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A peine l’année musicale 2014 digérée, qu’il faut tout de suite se projeter sur 2015. Et pour une fois, pas le temps de gamberger avec un mois de janvier riche en sorties d’albums de tout horizon. Mieux, on tient déjà quelques belles choses.
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L’ALBUM DU MOIS: D’ANGELO – BLACK MESSIAH
Ok, c’est un peu triché puisque le disque est arrivé dans les chaumières à la mi-décembre mais de deux choses l’une: primo, les classements des meilleurs albums 2014 étaient bouclés, deuzio, il s’agit de D’Angelo bordel!
Quatorze ans que le monde attendait un successeur à l’immense Voodoo, quatorze ans de rumeurs, de cures de désintoxication, d’espoir et de doutes. Et c’est à la surprise générale que Black Messiah a débarqué, sans annonce aucune.
Puis la surprise a laissé place à l’enchantement face à un opus quasi parfait. Le gars n’a rien perdu de son génie et distille des titres qui ont de quoi réchauffer toutes les longues soirées d’hiver à venir. Soul, funky, hiphop, parfois rock, conscient, sexy, tout est encore là et on peut crier au classique sans trembler des genoux. Pourvu qu’il ne faille pas attendre aussi longtemps pour le prochain…
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LES IMMANQUABLES
Mise à part si vous êtes de ces extrémistes sans télé ni radio, impossible d’être passé à côté du monstrueux hit Uptown Funk de Mark Ronson et Bruno Mars. S’il s’agit d’un énième tube pour le second, c’est surtout ENFIN l’heure du couronnement pour « Marco ». Producteur de génie depuis une décennie (Amy Winehouse, Lily Allen, Adèle, Ghostface Killah, Q.Tip, etc etc), le britannique voit enfin son blaze placardé de partout et non plus seulement aux yeux des spécialistes. La sortie de l’album Uptown Special devrait sans doute entériner l’affaire une fois pour toute. Truffé de tubes vintage funk-psyché-pop (le second single Daffodils, Feel Right, In Case of Fire), le disque a tout de la réussite commerciale de ce début d’année. C’est tout le mal que l’on lui souhaite en tout cas.
Dans un tout autre style mais tout aussi bien foutu, on retrouve Panda Bear. Le triffouilleur d’Animal Collective sort un nouveau solo de qualité (Panda Bear Meets the Grim Reaper) avec encore plein de samples et des échantillonages de fou, des délires sous champi, des chœurs sublimes pour un voyage musical qui nous fait planer loin de ce monde de brutes.
On peut dire quasi la même chose du dernier Bjork, Vulnicura,rempli de chagrin et d’amour. L’islandaise épaulée par LE-mec-qu’il-faut-se-payer-pour-son-album-en-ce-moment aka Arca (présent sur le dernier Kanye par exemple) sort un album thérapie post-rupture porté par une orchestration de cordes parfaite. Tellement parfaite qu’elles peuvent servir à la pendaison à tout moment pour peu que vous soyez vous aussi en pleine dépression.
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ET DANS LE RAP ALORS ?
Événement dans le microcosme du rap français avec le retour de la légende Lino, dix ans après son premier essai solo. Un disque attendu comme le messie et catalogué classique avant même sa sortie grâce aux scuds lancés en éclaireur de 12e Lettre à Wolfgang en passant par Suicide Commercial. La vérité est un peu plus mesurée. Ce Requiem possède tous les stéréotypes du rap de chez nous: on envoie les meilleurs sons en premier pour la fanbase puis on les retrouve noyés dans un album contenant beaucoup trop de tracks (on veut plus de disque de 80 minutes avec 18 tracks!) et beaucoup trop de mièvreries. Le jour où le rap céfran aura des directeurs artistiques au niveau, on pourra sans doute avancer.
Par contre on peut saluer le projet de Joe Lucazz, No Name, un album (EP ?) sans prétention mais qui a le mérite de sortir un peu des sentiers battus. Comme quoi, pas la peine d’avoir une enveloppe épaisse pour la production afin de publier quelque chose de cohérent.
En parlant de grosse enveloppe, on peut se demander ce qu’en a fait Joey Bada$$ pour son premier vrai album, B4.DA.$$. Aucune différence entre ce dernier et ses précédentes mixtapes, le même pool de beatmakers et pas la moindre trace d’originalité. Alors oui, voir un gamin passionné rendre hommage à l’âge d’or du rap new-yorkais est louable mais que peut-il apporter de plus désormais qu’un Sean Price ou autres vieux bourlingueurs de l’underground ?
Autres gamins, plus dans l’air du temps cette fois-ci, les frangins de Rae Sremmurd ont profité de leur énorme buzz de l’an dernier avec No Flex Zone pour sortir leur premier disque dans la foulée. Sous la houlette de Mike Will Made-It, les petits du Mississippi pondent un SremmLife qui a absolument tout de la B.O parfaite pour soirées alcoolisées. C’est pas intelligent, même un peu débilos mais c’est ce qui fait tout son charme avec des hymnes tels que Unlock the Swag ou No Type. Soulja Boy approuve sûrement, nous aussi.
On retiendra aussi le retour en grâce de l’ami Lupe Fiasco. Perdu ces dernières années entre ses convictions anarchiques et ses envies de vendre des disques, on croyait le chicagoan fini pour le rap game. C’est mal connaître le garçon qui revient avec un solide Testo & Youth. Une sorte d’opus « à la Kendrick » avec des titres fleuves de plus de six minutes, des productions épurées et de vraies textes. On n’est pas sur un Good Kid M a a d City mais on est clairement déjà sur un des albums US qui va compter cette année.
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Rae Sremmurd, les Kriss Kross 2.1
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SINON…
- Si vous n’êtes pas trop rap pour vos soirées de débauches alors on vous conseille le troisième volet des Super Discount de l’ami Etienne de Crécy. C’est électro, c’est suave, ça s’écoute en toute circonstance tellement ça coule tout seul.
- Point Pitchfork. Oui VietCong et Natalie Prass c’est pas mal mais c’est pas non plus à se casser le cul par terre.
- Un peu de rock aussi avec le troisième album en quatre ans pour Hanni El-Khatib. Plus calibré, plus sérieux que jamais.
- Dans le plus grand des calmes, Kanye West et Paul McCartney font des morceaux ensemble.
- Toro Y Moi revient en avril prochain et c’est super cool. Comme le premier extrait, Empty Nesters
- L’ogive de ce début 2015 est l’oeuvre de Big Sean et Drake. A écouter fort: