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[Podcast #23] Cyrille Grillère, un photographe nature de montagne

Par Auxoisnature
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Cyrille Grillère n’est pas un photographe de nature professionnel. C’est un photographe amateur. Ce qui signifie juste qu’il ne gagne pas sa vie avec son activité photo. C’est tout ! J’évoque ce point car, dans nos petites têtes de photographes du dimanche (ou du samedi, ou du mercredi, …) on a souvent tendance à confondre qualité – talent avec statut.

Tiens, prenez le cas de Philippe Moës par exemple. Il est hors de question n’est-ce pas de remettre en cause son talent de photographe ! Lauréat de nombreux prix, il a sorti des livres photo magnifiques ! Il n’est pourtant pas professionnel. Son métier est garde forestier en Belgique. Certes, garde forestier et photographe animalier sont deux activités plutôt compatibles.  

Je reviens sur Cyrille Grillère. Lui non plus n’est donc pas professionnel. Or, vous l’avez compris, cela ne l’empêche pas de produire des images magnifiques. Et, à l’instar de Philippe Moës, son activité pro s’accorde très bien avec celle de photographe nature : il est berger d’alpage. j’y reviens d’ailleurs longuement dans l’interview !

Cyrille Grillère, un berger d’alpage photographe nature

Cyrille est donc berger d’alpage. Quand j’ai préparé l’interview (oui, môssieur, je préparer mes interviews ) c’est un aspect du travail de Cyrille qui a titillé ma curiosité. Dans mon imaginaire, et je pense dans celui de pas mal de gens amoureux de la nature, être berger c’est le métier rêvé !

Être dehors tout le temps, évoluer dans des paysages magnifiques, côtoyer les animaux sans cesse, … vivre la vie d’Heidi quoi !!

Bon, je suis bien conscient qu’entre ce qu’on s’imagine et la réalité, il y a souvent un gouffre ! J’ai donc questionné Cyrille sur ce point : est-ce qu’être berger c’est le métier de rêve ?

J’ai aussi voulu savoir s’il était photographe en même temps. Je veux dire, garde-t-il ses moutons avec le reflex autour du cou ?!

Enfin, j’ai souhaité parler avec Cyrille de sa technique pour obtenir son magnifique effet duveteux de l’eau. C’est le fameux effet de filé, et ça il le maîtrise à merveille.

J’ai évidement abordé avec lui de nombreux autres sujets :

  • comment une formation naturaliste peu aider la pratique de la photo nature
  • comment repérer les scènes de paysages intéressantes
  • en quoi le retour du loup dans les Alpes peut-être une menace (ou non) pour les troupeaux d’estive
  • la technique de la pose lente pour obtenir des effets ouatés, duveteux
  • l’intérêt de la technique du relevage du miroir
  • quel matériel photo Cyrille utilise-t-il
  • l’intérêt de participer à des expositions de photo

Cyrille Grillère possède un site internet superbe et très complet dans lequel il présente l’ensemble de son travail : visiter le site cyrillegrillere.com
Il est également présent sur le site de partage photo Whytake : cliquez ici. Vous pouvez aussi le suivre sur sa page Facebook qu’il tient à jour très régulièrement.

Il a aussi été publié dans Nat’Images, lauréat ou avec des places d’honneur dans des prix prestigieux.

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Retrouvez ci-dessous la transcription texte de l’interview :

Régis Moscardini : Bonjour Cyrille Grillère.

Cyrille Grillère : Bonjour Régis.

Régis Moscardini : Bienvenue à toi dans la série d’interviews d’Auxois Nature. Je te remercie vraiment d’avoir accepté de te prêter au jeu de l’interview.

Cyrille Grillère : C’est moi qui te remercie, c’est avec grand plaisir que j’accepte.

Régis Moscardini : Alors, pour que les auditeurs puissent mieux te connaitre, Cyrille, est-ce que tu peux te présenter en quelques mots, s’il te plait ?

Cyrille Grillère : Oui. Alors je m’appelle Cyrille Grillère, je suis natif de l’Isère, je suis né au pied du massif du Vercors et j’habite actuellement dans l’Ain. J’ai passé, on va dire, toute mon enfance entre la pleine campagne et la montagne, justement le Vercors. Et du coup, ça fait naitre une passion pour la nature et pour la montagne. Et puis cette passion-là est devenue de plus en plus grande, et on va dire qu’elle a orienté tout mon parcours d’étudiant et puis mon parcours professionnel.

Régis Moscardini : J’allais y venir, par rapport à ta formation initiale, j’ai parcouru ta biographie sur ton site cyrillegrillere.com, j’invite d’ailleurs ceux qui nous écoutent à aller voir ton site, il est superbe, il est très bien fait, il est en anglais mais ça ne pose aucun problème, mais surtout les photos sont vraiment très belles.

Alors donc j’ai vu que tu étais bien équipé au niveau des connaissances naturalistes, tu as un DEUG de biologie-géologie, tu as un BTS de gestion et protection de la nature et puis, chose plus rare j’imagine, tu as une formation de berger d’alpage. Alors je vais y revenir sur ta formation de berger d’alpage, ça m’intéresse mais d’abord en quoi un tel bagage de connaissances naturalistes telles que tu as peut t’aider dans la photo animalière et la photo de nature ?

Cyrille Grillère : Alors ça m’aide, pratiquement ça m’aide au quotidien, notamment pour mon DEUG de biologie-géologie en fait, on voit pas mal le fonctionnement des écosystèmes, la biologie, la géologie et l’étude des cartes aussi IGN, l’étude de terrain aussi, de paysage, c’est vrai que c’est intéressant pour moi qui fais de la photographie de paysages en fait de savoir décrypter sur une carte IGN en fait les orientations, les pentes, faire des recherches géologiques pour savoir en fait quel type de terrain on va avoir, quel type de végétaux et d’arbres on est susceptible d’avoir sur tel terrain ou tel terrain

Régis Moscardini : Je te coupe, Cyrille, c’est super intéressant ce que tu dis. C’est-à-dire que tu peux avant même d’être sur le terrain, à partir des cartes IGN, les fameuses cartes à 1/25000, tu peux sur les cartes déjà anticiper ce que tu vas pouvoir trouver comme végétation par exemple sur le terrain ?

