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Disparition d’Aldo Ciccolini

Publié le 02 février 2015 par Nicolas Bourry @nicolasjarsky
 © MadChickadee

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C’était l’été, la mi-juillet. Le Festival de Radio France et Montpellier venait tout juste de se terminer. Nous étions conviés à un grand dîner privé en plein air. Et c’est sous un immense cèdre que j’ai eu la chance de le rencontrer.

Il venait au Festival depuis de nombreuses années. La première fois que j’avais eu la chance de l’entendre ma mère m’avait dit surprise « Aldo Ciccolini ? Il joue encore ? C’est l’un des tous premiers 33 tours de musique classique que je me suis offert ! ». L’année suivante, nous étions allés écouter le maître ensemble. À cette époque, la quinzaine montpelliéraine voyait se croiser Kissin et Fazil Say, on pouvait entendre des opéras rares de Donizetti. Et on pouvait, presque tous les ans, entendre l’immense Aldo Ciccolini.

Un récital d’Aldo Ciccolini c’était un moment hors du commun. Quand entrait sur scène ce géant de la musique, on voyait s’avancer un vieil homme, qui semblait fatigué. Il saluait son public en souriant. Puis s’asseyait, lentement. Et c’est là que la magie opérait. Il ne souriait plus mais présentait un visage empreint de gravité synonyme de concentration.

Sous ses doigts la musique devenait un souffle, une onde. Quelque chose d’imperceptible mais qui vous traversait et vous faisait rater un battement de cœur.

Dans la salle le silence était toujours très grand. Même quand il finissait son programme, une seconde ou deux de flottement donnait au récital des allures de recueillement. Mais quand enfin on sortait de notre ébahissement c’est un tonnerre d’applaudissements qui accompagnait ce maître absolu. Il sortait de scène, lentement mais revenait toujours pour un et parfois plusieurs rappels.

C’était l’été, la mi-juillet. Le Festival de Radio France et Montpellier venait tout juste de se terminer. Dans ce jardin à peine éclairé, à la tombée de la nuit, je m’avançais pour atteindre le buffet. Sur mon chemin on m’arrêta pour me présenter. Face à moi un homme âgé, aux allures de grand-père parfait et qui souriait. Aldo Ciccolini en personne. Il me tendit la main. Mille pensées se bousculèrent dans ma tête. Comment serre-t-on la main à Aldo Ciccolini ?

J’avançais ma main timidement. À ma grande surprise elle fut accueillie par une main puissante, ferme et sûre d’elle. Mais je venais de serrer la main de l’un des plus grands solistes vivants, comment aurait-il pu en être autrement ?

Aldo Ciccolini c’était l’alliance de la force et de l’élégance, la finesse de l’interprétation et la justesse parfaite du jeu. Une vie au service d’une musique pas trop grande pour lui. La marque d’un génie.

Aldo Ciccolini est sorti de scène, lentement, et cette fois-ci pas de rappel.



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