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Viens voir les magiciens

Publié le 01 février 2015 par Marcel & Simone @MarceletSimone

Que le cinéma soit magique, personnellement je n’en n’ai jamais douté.

S’asseoir dans un fauteuil pour regarder s’agiter devant soi des gens qu’on ne connaît pas, qu’on nous présente comme des héros et auxquels on va immédiatement s’attacher jusqu’à avoir peur pour eux, se réjouir de leurs succès, ou rire à gorge déployée de leurs gags alors que si ça trouve on traverse une période de notre vie absolument dramatique, oui, ça relève forcément de la magie.

Et je ne parle pas de l’héroïne pour laquelle on peut ressentir instantanément, dès qu’elle apparaît sur l’écran, un amour absolu… Non, je n’en parle pas.

(Ah ! Audrey Hepburn !).

CHUT !!!

Seulement voilà, on oublie un peu vite que cette magie-là, celle du septième art, ne se résume pas seulement à des comédiens ou des comédiennes…

(Ah ! Audrey Hepburn !).

TAIS-TOI !!!

… à des réalisateurs, à des plans-séquences révolutionnaires, à des travellings de postérité, à des scénarii implacables avec suspense, humour et érotisme suggéré, à des répliques qui font mouches jusque dans les cours de récréation, à des costumes qui donnent envie de vivre à une autre époque, à des moyens financiers qui permettent des folies abracadabrantesques genre je ressuscite des monstres du Moyen-Âge qui n’ont pas existé mais qui auraient pu et que même en sachant que c’est du pipeau tu vas regarder sous ton lit avant de te coucher, oui messieurs dames on oublie un peu vite, à cause de tout ça, que sur la pellicule il y a aussi…

(Audrey Hepburn ?).

MAIS NON !!!

… il y a aussi, disais-je, le décor.

Vous vous souvenez du film Le locataire de Polanski ?

Cette chambre, cet immeuble, cette cour, comme ils participaient bien à l’angoisse, au glauque, au gris, comme ils marquaient l’atmosphère, comme ils contribuaient à l’état d’esprit de l’œuvre, comme ils parvenaient à nous mettre, nous les spectateurs, dans une position d’inconfort, de mal être…

D’où croyez-vous que ça vient ? Du réalisateur ? Dans l’idée, oui, mais concrètement ? Qui a matérialisé tout ça ? Qui a proposé des dessins, puis des maquettes, qui s’est creusé les méninges comme un possédé, qui a dû penser au moindre détail de mobilier, de porte, d’escalier, de carreaux de fenêtre, qui a dû concocter ce tour de magie impeccable qui fait qu’au moment du show l’illusion est parfaite et l’effet escompté parfaitement obtenu ?

Eh bien, j’ai nommé l’artisan de l’ombre, l’enchanteur des coulisses, le magicien de l’impossible : LE CHEF DECORATEUR.

Une fois n’est pas coutume, cette profession de l’obscur, est sous les projecteurs à la galerie des donateurs du musée du cinéma de la Cinémathèque.

Trois périodes majeures sont à retenir depuis 1945 pour comprendre l’évolution de ce métier et du cinéma :

De 1945 à 1960 avec l’âge d’or des studios (Boulogne-Billancourt, Joinville-Le-Pont et Saint-Maurice) et les travaux des grands décorateurs que furent Max Douy, Léon Barsacq (dont les dessins étaient déjà à eux seuls des œuvres d’art tant ils étaient précis dans le détail) et le génialissime Alexandre Trauner (Hôtel du Nord, Le jour se lève, Les enfants du paradis, La garçonnière, La nuit des généraux, jusqu’à Tchao pantin et Subwa).

Dessin de Léon Barsacq pour Le Silence est d’or de René Clair, 1946 © ADAGP, Paris 2014

Dessin de Léon Barsacq pour Le Silence est d’or de René Clair, 1946 © ADAGP, Paris 2014

De 1960 à 1990 l’arrivée de la Nouvelle vague envoie d’abord tout le monde (ou presque) en décor naturel, avant que des hangars soient « aménagés » en studio (Arpajon, Bry-Sur-Marne, puis Saint-Denis). C’est l’époque du Locataire donc avec le décor au millimètre de Pierre Guffroy, ou des grandes heures de Jacques Saulnier (décédé le 12 novembre dernier et à qui l’exposition est dédiée) grand complice d’Alain Resnais.

Jacques Saulnier. L’incident : [La brasserie - Le cinéma] Film Les Herbes folles d’Alain Resnais, 2008. © Jacques Saulnier

Jacques Saulnier. L’incident : [La brasserie - Le cinéma] Film Les Herbes folles d’Alain Resnais, 2008. © Jacques Saulnier

De 1990 à 2015 enfin avec les délocalisations des tournages vers les pays de l’Est et l’intrusion du numérique. Les magiciens d’aujourd’hui s’appellent Olivier Raoux, Jean Rabasse ou Anne Seibel et ils doivent jongler entre une surface de tournage qu’ils ignorent et, époque oblige, une demande de rendu de leur travail plus rapide sans que la qualité en soit pénalisée. Ils parviennent néanmoins à continuer d’imposer comme valeur sûre le bon vieux crayon et la bonne vieille feuille de papier.

Bien ficelée, très documentée (dessins, maquettes, making of de tournage, interviews très intéressantes des décorateurs Alain Veissier et William Abello qui analysent le « style » de leurs aînés) l’exposition Profession : chef décorateur est à l’image de ceux à qui elle rend hommage : humble et efficace.

(Comme Audrey Hepburn).

SI TU VEUX…

Viens voir les magiciens

Exposition PROFESSION : CHEF DECORATEUR

Galerie des donateurs, musée du cinéma

Jusqu’au 3 mai 2015.

Plein tarif : 5 euros / réduit : 4 euros / moins de 18 ans : 2,50 euros.

Horaires : 12h à 19h les lundis, mercredis, jeudis, vendredis et samedis

10h à 13h les dimanches.

Cinémathèque Française

51, rue de Bercy

75012 Paris.


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