Cyrille Grillère : Voilà. En fait je recoupe entre mes cartes IGN, l’orientation, le lieu où je me trouve et quelques recherches sur Internet sur des cartes géologiques que je positionne en même temps sur le même secteur, je peux savoir déjà à l’avance sans avoir vu de visu en fait, je peux déjà avoir quelques renseignements qui me permettent déjà de savoir ce que je peux aller y faire, ce qui est intéressant au niveau faunistique, au niveau floristique, souvent aussi au niveau des orchidées c’est très intéressant, et au niveau paysage aussi en fait, à savoir le contenu que je peux  mettre  dans la composition de mes images.

Régis Moscardini : Alors c’est un gain de temps parce que ça t’évite d’avoir à aller sur le terrain en permanence, j’imagine que tu y es beaucoup, mais ça t’évite vraiment d’y être encore plus pour programmer tes sorties. Donc c’est un gain de temps, par contre tu dois tout de même aller, j’imagine, sur le terrain tout de même pour confirmer ce que tu as pu voir à l’avance ?

Cyrille Grillère : Voilà, exactement. Et puis le terrain il est indispensable. Je fais rarement en fait, surtout en paysage, des photos paysage dès la première sortie, généralement la première sortie j’y vais de plein jour, j’y passe la journée, souvent je prends même des jours où il fait mauvais temps parce que j’ai peut-être moins de choses à faire, donc je profite de ces temps où le temps est moins bon pour aller faire du repérage en fait sur différents coins que j’ai repérés.

Régis Moscardini : Ça, c’est intéressant, Cyrille, parce que souvent, on se dit, il ne fait pas beau, je pourrais aller dehors, j’ai du temps, il ne fait pas beau,  je vais faire autre chose.  C’est justement sur des temps pas très intéressants qu’il faudrait sortir, pas pour faire de la photo, mais pour faire du repérage, et c’est ce que tu fais toi.

Cyrille Grillère : Voilà, exactement.  Et bien souvent, si je pars faire du repérage pour le paysage, je pars très léger, je pars juste uniquement avec le boitier et  avec un objectif grand angle. Ça m’aide à me focaliser uniquement sur la composition de l’image. Je vais voir les proportions entre les premiers plans, les sujets, les sujets qu’il peut y avoir sur un endroit, et ce qu’il pourrait y avoir derrière en arrière-plan en fait pour amener quelque chose dans l’image. Et vu que les conditions ne sont pas forcément très bonnes, ça me permet vraiment de me focaliser uniquement sur la composition en fait. Voilà. Sur ce genre de détails-là.

Régis Moscardini : Ton esprit n’est pas pollué, enfin pollué ce n’est peut-être pas le bon terme, mais pas préoccupé par la belle lumière, c’est vraiment sur la composition. Alors justement, quand tu es en sortie de repérage, comment tu notes, tu te fais des croquis ou tu prends en photo et puis après à l’ordinateur, tu revois ce qui pourrait être mieux à la composition, comment tu te souviens des choses que tu as pu repérer ?

Cyrille Grillère : Alors c’est assez marrant, je fonctionne peut-être assez bizarrement, mais peut-être comme tout le monde, je ne sais pas, j’aime aller sur le terrain, regarder en fait dans le viseur pour vraiment avoir un aperçu des proportions photographiquement parlant dans le viseur, j’ai besoin de prendre les photos et simplement de les visualiser une fois ou deux fois derrière sur l’écran, ça me suffit en fait à avoir enregistré la possibilité de faire telle image ou telle image.

Mais je ne fais pas de croquis et au final je me rends compte que les images, je ne les efface pas tout de suite mais quand je les visualise sur l’écran, au final elle ne me serve déjà plus, l’image je l’ai déjà en tête, je sais déjà ce que je vais pouvoir faire en fait.

Régis Moscardini : D’accord. C’est un fonctionnement qui t’est particulier mais qu’on comprend tout à fait et qui peut être applicable par ceux qui se demandent un peu comment font des photographes comme toi pour faire des photos de paysages vraiment superbes.

Cyrille Grillère : Voilà. Je parle juste en mon nom mais c’est vrai que moi, le fait d’avoir l’œil dans le viseur et de me rendre compte visuellement avec les qualités et les défauts optiques de mon objectif, de voir le rendu que ça pourrait donner, ça me permet de l’enregistrer à l’œil et de l’avoir déjà en tête pour une prochaine fois en fait.

Régis Moscardini : Oui, parce que tu pourrais faire des croquis à l’avance mais finalement les croquis ne pourraient pas correspondre aux contraintes imposées par ton objectif photo par exemple. Alors on a déjà abordé la photo, on est entre deux passionnés alors forcément on parle vite de photo. Mais on va s’en éloigner un petit peu pendant quelques temps, si tu veux bien, et j’aimerais que tu nous parle de ce métier de berger d’alpage. Alors je ne sais pas si tu pratiques encore ce métier-là ou si tu l’as pratiqué même d’ailleurs. On a tous des images à la Belle et Sébastien, même à la Heidi par exemple, est-ce que c’est ça exactement le métier de berger d’alpage ?

Cyrille Grillère : C’est beau comme on peut le voir en images ou en vidéos dans les films, par contre la dureté du métier en fait n’est jamais réellement retranscrite comme on la vit au quotidien en montagne.

Régis Moscardini : C’est quoi la dureté, qu’est-ce qui fait que c’est dur ?

