Grand chef d’orchestre du cinéma de divertissement américain, au côté de George Lucas et Steven Spielberg, Robert Zemeckis a bercé notre enfance avec la trilogie Retour vers le futur et Qui veut la peau de Roger Rabbit ?. En 1994, il allait recevoir six oscars pour Forrest Gump, librement adapté de l’œuvre de Winston Groom, fable sur l’histoire contemporaine des États-Unis vu à travers les yeux d’un simple d’esprit. Le film a été rediffusé, en version restaurée, dans les cinémas Pathé-Gaumont, le jeudi 29 janvier 2015.
Forrest Gump (Tom Hanks) attends le prochain bus sur un banc. Ce faisant, il entame une boîte de chocolat et entame la conversation avec toutes les personnes qui s’assoient sur ce banc. Il raconte sa vie, avec simplicité, de son enfance avec une mère poule (Sally Field), son passage à l’université, son service militaire, son engagement au Vietnam au côté du Lieutenant Dan Taylor (Gary Sinise) et de son meilleur ami, Benjamin « Bubba » Bufford-Blue (Mykelti Williamson), sa fortune acquise dans la pêche à la crevette et, principalement, son histoire d’amour avec Jennifer « Jenny » Curran (Robin Wright).
Jennifer « Jenny » Curran (Robin Wright) et Forrest Gump (Tom Hanks)
« Heureux sont les simples d’esprits » semble nous dire Forrest Gump sur son banc. Sûrement parce qu’ils échappent à la vulgarité de notre monde. Aux premiers abords, Forrest Gump est une énième comédie familiale, pleines de bons sentiments. C’est pour mieux livrer une satyre sans fard de l’Histoire américaine. À travers les yeux de Forrest, qui ne voit de malice nulle part, les événements majeurs auxquels ils participent semblent alors présenter sans filtres. Robert Zemeckis appuie son propos avec humour à plusieurs reprises comme lorsque Forrest devient très apprécié de son adjudant, justement parce qu’on ne demande rien d’autre à un troufion qu’être bête et méchant (ou gentil). Forrest Gump livre, en trame de fond, la vision d’une Amérique rurale arriérée dont le père pédophile de Jenny n’est qu’un artefact parmi d’autre.
Lieutenant Dan Taylor (Gary Sinise) et Forrest Gump (Tom Hanks)
À travers les yeux du benêt, la guerre du Vietnam devient une ballade de santé à la campagne, ce qui accentue l’horreur lorsque celle-ci apparaît, les compagnons de Gump tombant comme des mouches et l’aviation américaine semant la mort au napalm. À travers les rencontres de Gump avec les présidents des États-Unis, Zemeckis livre des clins d’œil sur les tentatives d’assassinat de Ford et Reagan. On n’oublie souvent que les tentatives d’assassinat des présidents américains ont été fréquentes, la plupart fomenté par des déséquilibrées. La libre circulation des armes n’étant pas pour rien dans cette constatation.N’oubliant personne, une incursion en milieu hippie rappelle que même dans les milieux les plus progressistes, les luttes féministes sont toujours d’actualité.
Forrest Gump (Tom Hanks) et Benjamin « Bubba » Bufford-Blue (Mykelti Williamson)
Forrest Gump ne transcende pas toutes cette vulgarité parce que l’ignorance serait une vertu. Il n’en est juste pas aussi affecté que nous. Ce qui, par contre, transcende tout le film, c’est véritablement l’amour qui lie Forrest à Jenny. Innocent face à la mort, Forrest n’hésite pas une seconde à se marier à Jenny, atteinte du Sida, dernière tragédie larvée de Forrest Gump. Dans nos mémoires, Forrest Gump était un hymne à la simplicité et à la bonté. C’est finalement un film assez triste. L’interprétation de Tom Hanks, soutenue par la bande son psychédélique où se cotoient Fleetwood Mac et Jefferson Airplaine, a gravé dans nos esprits un personnage débonnaire il fallait le revoir pour se rappeler la portée du sous-texte.
Boeringer Rémy
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