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Les sentiments [Atelier d’écriture #13]

Par Vudemeslunettes @Vudemeslunettes

C’est lundi ! Vive l’atelier d’écriture !

Cette semaine Leiloona a sélectionné une photo de Julien Ribot. À moi/nous d’inventer le reste …

Bonne lecture et bonne semaine !

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LES SENTIMENTS

Elle avait toujours trouvé ça débile. Tout cet amour, ces sentiments qui rendent idiots, qui changent les gens. L’amour c’était pas pour elle !

Quand elle était arrivée dans cette nouvelle ville, elle était allée se balader sur les berges. Elle y avait vu des couples enlacés, des prénoms, des initiales entourés d’un cœur, gravés dans des arbres. Débile ! Pendant des années elle avait fui cet endroit autant qu’elle fuyait l’amour.

Son père était parti avant sa naissance. Il ne voulait pas d’enfant. Sa mère, trop jeune à sa naissance laissait sa propre mère élever sa fille. Une grand-mère qui voyait en cette enfant rien de plus qu’une bouche à nourrir et des mains supplémentaires pour aider aux champs. Une enfance, un monde sans amour qui l’avait rendue allergique à ces sentiments. En grandissant, nombreux étaient ceux qui lui reprochaient cette distance et cette insensibilité.

Mais ce soir, tout semblait différent. Elle avait eu envie de retourner à cet endroit qui l’avait tant dégoutée des années auparavant. Une petite voix dans sa tête essayait de l’en dissuader mais pour une fois, elle avait décidé de ne pas l’écouter.

Il était tard, la nuit était tombée mais il faisait doux. Bien couverte, elle pouvait sortir tranquille. Manteau, écharpe, bonnet, gants, Eva était bien emmitouflée. Prendre l’air lui ferait du bien.

Elle avait peur des regards qu’on porterait sur elle. Pourtant, alors qu’elle marchait d’un pas rapide pour atteindre son but, elle vit des sourires, des gens aux regards bienveillants. Finalement, personne ne semblait la juger.

Descendre les marches pour rejoindre la berge avait posé quelques soucis mais elle s’en était sortie. Elle devait apprendre après tout.

Puis elle avait marché. S’était arrêtée au même endroit que la première fois. Elle avait passé ses doigts sur cet arbre meurtri par les gravures de l’amour. Combien s’aimaient encore aujourd’hui ? Est-ce que cette Inès était toujours avec ce Jorge ? Ou son cœur portait-il toujours les stigmates de cet amour terminé, mais impossible à oublier ?

Des pas raisonnèrent derrière elle. Une main se posa sur son épaule. Un baiser se colla sur sa joue droite. Antoine !

Elle se retourna pour lui sourire. Il était entré petit à petit dans sa vie, acceptant le chemin qui s’annonçait long et parsemé d’embuches pour atteindre son cœur. Il lui avait appris l’amour, l’avait acceptée avec son passé, l’avait aimé, lui avait rendu la vie plus belle. Oublié le passé, il lui avait appris à vivre au présent, tout simplement.

Elle avait alors compris ces gens. Ces gens qu’elle avait toujours trouvés débiles avec leurs envies de graver des prénoms, des initiales entourés d’un cœur au creux d’un arbre.

4 mois plus tôt, elle avait mis une petite fille au monde. Eva. Elle avait saisi la force de l’amour. Elle s’était accrochée. À Antoine. À Eva. Mais elle avait peur. Peur de ne pas savoir aimer, peur que les gens la voient comme une mauvaise mère. D’ailleurs ! N’était-ce pas irresponsable de mettre sa fille dans sa poussette pour aller se balader alors qu’il était 19h ?

Ses doutes s’envolèrent lorsqu’elle vit Eva dans les bras de son père.

Non, elle ne serait pas une mauvaise mère, elle apprendrait à sa fille la valeur et l’importance de l’amour et ferait de sa vie une monde rempli de joie, de sourires et de bonheur.

Ce soir, elle aurait bien eu envie de graver leurs initiales dans un arbre. Mais à quoi cela servirait-il vraiment ? Elle se moquait bien que les gens sachent. Leurs 3 prénoms entourés d’un cœur étaient gravés dans son cœur et sur sa peau et tout cela lui appartenait. Leur appartenait.


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