Cyrille Grillère : On est là par tout temps en fait, c’est surtout ça, c’est généralement de fin mai jusqu’à fin septembre début octobre, on est là pour les bêtes. Comme je dis, un bon berger pour moi, c’est les bêtes qui sont en vacances pendant 4 ou 5 mois d’alpage. Voilà. C’est des bêtes en fait qui ne doivent pas se préoccuper si elles ont à manger ou pas, si elles ont à boire ou pas, si elles ont du sel ou pas parce que moi je garde précisément des vaches, mais pas des vaches à traire, ce sont des jeunes, ce sont les veaux, les génissons, les génisses et puis parfois une vache premier veau, on appelle ça les vaches premier veau, ce sont celles qui ont eu juste un veau.

Régis Moscardini : Donc tu es sur le terrain, c’est quoi, c’est garder les vaches, c’est les emmener dans des endroits où il y a de l’herbe, c’est ça ?

Cyrille Grillère : Voilà. On fonctionne de parc en parc et bien souvent sur un alpage on a plusieurs petits chalets et tout au long de l’alpage, on monte progressivement en altitude pour aller chercher l’herbe fraiche.

Régis Moscardini : Sur plusieurs mois ?

Cyrille Grillère : Voilà. Sur plusieurs mois et puis généralement fin août quand l’automne réellement arrive sur les montagnes à partir de plus de 2.000 mètres d’altitude, on commence progressivement à redescendre de parc en parc. Voilà. Juste à redescendre jusqu’à début octobre en fait.

Régis Moscardini : Moi j’habite en Bourgogne, c’est une région, en tout cas où je suis moi, l’Auxois, c’est une région faite de bocages, j’ai aussi grandi dans le Charolais qui était aussi une région de bocages, de vaches charolaises qui sont parquées, en tout cas qui sont dans des prés fermés. J’ai du mal à m’imaginer autre chose que ça. Les vaches que toi tu gardes, il n’y a pas cette notion de haies, d’enclos, c’est vraiment, il n’y a pas vraiment la notion de propriété en fait, tu vas là où il y a de l’herbe ?

Cyrille Grillère : Alors à la base en fait, un alpage soit il est loué soit il appartient à un ensemble de propriétaires, ces propriétaires c’est souvent en fait des éleveurs. Moi j’ai gardé par exemple en Suisse un alpage qui regroupe plusieurs pâtures et des montagnes même, souvent bien des montagnes appartiennent, sont louées par l’ensemble des propriétaires des bêtes. Et du coup on a ce parcours qui est prédéfini à l’avance et on progresse, on a 400-500 piquets avec de multiples bobines de fil électrique avec des batteries, et en fait on progresse de parc en parc. Donc on a toujours un ou 2 parcs d’avance. Le but c’est avant tout d’avoir de jolies bêtes qui se portent bien, qui sont bien et aussi d’éviter le surpâturage.

Régis Moscardini : Tu dois avoir une connaissance super pointue de la montagne, en tout cas des endroits que tu pratiques. Ça doit être super pratique pour la photo ça après ?

Cyrille Grillère : Exactement, voilà. Ce qui est marrant, c’est que du coup pendant 4-5 mois d’alpage on n’a quasiment pas le temps de prendre des photos.

Régis Moscardini : Finalement je t’imaginais en train de garder tes bêtes avec ton appareil reflex autour du cou et puis de pouvoir prendre une photo parce qu’il y avait une belle opportunité. Mais ce n’est pas ça ?

Cyrille Grillère : Alors c’est rarement ça. Parce que disons, une journée type dans le Valais suisse, c’est déjà d’aller voir les bêtes à partir de 6h30 du matin, au lever des bêtes, et de faire le tour pour voir s’il n’y en a aucune qui boite, si tout va bien dans le troupeau, compter les bêtes aussi, c’est leur donner du sel parce que les sel est appétant en fait, c’est ce qui leur donne aussi envie de manger, c’est bon aussi pour leur organisme, donc ça c’est un rituel aussi, c’est aussi une relation particulière qu’on a entre le berger et les vaches, on les fait devenir un peu gourmandes, et puis il y a une relation, voilà, particulière entre le berger et ses bêtes pour que tout se passe bien pendant tout l’alpage.

Parce qu’après moi je fonctionne sans chien, je fais ce qu’on appelle, je fais le troupeau pendant 15 jours, c’est-à-dire pendant 15 jours, les 15 premiers jours je passe du matin jusqu’ au soir et à la nuit mon temps dans le troupeau à approcher les bêtes les plus sauvages, à prendre soin de tout le troupeau et à leur parler beaucoup pour qu’elles apprennent l’intonation de ma voix.

Régis Moscardini : Elles te reconnaissent essentiellement par rapport à ta voix et moins par rapport à ton physique finalement ?

Cyrille Grillère : Exactement. Et ce qui permet du coup de faire les déplacements de parc en parc tout le long de l’alpage uniquement à la voix en les appelant, et le troupeau suit en fait.

Régis Moscardini : C’est super. Donc tu n’as pas de chien, tu n’as pas de chien de berger qui permet de rameuter, de mordre au jarret pour rameuter les vaches, parce qu’elles répondent à ta voix.

Cyrille Grillère : Voilà. Après c’est une approche qui est personnelle, c’est une approche personnelle que j’ai où de toute façon des bêtes qui ne sont pas stressées, c’est des bêtes qui profitent bien en fait, c’est-à-dire qui mangent bien, qui sont tranquilles et puis qui passent, comme je dis, des vacances à la montagne. Voilà.

Régis Moscardini : Ce sont tes bêtes à toi ou pas ?

Cyrille Grillère : Non, non, je n’ai aucune bête, j’arrive en alpage et donc les propriétaires en fait nous donnent leurs bêtes à garder, voilà, pendant 4-5 mois.

Régis Moscardini : Tu es la nounou en fait, tu es la nounou des vaches ?

Cyrille Grillère : Voilà, c’est exactement ça. C’est tout à fait ça.

Régis Moscardini : Alors on va quand même aborder un sujet un peu plus polémique mais qui m’intéresse et qui intéresse aussi, je pense, tous les passionnés de photo nature, c’est celui du loup et plus particulièrement de la cohabitation du loup avec les éleveurs. J’imagine que tu as un avis là-dessus parce que tu es confronté à ça. Et bien justement quel est ton avis, s’il te plait, sur ce sujet ?

