"Ciel mon mari !" : la réplique culte du théâtre de boulevard, cette tradition des soirées des provinciaux venus passer quelques jours dans la capitale, passage obligé après le Salon de l'Agriculture ou le congrès des chirurgiens-dentistes ... Une tradition de portes qui claquent, des amants en bannière rapidement escamotés dans les placards (à la Feydeau), de qui-pro-quos, mais aussi d'enfants cachés et découverts au dernier acte, des révélations de parentèles et d'héritages inattendus (à la Molière), de scènes finales en forme de choral (à la Mozart) ...
Nicole Genovese dynamite tout ce pathos avec talent et entrain, bien secondée par une troupe de comédiens déjantés mais particulièrement en verve. Ils sont 9, et chacun a droit à son moment de gloire. Il y a Dada, l'épouse volage (Nicole Genovese) son mari falot mais au doux nom de Maxime (Renaud Boutin), l'amant de celui-ci, Louis (Sébastien Cassagne), le capitaine de gendarmerie peu perspicace (Nelson Ghrénassia), Jacquot, le faux domestique (Paul Bouffartigue), et puis Mireille, la femme de ménage (Adrienne Winling), Louison la petite fille perverse (Angélique Zaini), et enfin la plantureuse Cantatrice Finlandaise aux multiples talents, Marion Gomar, pas chauve pour deux sous mais à la voix extraordinaire.
L'auteur le proclame : "la subversion consiste à renverser l'ordre établi, mais si l'ordre établi est la subversion, la subversion ne doit-elle pas subvertir la subversion elle-même ?" Ici, on parcellise "façon puzzlz" le théâtre réactionnaire par excellence. Enfant, il m'arrivait de regarder l'émission culte de la télévision nationale "Au théâtre ce soir", et je me demandais comment les spectateurs pouvaient se retrouver dans ces décors minables avec immanquablement un canapé, un bureau, des portes ... dans un intérieur bourgeois de nouveaux riches. Avec "Ciel, mon placard ! ", le décor est d'emblée ... celui du bureau des adieux pompeux de Valéry Giscard d'Estaing en 1981.
Et tout part en sucette. Au début, le texte est tellement volontairement "dramatique" qu'on se demande où l'on est tombé, et puis on retrouve des références aux vaticinations d'Eugène Ionesco, des gags verbaux lourdingues ou ciselés, tout part en vrille ... et tout le monde rit aux éclats.
Hier soir, la salle était pleine (plus de 200 personnes ...) et réagissait au quart de tour. Il y avait des comédiens chevronnés venus applaudir de jeunes collègues, et même un fameux patron de troupe, Jean-Michel Ribes. On a fini par se laisser porter par le rire communicatif. C'était jouissif ! Cela se joue encore ce soir à 19h 30 .... courez-y !
Ciel mon placard ! pièce de Nicole Genoveze mise en scène par Claude Vanessa, le 31 janvier à la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs, 19 h 30, 4 rue Félibien (dans le Marché Saint-Germain) Paris 6ème. La pièce sera donnée également au Théâtre de Vanves le 22 mai à 21 h.