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L’écrivain et son biographe

Par Pmalgachie @pmalgachie
L’écrivain et son biographe Un écrivain célèbre et son biographe officiel constituent toujours un couple étrange. Encore davantage dans le récent roman de Hanif Kureishi, Le dernier mot. L’écrivain, Mamoon Azam, espère que le biographe, Harry Johnson, tracera un portrait flatteur qui mettra en évidence ses grandes qualités, et tant mieux si quelques épisodes peu reluisants sont laissés dans l’ombre. Harry, en revanche, envisage de donner un coup d’accélérateur à sa propre carrière d’auteur, et tant pis si c’est au détriment de l’image publique de Mamoon. Le coup d’accélérateur lui a été promis par Rob, éditeur flamboyant : « un rebelle, brillant, mal rasé, débraillé, qui sentait l’alcool la plupart du temps. » D’un couple, Hanif Kureishi passe donc à un trio. Qui s’augmente de personnages féminins à l’influence considérable sur Mamoon, sa vie, son œuvre : Liana, sa seconde épouse, une vingtaine d’années de moins que l’écrivain ; Marion, une ex-maîtresse qui a tenu des carnets quand elle vivait avec lui ; Peggy, la première épouse, décédée mais qui a aussi laissé des carnets intimes. Quant à Harry, il doit compter non seulement avec les pressions de son éditeur, qui voudrait publier un ouvrage retentissant, bourré d’informations saignantes sur la vie privée de Mamoon, mais aussi avec Alice, sa fiancée, bientôt sa femme, dont il sera séparé le temps nécessaire aux entretiens avec Mamoon. Harry ne peut négliger non plus la présence de Julia dans la maison de l’écrivain, pour des raisons qui viendront en leur temps dans le récit. Ces personnages créent des tensions contradictoires entre les deux protagonistes majeurs du roman qui pourraient se contenter des tiraillements entre eux. Mamoon est tellement convaincu par son talent, même s’il est désormais sec du côté de l’écriture, qu’il éprouve une sorte de mépris envers Harry. Celui-ci ne lui servira, croit-il, qu’à améliorer son revers au tennis – jusqu’au moment où le corps de Mamoon cède, ce qui l’éloigne du court et le rapproche des nombreuses questions posées par Harry. Le sujet de la biographie ne se confie pas aisément, il balaie bien des interrogations. Puis, tout à coup, le voici prêt à se livrer, ou à en faire mine… Hanif Kureishi installe de savants déséquilibres. L’instabilité croît au fur et à mesure que le travail du biographe est censé avancer – alors que, pour l’essentiel, il patauge. Les conflits se durcissent. Et le sens de la création littéraire, saisi dans un mouvement qui le modifie, se place au cœur du roman. Car où est l’essentiel ? Dans l’image que ses contemporains et la postérité se feront de Mamoon ? Dans les chiffres des ventes relancées grâce à la biographie ? Dans la carrière que réussira Harry ? Dans le sursaut créatif de Mamoon ? Ou dans les relations, mouvantes elles aussi, entre les hommes et les femmes du roman ? Tout cela à la fois, bien sûr, et qui donne au Dernier mot une force exceptionnelle.

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