Cyrille Grillère : Alors moi, pour commencer, je dirais que le fait que je garde des vaches déjà, et notamment des vaches …  qui sont des vaches à corne, c’est des vaches à lutte qui savent se défendre aussi malgré tout, je suis moins confronté en fait à la présence du loup et aux attaques de loup. Moi par exemple j’ai fait 6 ans d’alpage, je n’ai jamais eu d’attaque sur une bête de troupeau.

Régis Moscardini : Parce que le loup n’attaquera pas les vaches que tu gardes parce que ce sont des vaches qui peuvent se défendre ?

Cyrille Grillère : Oui, voilà. Mais après, sur l’avis général, il est vrai, moi personnellement, disons que je trouve qu’en France, pas d’une manière générale, mais dans certains cas moi je trouve personnellement que les troupeaux sont trop grands, les troupeaux sont trop grands, je ne parle pas en connaissance de cause parce que je ne garde pas de moutons, mais j’ai des amis qui sont bergers moutons, et garder 1.500 bêtes, 2.000 bêtes, dans des alpages qui sont un peu difficiles au niveau du terrain et de la surveillance ou des conditions climatiques, c’est très compliqué même avec un aide berger.

Moi, j’ai vécu la chose sur le plateau d’Ambel dans le Vercors, c’est un très grand plateau avec beaucoup de brouillard, sur 1.500 bêtes il y en a 150 qui sont parties dans un coin dans le brouillard. Très personnellement entre 1.250 bêtes et 1.400 on ne voit plus la différence. Les troupeaux sont trop gros. Moi je me pose la question, je n’ai pas de jugement là-dessus mais je me pose la question, c’est vrai qu’on parle souvent de l’Espagne et de l’Italie, il est vrai qu’en Espagne et en Italie, ils vivent avec le loup, ils font avec le loup mais ils ont aussi des troupeaux qui sont plus petits aussi, et donc je pense plus faciles à garder en fait.

Régis Moscardini : D’accord.

Cyrille Grillère : Et c’est vrai qu’en France, on a certains endroits où c’est beaucoup trop. Même il y aurait 4 bergers pour garder, je ne sais pas, 2.000 bêtes, ce n’est pas possible, enfin moi ça me semble très compliqué. Voilà.

Régis Moscardini : Ça parait logique.

Cyrille Grillère : Par contre je comprends les éleveurs qu’ils soient furieux des attaques du loup, ça je comprends bien, parce que s’ils font ce métier, c’est qu’ils aiment aussi leur bête. Mais peut-être qu’il y a des choses à revoir sur le fonctionnement même de certains alpages.

Régis Moscardini : C’est intéressant. Tu l’as déjà vu le loup, toi, ou pas ?

Cyrille Grillère : Alors je n’ai jamais eu l’occasion de voir le loup, non jamais eu l’occasion. Je sais qu’il est passé pas bien loin. Pour la petite anecdote, si on a le temps, j’allais faire des photos macro au printemps en fait justement dans le Vercors au sommet de Font d’Urle, donc j’étais tout seul à ce sommet, j’étais accroupi pour faire des photos de premières fleurs et en fait au bout de 10 minutes, il y a un groupe qui est venu côté sud sur le sommet et un groupe qui arrivait en même temps côté nord, ils ont commencé à discuter et la première chose qu’ils ont dit, c’est mais vous avez vu la même chose que nous, les autres ont répondu positivement, oui, je crois qu’on a vu la même chose.

Donc en fait le groupe qui était au nord et qui montait, le groupe qui était au sud et qui montait, en fait ils ont vu le loup passer au sommet de la montagne de Font d’Urle, en fait pendant que moi j’étais accroupi en train de prendre des photos de fleurs, donc le loup il est passé à 5 mètres ou à 10 mètres derrière moi, tranquillement d’un côté à l’autre du versant.

Régis Moscardini : Mais tu ne l’as pas vu ?

Cyrille Grillère : Mais je ne l’ai pas vu, voilà !

Régis Moscardini : Tu aurais eu un odorat à la louve justement, à la mammifère, tu l’aurais certainement senti ?

Cyrille Grillère : Je l’aurais senti, exactement. Par contre lui, il a dû me voir mais voilà.

Régis Moscardini : On va quand même revenir à notre sujet principal. Donc tu n’es pas seulement photographe animalier, tu es en fait un photographe nature, tu touches un petit peu à tout, paysage, macro, oiseau. On va quand même s’arrêter pas mal de temps sur la photo de paysages parce que c’est ta pratique principale, j’ai l’impression. Alors j’ai vu toutes tes belles photos sur ton site mais beaucoup de tes images ont des filés, filés d’eau,filés de nuages. Alors on va aborder la technique, ça nous intéresse beaucoup. Comment tu parviens à obtenir ce rendu d’eau, de nuages duveteux tout doux, un peu comme du coton, comment tu fais ?

Cyrille Grillère : Pour ces ambiances un peu ouatées, un peu feutrées, c’est la technique de la pose lente, voilà. C’est-à-dire dans le principe, c’est prendre une image mais sur un temps assez long pour pouvoir enregistrer le mouvement en fait des éléments qui sont présents dans l’image. C’est-à-dire faire une pose lente, on va tout de suite s’intéresser par exemple justement à des nuages qui bougent et qui se déplacent plus ou moins vite, ou par exemple des filés d’eau comme les cascades, les cours d’eau, toutes ces choses qui sont en mouvement et qui, grâce à la pose lente, ça permet en fait de mettre une dynamique dans l’image.

Régis Moscardini : D’accord. Par contre, tout ce qui est autour, les montagnes, les roches, tout ce qui ne bouge pas, ça reste tel quel, ça ne bouge pas, c’est net. Par contre c’est contrasté avec l’apparence de mouvement de l’eau ou des nuages.

