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À la vie

Publié le 29 novembre 2014 par Cinealain

 

Date de sortie 26 novembre 2014

 

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Réalisé par Jean-Jacques Zilbermann


Avec Julie Depardieu, Johanna ter Steege, Suzanne Clément,

Hippolyte Girardot, Mathias Mlekuz, Benjamin Wangermee

Audrey Quoturi, Anne-Marie Pisani


Genre Comédie dramatique


Production Française

 

Synopsis

 

1960.

 

Trois femmes, anciennes déportées d’Auschwitz qui ne s’étaient pas revues depuis la guerre, se retrouvent à Berck-Plage. Dans cette parenthèse de quelques jours, tout est une première fois pour Hélène (Julie Depardieu), Rose (Suzanne Clément) et Lili (Johanna ter Steege) : leur premier vrai repas ensemble, leur première glace, leur premier bain de mer…

 

Une semaine de rires, de chansons mais aussi de disputes et d’histoires d’amour et d’amitié...

 

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 Johanna ter Steege, Julie Depardieu et Suzanne Clément

 

 

Le réalisateur Jean-Jacques Zilbermann se confie.

 

Chaque année, ma mère nous annonçait :
"Je vais à Auschwitz-les-Bains."
Et cela nous faisait rire.

 

À la vie est une fiction intimement liée à mon histoire personnelle. Je suis né dans une famille où j’ai eu la chance d’avoir trois mamans : Irène, qui était ma vraie mère, mais il y avait aussi Paulette et Annie, ses deux amies de déportation. Elles s’étaient rencontrées à Auschwitz, en 1944, dans le malheur. Elles s’étaient serré les coudes et l’union faisant la force, elles avaient survécu.

 

Après la guerre, les trois femmes s’étaient mariées, chacune de leur côté, mais toutes les trois avec un ancien déporté. Elles avaient changé de nom et s’étaient perdues de vue à la suite de nombreux déménagements. Ce n’est que vingt-cinq ans plus tard qu’elles s’étaient retrouvées.

 

Elles étaient comme trois soeurs. Maman habitait Paris, Paulette Montréal et Annie Amsterdam. Tous les ans, elles partaient en vacances ensemble pour quelques jours, au bord de la mer, sans leurs maris, sans leurs enfants. Elles avaient tellement à partager !


À la fin des années 1980, j’ai pris une caméra et je suis parti les rejoindre. Je me disais que ces trois femmes étaient des survivantes mais que cela ne les rendait pas pour autant éternelles. C’est pourquoi j’ai réalisé un documentaire, Irène et ses soeurs, qui est devenu avec le temps notre film de famille.

 

Aujourd’hui elles ne sont plus là et je me sens libre de raconter cette histoire de fraternité, ou devrais-je dire de sororité, avec les moyens de la fiction. Pour écrire ce film, je me suis appuyé sur leurs témoignages et sur ceux d’autres survivants. Bien sûr, il y a une grande part d’imagination, mais tout ce qui a trait à Auschwitz est vrai.


J’ai grandi parmi toutes les images de la déportation. Elles étaient là, partout, dans les livres qui traînaient au salon, sur la table de la cuisine... Maman disait toujours : « On ne doit pas avoir peur de regarder l’horreur. Ça n’a de toute façon rien à voir avec le fait de la vivre. » J’ai été le témoin privilégié de la résurrection de ces trois femmes. Quand elles étaient ensemble et qu’elles se racontaient leur déportation, elles n’avaient pas toutes la même mémoire des choses. Souvent, elles se disputaient mais très vite, elles se mettaient à rire. Elles étaient très joyeuses et je me suis toujours dit que c’est probablement grâce à ça qu’elles avaient survécu.

 

 

En écrivant ce scénario, j’avais toujours en tête cette phrase de Simone Weil : "Aujourd’hui encore, le camp nourrit notre esprit et je dirais presque notre bavardage, parce que de façon tout à fait extraordinaire, quand nous parlons du camp, nous"sommes obligés d’en rire pour ne pas en pleurer". Quand ma mère partait l’été rejoindre ses copines de déportation au bord de la mer et que mon père, un peu jaloux, lui demandait où elle allait, elle répondait toujours : "À Auschwitz-les-Bains !" et ça nous faisait rire tous les trois. C’est de cet humour des survivants que j’ai voulu nourrir le film. Je sais aussi qu’elles chantaient à Auschwitz quand il arrivait qu’elles soient sans surveillance. Au camp, elles avaient gardé la mémoire de ces chansons yiddish, les chansons qu’elles avaient apprises de leurs mères et qu’elles chantaient pour se donner la force de vivre. Ces mélodies accompagnent le film.

