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la femme qui aimait trop les bijoux

Publié le 03 février 2015 par Dubruel

d'après LES BIJOUX de Maupassant

Commis à la mairie de Paris,

M. Jacques Dury,

Reprochait à son épouse, ses goûts

Pour le théâtre et les faux bijoux.

Quand le soir Isabelle sortait,

Elle portait

De modestes toilettes.

Mais pour paraître plus coquette

Elle les agrémentait

En toute simplicité

D’un collier de faux rubis

Ou d’une parure en verroterie.

Choqué par son amour du clinquant,

Jacques lui répétait souvent :

-« Pour moi, mon chou,

Tu es le plus rare des bijoux.

Et puisque je n’ai pas assez d’argent

Pour t’offrir de vrais diamants,

Tu devrais ne présenter

Que ta réelle beauté

Sans afficher tout ce fourbi-là »

-« Que veux-tu, j’aime ça.

J’adore le clinquant, moi ! »

Et elle faisait avec émerveillement

Rouler dans ses doigts

Tous ses ornements.

Une nuit d’hiver, Isabelle est rentrée

Fort tard. Le lendemain elle toussait.

Huit jours plus tard, elle décédait.

Peu après, Jacques s’interrogeait :

Comment Isabelle

Réussissait-elle à acheter des mets fins

Et d’excellents vins

Avec mon seul maigre salaire mensuel

Moi, qui maintenant,

Dès le vingt du mois,

N’ait plus d’argent ?

Je vais vendre ses faux bijoux,

J’en tirerais bien quelques sous.

Son collier de perles noires,

Par exemple, doit bien valoir

Six ou huit francs

Car c’est un travail soigné, vraiment.

Jacques se rendit dans une bijouterie

Un peu honteux d’étaler ainsi

Sa pacotille et vouloir se défaire

D’un trompe-l’œil si peu cher.

-« Je voudrais bien savoir

À combien vous estimez ce sautoir ? »

-« Il vaut quinze mille francs. »

À l’annonce d’un tel prix,

Dury montra son étonnement.

Le marchand se méprit

Sur la grimace du vendeur :

-« Cherchez donc ailleurs.

Mais si vous n’obtenez pas mieux,

N’hésitez pas. Revenez quand vous voulez. »

Dury pensa : ’’Quel idiot, bon Dieu !

Il ne sait distinguer le faux du vrai !’’

Jacques se rendit alors rue de la Paix

Chez un célèbre bijoutier

Qui examina le collier :

-« Je le connais.

Il vient de chez moi ! » -« Combien vaut-il ? »

-« J’en donnerai dix-huit mille. »

-« J’avais cru qu’il était faux… »

-« Comme je dois respecter les textes légaux,

Demanda le bijoutier avec politesse,

Veuillez me donner vos nom et adresse »

-« Jacques Dury,

16 rue de la Corderie.

Je ne suis qu’un modeste employé. »

Le marchand saisit son registre, l’ouvrit :

-« Ce collier et son écrin ont été livrés

16 rue de la Corderie

À Mme Isabelle Dury,

Le 20 juillet 1866... »

Dury quitta le marchand

Et s’efforça de comprendre comment

Sa femme pouvait posséder un tel joyau.

C’était sûrement un cadeau !

Mais de qui ?

Donc les autres aussi.

Jacques se ressaisit :

’’Comme on est content

Quand on a de l’argent !

Avec de l’argent, on s’en paie !’’

Il retourna rue de la Paix.

Le bijoutier lui remit

Dix-huit grands billets et Dury lui dit :

-« J’ai d’autres bijoux…de cette succession

Seriez-vous dans les mêmes dispositions ? »

-« Vous pouvez me les apporter. »

En fin d’après-midi,

Dury revenait à la bijouterie

Avec son précieux coffret.

Presque tout provenait de cette maison.

Voici les estimations :

Six brillants d’oreilles : vingt mille francs.

Sept bracelets : trente-cinq mille

Les broches et les médaillons : seize mille.

Le diadème : onze mille.

Huit bagues : vingt-deux mille

Une parure de saphirs : quatorze-mille.

Le tout atteignait plus de cent dix mille francs.

Dury alla diner dans un grand restaurant.

Il s’en mit jusqu’aux oreilles.

Il but du vin à vingt francs la bouteille.

Puis il fit un tour aux Tuileries.

Regardant les passants

Avec mépris,

Il avait envie de leur hurler :

’’J’ai deux cents mille francs !’’

Le lendemain, Dury allait

À la mairie donner sa démission.

Se moquant du qu’en-dira-t-on,

Il dit à ses collègues :

-« J’ai reçu un legs

De trois cents mille francs ! »

Puis il déjeuna au restaurant.

Au maître d’hôtel, il avoua, tout excité :

-« Je viens d’hériter

De quatre cents mille francs ! »

Et Dury riait, riait !

Il n’attendit pas un an

Pour se remarier.


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