Cyrille Grillère : Voilà. Alors moi, c’est ce que je trouve intéressant dans la démarche sur la pose lente et déjà au départ c’est d’arriver en une image à enregistrer en fait finalement une durée. Je trouve ça déjà formidable.

Régis Moscardini : C’est vrai.

Cyrille Grillère : En une image, pouvoir enregistrer 5 minutes par exemple d’un paysage qui évolue le matin au lever du soleil, je trouve cela déjà formidable. Et après c’est le jeu, c’est à force de faire de la pose lente, c’est le jeu, c’est finalement de trouver des choses qui sont fixes et des choses en mouvement pour associer les deux en fait dans l’image.

Régis Moscardini : Alors combien de temps durent tes poses ? J’imagine qu’il n’y a pas une durée pour toutes tes photos, tu dois t’adapter à la situation. Alors première question : en général quelle est la durée ? Et deuxième question : comment tu sais quelle durée il te faut pour l’image que tu veux faire ?

Cyrille Grillère : Alors pour la durée c’est vrai que ce n’est pas forcément une règle générale, ce n’est pas toujours le même temps de pose, le temps de pose finalement il est associé à la vitesse du mouvement, soit la vitesse du mouvement de l’eau, soit la vitesse du mouvement des nuages, et du rendu qu’on souhaite en avoir.

Régis Moscardini : Tiens, pour une photo d’une rivière, d’une rivière qui coule, un torrent de montagne qui coule assez vite quand même, quel est le temps de pose qu’il faut à peu près pour pouvoir réussir son effet de filé ?

Cyrille Grillère : Si on prend l’exemple du torrent avec un cours d’eau qui a un débit assez important et du coup un mouvement de l’eau qui est assez rapide, le temps de pose finalement va être très court pour essayer de capter quand même la vitesse qu’on voit visuellement à l’œil pour essayer de la figer dans l’image. Si le temps de pose est trop long, au final on va perdre quelque part ce mouvement en fait dans l’eau, et finalement c’est un élément dans l’image qui n’aura plus d’intérêt parce que soit il sera en haute lumière, donc du coup en fait il n’y aura plus de détails, les parties seront toutes blanches donc ça n’aura plus vraiment d’intérêt et il n’y aura plus non plus de mouvement, c’est-à-dire qu’on va perdre l’âme de l’image au final.

Régis Moscardini : En gros, si on prend l’exemple de l’eau par exemple, si l’eau avance vite c’est un temps de pose, ça reste une pose longue mais c’est un temps de pose assez court, ça peut être quoi, ça peut être 1/10 de seconde par exemple ?

Cyrille Grillère : Ça peut être une demi seconde, voire parfois même moins. J’ai pris des photos en fait avec des cours d’eau qui avancent très vite à ¼ de seconde ou 1/8 de seconde.

Régis Moscardini : Mais à l’inverse si on a un lac où il y a quand même un mouvement parce que l’eau se déverse dedans ou l’eau du lac continue son chemin sur un torrent, il y a un mouvement qui est beaucoup plus lent, à l’inverse il va falloir avoir un temps de pose cette fois-ci bien plus long pour quand même marquer ce mouvement. Tu parlais de 5 minutes, ça t’arrive de prendre des photos de pose de 5 minutes ?

Cyrille Grillère : Oui, voilà, bien souvent, pour mes photos, je fais souvent mes photos le matin, des photos de lacs, d’étangs avec des nuages en mouvement, ça oscille souvent entre, on va dire, entre 10-15 secondes et parfois 5-6 minutes.

Régis Moscardini : Alors là, par contre il faut quand même du matériel particulier, il faut le reflex évidemment, il faut le grand angle, ça peut être aussi avec un téléobjectif, pourquoi pas, un 200 mm par exemple, mais il faut quand même deux autres accessoires indispensables, il faut le trépied et puis un filtre aussi pour l’objectif, non ?

Cyrille Grillère : Alors, c’est vrai qu’il faut utiliser le trépied déjà pour éviter les flous de bouger, et puis de toute façon on ne peut pas rester fixe avec un appareil dans les mains pendant 4-5 minutes, il y aurait trop de bouger, donc on est obligé de poser le boitier sur le trépied qui, lui, ne bouge pas. Et je fonctionne aussi avec la télécommande, ça évite en fait d’avoir à poser la main et le doigt sur le boitier et d’appuyer sur le déclencheur. Parce que rien que ça déjà, ça engendre des vibrations et on le sent au niveau netteté en fait à la fin sur l’image réelle.

Régis Moscardini : Est-ce que tu pratiques le relevé du miroir aussi pour éviter encore une fois ?

Cyrille Grillère : En permanence. Oui. C’est ce qui fait, à mon avis, pour moi en fait, c’est ce qui fait la différence entre une image de paysage qui va être nette mais juste nette et une image de paysage qui va vraiment être très piquée et qui va retranscrire tous les micro-contrastes et tous les micro-détails qui font que, du coup, d’un seul coup une image qui est développée après sur papier, quand on la voit, il y a autre chose qui se passe. C’est-à-dire en fait on rentre vraiment complètement dans l’image, dans l’ambiance en fait.

Régis Moscardini : Alors pour ceux qui ne savent pas exactement ce que c’est, c’est que dans les reflex il y a le miroir, c’est ce miroir qui permet de voir dans le viseur le paysage en l’occurrence, et puis quand on appuie sur le déclencheur, ce miroir se relève, et du coup, ceux qui nous écoutent peuvent faire le test, quand on appuie sur le déclencheur, le miroir se relevant, il y a un tout petit temps noir où l’on ne voit plus rien en fait, c’est parce que le miroir se relève, et la lumière est laissée passerpar le miroir qui est relevé et la lumière va aller imprimer le capteur. Mais le fait de relever ce miroir, forcément ça fait des vibrations, des micro-vibrations, mais ces micro-vibrations-là, tu les évites parce que tu relèves ton miroir à l’avance avant de prendre la photo. Donc là c’est vraiment le truc qui peut faire la différence.