 

L’idée qui ne m’a pas quitté était de situer leurs retrouvailles au début des années 1960, parce qu’à ce moment-là, l’époque a réellement changé : on est vraiment sortis de la guerre. Arrivent pêle-mêle les bikinis, les transistors, le twist, les couleurs vives et une immense joie de vivre, comme une libération. Je voulais confronter ces trois femmes et leur passé à cette gaieté, cette légèreté. Et imaginer le regard qu’elles pouvaient poser sur ce monde, elles qui avaient vingt ans à Auschwitz.

 

Entretien avec le réalisateur. Jean-Jacques Zilbermann

 

Comment s’étaient-elles exactement retrouvées ?


À la Vie
Par petites annonces dans les journaux yiddish, par jeu de croisement, l’une retrouvant l’autre, puis la deuxième retrouvant la troisième… À partir de ces premières retrouvailles, elles ont décidé de se revoir tous les ans. Au bord de la mer…


Comment traiter un sujet aussi fort ?


Je savais que c’était un film à responsabilité grave, d’autant que, jusque-là, j’avais plutôt fait des films à responsabilité limitée !

Il fallait que je me documente à nouveau, que je vérifie tout. Quand ma mère est décédée, j’ai dû vider l’appartement et j’ai ressorti tous ses livres : dix caisses de bouquins sur la déportation !

 

J’ai tout lu et relu avec Danièle d’Antoni, ma co-scénariste. Je ne prétendais pas faire un film historique, mais je tenais à ce que chaque détail concernant la déportation soit vrai.


Comment filmer un sujet aussi intime ?


Mes deux parents ont été déportés à Auschwitz et j’ai baigné dans cette atmosphère toute mon enfance. À treize ans, je pensais avoir tout compris de la déportation de ma mère. Et là, elle m’a dit : "Tu sais, ce que j’ai vécu, ce n’est rien en comparaison du drame de ton père." Ils étaient deux sortes de survivants. Mon père, c’était le traumatisme, les cauchemars la nuit, et ma mère la rage de vivre, la militante communiste. Mon père ne parlait jamais des camps, et ma mère en parlait tout le temps ! C’est le souvenir de ses "bavardages" et de ceux qu’elle avait avec ses deux amies, ainsi que leurs témoignages dans mon documentaire,
Irène et ses soeurs, qui m’ont inspiré les dialogues, et même la trame du film. Quand elles parlaient de leur expérience du camp, elles le faisaient avec plein de petits détails quotidiens et intimes. Et, même, parfois, avec humour…


Vous êtes-vous donné des limites dans la comédie ?

 

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Aucune ! J’ai gardé l’humour, et la mélancolie joyeuse, que ces trois femmes avaient dans la vie, comme lorsque Lili demande à Hélène : "Dis donc, chérie, tu n’as pas un peu grossi ?". Ou quand Hélène voit descendre Rose du bus : "Toi, je ne te parle pas, tu es morte ! ". L’humour des survivants…

 

Un humour qu’Hippolyte Girardot a traduit très justement : après tant de souffrance, son personnage ne peut plus s’exprimer qu’à travers des blagues juives.

 

Un écueil, tout de même, à éviter ?


Je ne voulais pas qu’elles semblent expliquer leur déportation au spectateur. Simplement qu’elles parlent entre elles. Il fallait que ce soit comme lorsque des gens se retrouvent en vacances dans la vraie vie : au début, ils ne se livrent pas, puis prétendent avoir une vie merveilleuse et donnent le meilleur aspect d’eux-mêmes, et puis, au bout de deux jours, les confidences naissent, et chacun se met à révéler ses blessures… Mon plus grand plaisir, d’ailleurs, a été d’écrire les dialogues avec Danièle d’Antoni. Avec un tel sujet, tout prend une valeur symbolique. Et chacun des gestes des trois amies est inaugural : le premier repas ensemble, la première glace, ou quand Hélène masse le dos de Rose. Ce corps qui a tant souffert… La seule chose que nous nous sommes interdits formellement était de tomber dans le mélo. Le mélodrame est un genre que j’adore, mais là, il y avait suffisamment de drame pour ne pas y ajouter du mélo. J’ai juste ouvert le film sur l’évacuation du camp, le 17 janvier 1945. J’ai beaucoup hésité à filmer cette séquence, mais sans elle, leurs retrouvailles à
Berck en 1960 auraient été trop abstraites.

