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Evolutions des relations d’actionnaires à l’arrivée de business angels ou de fonds d’investissement

Publié le 26 janvier 2015 par Amvoilure @Amvoilure

relation d'actionnairesMarie-Laure VOISARD, gérant du cabinet Amvoilure, et coach spécialisé dans la relation professionnelle d’associés rencontre la Directrice Générale d’une société de B to B, créée il y a 4 ans. Cet entretien nous invite à réfléchir sur les évolutions inévitables qui se produisent entre actionnaires lors d’une levée de fonds avec des business angels ou des fonds d’investissement…

Vous avez créé votre société il y a 4 ans, avec votre compagnon. Comment ce projet entrepreneurial vous est-il venu à l’idée ?

MD : Nous nous sommes rencontrés deux ans avant la création de notre société alors que nous travaillions tous les deux au service marketing d’une PME après une expérience au sein de multinationales.

Les études de marché, analyses et réflexions, nous ont montré qu’il y avait une place à prendre si nous étions les seuls à proposer un type de produit novateur, dans le secteur de l’hygiène écologique, pour les consommateurs en quête de qualité et de développement durable.

Qu’est-ce qui a motivé cette création d’entreprise ?

MD : Lassés du salariat, nous souhaitions créer une société qui porte nos valeurs et incarne un projet humain.

Au bout de 4 ans où en êtes-vous ?

MD : Un des deux leaders du marché a décidé de quitter cette niche en Europe qui n’était pas assez rentable, ce qui a été une aubaine pour nous et a contribué à doubler notre chiffre d’affaires (CA) dès la deuxième année.
En 2013, nous avons atteint le million d’euros de CA, embauché une salariée. En 2014, nous avons recruté un 2ème salarié et allons doubler le CA 2013. Nous privilégions les investissements mais la rentabilité n’est pas encore atteinte. C’est pourquoi en 2013, notre troisième année d’exercice, nous avons fait appel à trois business angels et sommes restés majoritaires. En 2014, nous finalisons une seconde levée de fonds, cette fois-ci avec des fonds d’investissement afin d’augmenter nos leviers de développement.

Comment s’est passé l’accueil des nouveaux actionnaires ?

MD : Cela n’a pas été toujours facile. Nous avons fait des erreurs avec nos business angels. Au début, nous avons continué à nous affirmer comme patrons de notre entreprise et nous priorisions le business quotidien. Associés, habitués à fonctionner ensemble, à nous comprendre d’un mot, nous n’avions pas mesuré les changements relationnels qui résulteraient de leur arrivée.
Nous n’avions pas suffisamment pris en compte leur investissement financier comme une prise de risque de leurs parts, ni intégré qu’ils attendaient un retour sur investissement rapide. Nous avions l’impression qu’ils étaient dans le court terme alors que nous travaillions pour le long terme pour notre société. C’est pourquoi nous avions du mal à rendre des comptes, à accepter de répondre à des questions, nos reporting n’étaient pas suffisamment « carrés ». Nous étions surpris qu’ils veuillent autant d’informations opérationnelles. Nous le vivions comme si nous avions une hiérarchie et avions perdu notre autonomie d’entrepreneurs.

Qu’est-ce que vous en avez retiré ?

MD : Nous devons gérer la relation avec nos actionnaires comme nous le faisons avec nos partenaires (clients et fournisseurs). Il faut savoir conserver la confiance de ses actionnaires.
Nous aurions dû changer notre mode de management à leur arrivée, en les intégrant et les associant davantage. Ils avaient des compétences complémentaires aux nôtres et pouvaient beaucoup nous apporter.

Qu’est-ce qu’ils vous ont fait modifier ?

MD : Nos actionnaires nous ont fait prendre conscience de certaines erreurs financières. Nous sommes des « marketeurs » avant d’être des gestionnaires.
Nous avons pris en compte leurs analyses et avons modifié notre stratégie de prix. Nous les avons davantage associés et avons présentés des reporting précis. Nos marges se sont améliorées, notre situation financière est bien meilleure.
Nous mesurons que ce parcours nous fait acquérir une maturité entrepreneuriale sans renier nos valeurs.

Avez-vous observé une différence entre le contact avec des business angels et des fonds d’investissement ?

MD : Oui, les business angels sont des personnes individuelles qui risquent leur propre argent. Ils ont souvent été entrepreneurs et sont très présents sur le plan opérationnel.
Les fonds d’investissements emploient des salariés qui sont, aussi, souvent actionnaires de leurs fonds. Ceux-ci appliquent des processus éprouvés sur différentes sociétés ce qui leur donne un certain recul. Tout cela induit un autre type de relation.

Quels conseils donneriez-vous à des entrepreneurs qui envisagent une levée de fonds ?
  • Il faut pouvoir gérer deux types d’énergie en même temps et ce n’est pas toujours facile :

. l’une nécessaire au développement du business et à la gestion du quotidien,

. l’autre tournée vers la recherche d’investisseurs à qui il faut donner envie alors qu’ils nous poussent dans nos retranchements, pointent nos faiblesses, nos incohérences et nous demande de justifier notre modèle économique, notre business plan, les qualités professionnelles de nos collaborateurs….

  • Associer les nouveaux actionnaires aux réflexions et décisions pour conserver leur confiance et les rassurer.
  • Oser faire respecter aux nouveaux actionnaires l’esprit, les valeurs qui ont initié l’identité de l’entreprise.
  • Accepter de partager « son bébé », se remettre en cause et être prêt à évoluer car l’apport de nouveaux actionnaires vous aidera à développer de nouvelles compétences.

M-L V. : Pour aller plus loin :

  • L’entrée de nouveaux actionnaires lors d’une levée de fonds modifie « l’être ensemble d’actionnaires »  existant, même si les fondateurs restent majoritaires. Ce n’est pas anodin et il faut un temps pour trouver de nouveaux repères pour chacun et faire émerger le nouvel ADN de l’équipe dirigeante. Comme on l’a vu dans ce témoignage, le business angel n’apporte pas que de l’argent frais, il s’investit aussi ce qui enrichit et développe les compétences de l’équipe dirigeante.
  • Le pacte d’actionnaire peut être l’occasion de préparer l’arrivée des nouveaux actionnaires en réfléchissant ensemble à ce que seront les droits et les devoirs de chacun dans la gouvernance.

On l’oublie trop souvent, le pacte d’actionnaires ne traite pas uniquement des pourcentages de détention de parts ou de la liquidité (sortie des actionnaires). Il peut aussi définir ou préciser à quelles décisions participent les actionnaires minoritaires, quel type de reporting leur sera fait, à quel rythme, etc. Ces différents thèmes pourront être préparés ensemble avec un coach qui aidera chacun à s’investir et se projeter dans la relation entre actionnaires.

Ce document préparatoire sera présenté à l’avocat qui le mettra en forme juridique et alertera si nécessaire sur les risques ou les oublis. Cette réflexion, qui se fait en amont, peut faire gagner du temps, éviter des tensions dues aux non-dits et apprendre à fonctionner ensemble pour le futur.

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