Cyrille Grillère : Oui, oui. C’est ce genre de détails-là qui, si on prend l’habitude, voilà, deviennent indispensables quand on fait de l’image, de la photo de paysages.

Régis Moscardini : J’allais dire particulièrement la photo de paysages avec des poses lentes. Même sans pose lente, une pose normale d’une photographie de paysages, le relevage de miroir peut aussi avoir son intérêt ?

Cyrille Grillère : Alors c’est ce que j’allais justement te dire, c’est que j’ai tellement pris l’habitude de fonctionner avec le trépied, la télécommande et le relevage du miroir, que je fonctionne quasiment, on va dire que je fonctionne à plus de 90% de mes images de paysages, qu’elles soient faites en plein jour, le matin, le soir, au grand angle ou au téléobjectif, elles sont faites dans ces conditions-là.

Régis Moscardini : Et bien tu vois, tu m’as convaincu parce que je prends aussi des photos de paysages avec le trépied, parce qu’avec le trépied j’aime bien, ça me sert beaucoup pour la composition, pour prendre le temps de composer, pour peaufiner mon cadrage, ça me sert beaucoup, mais c’est vrai que le relevage de miroir, même si je savais que ça existait comme technique, je ne le pratiquais pas, et bien tu m’as convaincu, et je vais le faire parce que je pense qu’on doit y gagner beaucoup en piqué.

Cyrille Grillère : Et je donnerai même un deuxième exemple, c’est par exemple aussi important, c’est faire de la photo de paysages, de paysages dans le paysage avec un zoom comme le 70-200, quand on utilise à main levée ou quand on utilise avec un trépied avec la télécommande et le relevage du miroir, quand on fait des photos à 150 mm ou à 200 mm à fond du zoom du 70-200 par exemple, si on prend une forêt en détail avec toutes ses branches, avec toutes les branches, toutes les feuilles, c’est là qu’on voit significativement quand on utilise la télécommande et le blocage du miroir ou quand on ne les utilise pas.

C’est qu’on a une image quand on le visualise sur l’écran ou quand il est développé sur papier où des branches principales qu’on a de nettes dans une image qui est simplement nette à une image qui est extrêmement nette et extrêmement piquée où on va aller dans les branches mais dans les brindilles quasiment, en fait on retrouve la netteté. Du coup ça donne cette impression un peu de volume, de 3 dimensions dans l’image.

Régis Moscardini : Je comprends. Alors ce que tu dis là, c’est évidemment vrai. Et je pense que c’est le genre de conseils qu’on ne lit pas forcément dans les livres photo, je l’ai lu une fois sur un livre de Gilles Martin, il parlait justement de micro-contrastes, mais ça je ne l’ai pas revu dans d’autres livres, donc c’est vraiment super intéressant. J’ajouterai une autre chose, que quand on prend une photo, souvent on a l’impression que la photographie est nette sur l’écran de contrôle de son reflex, mais je vous invite vraiment à zoomer dans la photo, à faire un crop de 100% parce que parfois le fait de zoomer dans la photo permet de se rendre compte qu’elle n’est pas si nette que ça. Donc il faut vraiment faire un test de contrôle de netteté en zoomant dans la photo pour être sûr qu’elle soit bien nette.

Cyrille Grillère : Voilà. Et puis surtout comme tu disais, il y a l’état d’esprit, c’est une philosophie d’utiliser le trépied, ça impose au départ, ensuite c’est un plaisir de prendre le temps, de poser les choses, de poser le matériel, de poser le trépied, de s’imprégner finalement de l’ambiance, de ce que l’on a tout autour de nous, c’est vraiment prendre le temps de l’image, contrôler la netteté de l’image, finalement ce n’est plus prendre 100 ou 150 photos pour être certain d’en avoir une de bonne mais c’est plutôt de se mettre dans les conditions, dans de bonnes conditions, et puis finalement n’en prendre peut-être juste 5 ou 10 mais d’avoir celle qui est bonne finalement dedans.

Régis Moscardini : Je te rejoins à 100%. Est-ce que tu utilises quand même parmi tes accessoires, est-ce que tu utilises un filtre pour pouvoir faire ces poses aussi longues ou ce n’est pas nécessaire ?

Cyrille Grillère : Alors pour ce qui est des photos du matin, en lever de soleil ou avant le lever du soleil, le peu de lumière fait que du coup on arrive très rapidement à avoir une pose lente naturellement sans avoir un filtre à rajouter dessus. Par contre les filtres que j’utilise le plus, ce sont les filtres dégradés. Les filtres dégradés en fait, ils ont une partie un peu plus foncée au-dessus, une partie un peu plus claire dessous, et c’est fait, on va dire, pour homogénéiser la lumière sur toute l’image, parce que souvent le matin au lever du soleil on a des premiers plans qui sont assez sombres et on a un ciel avec justement un soleil qui va bientôt se lever, donc un ciel qui est très lumineux, et cette différence d’intensité de lumière entre finalement le ciel et le premier plan est compensée en fait par les filtres dégradés.

Régis Moscardini : Question matériel tu as quoi comme reflex et comme objectifs ?

Cyrille Grillère : Alors jusqu’à l’année dernière en fait je travaillais en Canon, je suis passé par le 5D, le 5D mark ii, le 5D mark iii, avec différentes optiques. Par exemple pour le paysage, j’utilise maintenant une focale fixe en Zeiss, c’est le Zeiss 21 mm qui ouvre à 2.8, j’utilise aussi le zoom 24-70 et le 70-200, voilà, c’est souvent les 3 objectifs que j’utilise pour la photographie de paysages. Donc j’ai changé de marque en début d’année dernière, en février 2014 j’ai changé de marque, donc maintenant je fonctionne et je travaille en Nikon.