 

Comment avez-vous choisi vos comédiennes ?


Julie Depardieu - À la vie

 

 

Je voulais trois comédiennes aux silhouettes différentes. J’aime Julie depuis toujours en tant qu’actrice. Je tenais à elle pour incarner ma mère, car, comme elle, elle est à la fois fragile et forte. J’avais revu Un secret de Claude Miller et elle m’avait paru évidente pour le rôle quand elle parlait en yiddish.

 

Pour Johanna et Suzanne, j’ai juste suivi la réalité autobiographique : Paulette s’était installée au Canada après la guerre, et Annie était Hollandaise. J’ai donc cherché une actrice canadienne et une actrice hollandaise.

 

 

 

 

Suzanne m’avait emballé dans Laurence Anyways. Elle ne ressemble à personne.

 

J’avais vu Johanna dans J’entends plus la guitare de Philippe Garrel, et j’avais lu qu’elle avait été choisie par Kubrick pour jouer le rôle principal dans Ariane Papers, un film qu’il avait finalement abandonné au moment de la sortie de La Liste de Schindler. Quand je l’ai rencontrée à Amsterdam avec la vraie fille de Lili (Annie), elle ressemblait parfaitement au personnage que j’avais écrit. Nous avons commencé le travail avec les chants yiddish. Sous la houlette d’Éric Slabiak, le compositeur de film, Julie et Johanna en ont appris six en entier (il n’en reste que trois dans le film !). C’était une manière de les faire entrer dans le film, de façon plus légère qu’en leur faisant lire des livres sur la Shoah.

 

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Johanna ter Steege et Suzanne Clément

 

La musique est très importante dans votre film.


C’est la deuxième fois que je travaille avec Éric Slabiak qui a créé le groupe Les yeux noirs, et qui connaît parfaitement ma sensibilité. C’était d’autant plus crucial sur ce film. Il a composé une valse qui a balayé d’un coup toutes les maquettes de musique qui étaient dans ma tête : une valse en doux crescendo, une valse de la vie. Puis, ma monteuse, Joële van Effenterre, a fait un travail de brodeuse.

 

L’esthétique du film est très douce et colorée.


À partir des photos de l’époque, avec ma décoratrice Valérie Grall et mon costumier Olivier Bériot, nous avons reconstitué Berck comme elle était en 1960 : le bord de mer à l’identique, avec les boutiques (le Cornet d’amour !), les voitures, le club Mickey… La reconstitution n’aurait pas été aussi réussie sans le concours précieux des figurants - tous des Berckois ! - qui ont su recréer l’atmosphère de l’époque.


Comment voudriez-vous que le film soit reçu ?


La génération des déportés a quasiment disparu. Mais la Shoah est un traumatisme héréditaire ! Disons que le film est mon témoignage, très personnel, de la deuxième génération.

 

 

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Mon opinion

 

 

Jean-Jacques Zilbermann rend hommage à sa mère et à deux de ses amies rescapées des camps de la mort.

 

L'idée est belle et généreuse. Les premières images sont fortes et douloureuses. Les dernières sont à la fois gaies et nostalgiques.

Entre les deux, la réalisation trop illustrative est un barrage à l'émotion que je pensais ressentir. L'ensemble reste trop figé. Quelques jolies scènes, trop rares, hélas, accrochent un sourire.

Vite fatigué par une reconstitution trop appuyée et ce trop long ballet de voitures d'époque, entre autres, il a fallu tout le talent et la force d'un casting sans failles pour retenir mon attention.

Hippolyte Girardot et Mathias Mlekuz, tous deux parfaits.

Un trio d'excellentes comédiennes. Johanna ter Steege, déterminée à rester une femme définitivement libre. La toujours magnifique Suzanne Clément, enfermée par le poids d'un passé trop douloureux avant de s'en libérer, dans un sourire. Et enfin Julie Depardieu. Tour à tour émouvante, touchante et drôle. Elle est quasiment de toutes les scènes et reste toujours parfaitement juste.

 

Sources :

http://www.unifrance.org


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