« Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier »
MODIANO Patrick
(Gallimard)
Le Lecteur ne fut point surpris. Ce roman contient tout l’univers de Modiano, un univers qui lui est familier et cela depuis fort longtemps. Mais c’est cette absence de surprise (à défaut d’étonnement ?) qui a peut-être généré en lui comme une sorte de morosité. Qu’il surmonta en invoquant les œuvres antérieures. En reconnaissant implicitement que l’attribution du prix Nobel de littérature à Modiano avant que Lui, le Lecteur, n’ouvre le livre et n’y découvre les premières phrases avait en quelque sorte perverti son approche, sa nouvelle rencontre avec l’Ecrivain. Il a cheminé, comme à l’accoutumée, dans les rues de Paris, entre le temps d’hier et celui d’aujourd’hui, aux trousses d’un enfant dont l’histoire se reconstruit partiellement et fortuitement sous le regard de Daragane, l’homme vieillissant qui fut cet enfant. Avec quelques comparses qui lui imposent le souvenir de personnages qui l’accompagnèrent, le frôlèrent, l’ignorèrent, individus au passé incertain, êtres interlopes aux affaires louches dissimulées aux yeux de l’enfant.
C’est donc à la recherche de Modiano lui-même que le Lecteur s’est lancé dans ce roman-là. Est-ce l’Ecrivain dont la silhouette littéraire s’esquisse ici ou là, au détour de quelques phrases ? « Il n’avait écrit ce livre que dans l’espoir qu’elle lui fasse signe. Ecrire un livre, c’était aussi, pour lui, lancer des appels de phares ou des signaux de morse à l’intention de certaines personnes dont il ignorait ce qu’elles étaient devenues. Il suffisait de semer leurs noms au hasard des pages et qu’elles donnent en fin de leur nouvelles. » Peut-être ? Mais le mystère est loin d’être dissipé.