Régis Moscardini : Moi, j’ai un Pentax, moi je n’ai aucun parti pris. Mais ça pourrait intéresser ceux qui sont toujours dans le débat jaune ou rouge, Canon ou Nikon, pour quelles raisons tu as choisi de changer de marque comme ça ?

Cyrille Grillère : Alors en fait je suis passé chez Nikon avec le Nikon le D800 en fait. Voilà.

Régis Moscardini : Plein format alors ?

Cyrille Grillère : Voilà, plein format. Je suis resté dans le plein format. Et surtout en fait pour la dynamique, la dynamique du boitier. Mais justement c’est intéressant par rapport à l’exemple des filtres dégradés, moi je le dis personnellement, je le vulgarise comme ça, la dynamique d’un boitier finalement c’est la souplesse d’un boitier, c’est la capacité d’un boitier à faire le grand écart entre les lumières les plus sombres et les lumières les plus claires en fait.

Régis Moscardini : Et tu estimais que Nikon était plus à même de répondre à cette contrainte que tu voulais ?

Cyrille Grillère : Voilà, exactement, je ne rentrerai pas dans les chiffres, mais le D800 comme les D800E, les D810 ont une dynamique qui est très large en fait et c’est ce que je recherchais finalement parce que la différence au final ayant travaillé pendant 8-9 ans en Canon, on va dire que sur 100 situations, sur 100 possibilités de photos de paysages dans différentes conditions, dans 100 conditions différentes, on va dire que dans 80% des cas on a les mêmes possibilités photographiques chez Canon comme chez Nikon.

Mais c’est dans les 20 dernières situations  où les lumières sont plus compliquées, par exemple en sous-bois, en forêt, quand on a un cours d’eau qui est très clair, quand on est au milieu d’un vallon encaissé qui est très sombre, ce genre de lumière qui est très compliqué à gérer, où une dynamique sur un boitier permet de réaliser ces images qu’on ne peut pas forcément faire avec un boitier qui a moins de dynamique.

Régis Moscardini : Juste une chose, on n’en a pas parlé dans la technique photo sur les paysages, par rapport à l’ouverture et à la fermeture, tu disais que tu avais un objectif Zeiss qui ouvrait à 2.8, est-ce que c’est une ouverture que tu utilises pour les paysages ou non ? Quelle ouverture tu choisis pour tes paysages ?

Cyrille Grillère : Alors en fait tout va dépendre de la distance à laquelle je me trouve finalement du premier plan et jusqu’où je veux avoir ma zone de netteté. Bien souvent je travaille entre F13 et F16 généralement à peu près, dans ces eaux-là je fonctionne à peu près, j’arrive à peu près à avoir tous mes plans de vraiment nets.

Régis Moscardini : Donc tu fonctionnes avec une petite ouverture, assez fermée, F13 ou F16 qui te permet d’avoir une grande zone de netteté, d’intégrer l’avant-plan , le mi-plan et l’arrière-plan dans la même zone de netteté, et aussi, tu vas confirmer ce que je dis, est-ce que c’est vrai que quand on a de petites ouvertures, la netteté, le piqué est plus important, est-ce que c’est vrai ça ?

Cyrille Grillère : Oui, exactement, oui tout à fait. Ça permet en fait d’agrandir cette zone de netteté dans l’image, après je ne suis pas vraiment techniquement, je suis plus un photographe de terrain, on va dire

Régis Moscardini : Oui, tu n’épluches pas tous les tests d’objectifs sur tous les sites. Moi non plus !

Cyrille Grillère : Exactement. Mais après généralement les objectifs sont, on va dire, très bons à partir de F8 jusqu’à F13 ou F14, voilà. Ça c’est fait pour tirer la quintessence d’un objectif mais parfois il vaut mieux sortir de ça finalement et puis réussir une image qui peut-être sera légèrement moins exceptionnelle que si on avait pris l’image par exemple de F9 à F13.

Pour moi le plus important c’est surtout ça, même ça m’est arrivé de prendre des photos à F22 parce que je ne pouvais pas reculer, j’avais un cours d’eau qui était à très grand débit, j’avais une cascade qui était juste en face de moi, je travaillais au 24-70, et j’ai travaillé à F22 parce que j’étais trop proche du premier plan et si je le voulais vraiment net, il fallait en fait que je referme et que je sois à F22, voilà.

Régis Moscardini : Ce qu’il faut savoir quand on lit tous les tests, un objectif quel qu’il soit donne le meilleur de lui-même à des ouvertures moyennes comme F8, F11 par exemple, et dès qu’on va dans les extrêmes, les grandes ouvertures, F8 ou F4, ou alors à l’inverse, F22 par exemple, et bien ces ouvertures extrêmes souvent on a un piqué qui est un peu plus mou. Mais ça, on ne le voit pas souvent à l’œil nu, il faut vraiment faire des tests, comparer, faire des crop à 100% pour se rendre compte qu’il y a une différence. Mais si on va dans les extrêmes, ce n’est pas dramatique.

Cyrille Grillère : Exactement. C’est vrai, comme je dis toujours, de toute façon dans la photographie, on a besoin de technique, on a besoin d’apprendre la technique, et il y a un moment donné cette technique-là une fois qu’elle est assimilée, il faut savoir finalement l’oublier pour retrouver ce qui est l’essence même de la photographie, c’est capter un moment, capter une émotion.

Régis Moscardini : C’est ça.

Cyrille Grillère : Et c’est là où ça fait la différence. Après F22, l’image est peut-être un peu moins bonne mais au final la scène est aussi belle en fait. Et le plus important, c’est d’arriver à retranscrire l’émotion qui est ressentie. La technique après, à un moment donné, pour moi personnellement l’émotion prend le pas sur la technique.

