulièrement de négligence par Tina (Mireille Enos), la mère, qui ne supporte plus de le fréquenter, bien qu’elle aime toujours.

Captives, drame captivant au cœur de l’indicible

Jeffrey (Scott Speedman), Tina (Mireille Enos) et Nicole (Rosario Dawson)

Sans sensationnalisme, sans gros bras, sans revanche, sans artifice, Captives offre une histoire tragique, appuyée par un traitement sobre qui rajoute à la fois de la dramaturgie du film et rend plus difficile la terrible vérité. N’ayant pas le culot malsain de se revendiquer d’une histoire vraie, Captives rappelle néanmoins certains faits divers ayant fait la une, ces dernières années. Ne voulant pas camoufler l’atrocité derrière une surenchère de moyen, Atom Egoyan livre, au contraire, une œuvre poignante et émouvante, portée par des acteurs investis et saisissants de véracité. On sort mal à l’aise et au bord des larmes de la projection, ce n’est pas la moindre réussite de Captives.

Rémy Boeringer

Pour regarder la bande-annonce :


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