Il y a un drame à la base du livre de Jérôme Meizoz, Haut Val des loups, un drame hautement politique et très symptomatique.
Une nuit de février 1991, le secrétaire du WWF valaisan a subi une violente agression dans son chalet de Vercorin. Trois hommes sont entrés chez lui et l'ont battu systématiquement, lui brisant une jambe et un bras, le laissant couvert d'hématomes, s'acharnant tout en prenant bien garde de ne pas le tuer. Personne n'a revendiqué l'agression, les hommes de main n'ont pas été arrêtés, leurs commanditaires n'ont pas été retrouvés. Et les rumeurs malsaines ont commencé à bruire dans les cafés, pour réduire cette affaire grave à un fait divers personnel, une affaire de mœurs, une simple dispute...
Jérôme Meizoz avait croisé la victime lors de sa jeunesse de militant contestataire, antimilitariste, proche de la nature, plus plein de bonne volonté que d'efficacité. Il a été profondément choqué par le drame. Vingt ans plus tard, il se demande encore comment une telle haine a pu naître. Pour le comprendre, il convoque d'autres époques, d'autres personnages.
On voit ainsi apparaître un poète valaisan dans lequel on reconnaît Maurice Chappaz, qui avait éveillé la jeunesse de l'époque avec, "Les maquereaux des cimes blanches". Mais on y trouve aussi, entre autres, Jean-Marie Le Pen qui avait été accueilli à Sion en 1984
... D'autres rappels tentent une explication. L'accueil en Valais des fascistes traqués après la deuxième guerre mondiale... La prédominance longtemps absolue d'un PDC pas à gauche du tout...Si ces personnages et ces événements sont très clairement reconnaissables, rien n'est pourtant cité dans le livre de Meizoz. Car il ne s'agit pas là d'un pamphlet qui se construit sur des faits, mais de littérature. Dans une écriture poétique, l'auteur revient ainsi également sur sa propre trajectoire, telle qu'elle évolue, et sur son rapport au Valais et à la politique.
Le Haut Val des loups parle ainsi, et peut-être surtout, de la perte des illusions. Mais la certitude qui donne sa force au texte est que si la politique est peut-être décevante, la littérature peut la relayer, agir sur le monde, le comprendre et le changer.
Jérôme Meizoz, Haut Val des loups, Zoé