Régis Moscardini : Tu as raison, il faut la laisser de côté, notamment par rapport à l’ouverture, tant pis si l’ouverture n’est pas optimale, si on arrive à capter avec une belle composition, avec une belle lumière, si on arrive à avoir tout ça, la personne qui verra la photo dans une exposition ou dans un livre, il n’ira pas se dire, ah tiens le photographe il a pris à F22, non il ne se dira pas ça, il verra l’émotion et c’est l’essentiel. Alors il me reste encore deux questions, ça fait un moment qu’on est ensemble mais c’est vraiment super passionnant. Alors en novembre 2014, il y a 3 mois, on est en janvier 2015, tu as exposé au Festival de Montier-en-der, la plus grande manifestation de ce genre en Europe. Alors ce n’était pas ta première expo mais justement tu as pu comparer. Est-ce que c’est vraiment aussi énorme que ça Montier-en-der en tant qu’exposant ?

Cyrille Grillère : Oui. Alors c’est vrai qu’avec l’exposition avec laquelle je tourne qui est une exposition de paysages, donc je tourne avec cette exposition, on va dire, depuis 2 ans et j’ai fini pour 2014, j’ai fini avec Montier-en-der, du coup c’est vrai, c’est hors-norme, Montier-en-der est hors-norme, il est dans une autre catégorie, c’est certain. J’ai fait le Festival Nature Namur 3 semaines avant, c’est déjà un événement, mais Montier-en-der c’est encore autre chose. Oui.

Régis Moscardini : Ça t’a apporté, je ne sais pas, ça t’a ouvert des portes, des opportunités, tu as rencontré des gens que tu n’aurais pas vus ailleurs ?

Cyrille Grillère : Oui, parce que finalement le monde professionnel de la photographie est très présent à Montier-en-der, donc c’est vrai que ça permet, même si on ne peut pas se déplacer en tant qu’exposant, de rencontrer des gens qui viennent vous voir et qui sont dans le monde professionnel, des agences d’images, ça peut être aussi des organisateurs de festival qui font des demandes pour être présent, sur 2015, sur 2016, donc c’est très intéressant en fait, ça permet vraiment d’aller à la rencontre des gens.

Finalement on connait certaines personnes via Internet qui est un super outil mais c’est vrai que la finalité de pouvoir rencontrer les gens et discuter avec eux, et de fait à Montier-en-der, ça a été le cas, c’est déjà très enrichissant personnellement. C’est vraiment une très belle aventure.

Régis Moscardini : J’ai pu le vivre au Salon de la photo à Paris où j’étais intervenu deux fois sur deux animations, deux petites conférences sur la photographie animalière et j’ai pu rencontrer des lecteurs du blog et même des membres de ma formation, et c’est sans commune mesure par rapport à toutes les discussions qu’on peut avoir par mail ou par Facebook ou autre chose sur Internet. C’est-à-dire que voir les gens en vrai, ça n’a rien à voir, il faut le faire. C’est bien Internet, c’est bien le virtuel mais au bout d’un moment c’est bien de revenir à des vraies rencontres.

Cyrille Grillère : Oui, voilà, exactement. Et d’ailleurs aussi, si on veut élargir, sur le fait d’exposer ou de ne pas exposer ses photos, exposer ses photos c’est encore quelque chose, c’est un échange, c’est encore différent.

Régis Moscardini : Oui.

Cyrille Grillère : Un échange qui est direct avec le public, qu’il soit bon ou pas bon. Après les gens, moi c’est ce que je trouve intéressant aussi, que l’on puisse exposer, que les gens viennent naturellement vous dire, ça j’aime bien, ça j’aime un peu moins bien, voilà, avoir des échanges, je trouve ça très enrichissant.

Régis Moscardini : C’est un peu comme une évaluation finalement, c’est-à-dire que quand on va à l’école, on travaille, après il y a un petit contrôle, il y a une note, et bien finalement on peut considérer qu’une exposition, c’est un petit peu ça, c’est-à-dire que l’on travaille dans la nature, on fait ses photographies et l’exposition c’est l’évaluation finale où vraiment on confronte son travail aux regards des autres, et le fait de pouvoir en discuter, ça permet de savoir ce qui plait aux gens ou pas et peut-être parfois de

Cyrille Grillère : En sachant, je rajouterai que dans mon approche personnelle, c’est vrai que je compose, je fais une exposition en fait avec des images que j’apprécie, des ambiances ou des émotions que j’ai vécues, que j’ai aimé vivre. Et donc du coup les gens qui n’aiment pas telle image ou telle image, en fait ce qu’il faut bien comprendre, ils n’aiment peut-être pas telle image ou telle image, c’est l’image qu’ils n’aiment pas en fait.

Régis Moscardini : Oui.

Cyrille Grillère : Pas le travail du photographe. Et ça je pense que c’est très important de faire la part des choses, c’est d’accepter finalement que les gens puissent aimer ou moins aimer ou pas aimer des images ou un travail, tout en sachant en fait que c’est un ressenti finalement, c’est un ressenti, ce n’est pas un jugement sur la qualité du photographe, la qualité du travail.

Régis Moscardini : Je te remercie beaucoup Cyrille, c’était très intéressant, j’ai personnellement appris plein de choses, particulièrement sur l’alpage, ce n’est pas le cœur de l’interview mais moi en tout cas ça m’a marqué, j’ai appris plein de choses, et puis surtout le truc que je vais retenir sur le relevage du miroir, ça je ne vais pas l’oublier.

Cyrille Grillère : Oui, exactement.

Régis Moscardini : Merci à toi, Cyrille.

Cyrille Grillère : Je te remercie aussi parce que c’était super sympa. Voilà.

Régis Moscardini : Est-ce qu’on peut te retrouver dans quelques temps, tu as une actualité, une prochaine exposition ?

Cyrille Grillère : Alors c’est en train de se définir en ce moment en fait. Je pense que je vais certainement réexposer avec l’exposition qui était à Montier-en-der sur 4-5 lieux d’exposition. Mais pour l’instant ce n’est pas finalisé, donc du coup je ne m’avancerai là-dessus mais je pense qu’à partir du mois d’avril je recommencerai à exposer un peu partout en France et peut-être bien en Suisse.

Régis Moscardini : Ok, merci beaucoup Cyrille.


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