Nous embarquons sur le pont d'un bateau. Pour preuve, une sirène retentit et des piaillements de mouettes couvrent les bavardages des spectateurs.
On devinera tout à l'heure en sourdine les accords de Plus près de toi mon Dieu, qui immanquablement évoque le naufrage du Titanic. Etait-ce bien utile ?
Francis Huster exécute un seul en scène, passant d'un rôle à l'autre, se donnant lui-même la réplique. Etait-ce bien nécessaire ?
D'abord une vingtaine de minutes coté cour, puis autant coté jardin. Et ainsi de suite avec quelques moments au centre de la scène. Sans doute pour qu'aucun spectateur ne puisse se plaindre d'avoir été tenu à distance du grand acteur.
Le joueur d'échecs est une performance, à destination d'un public qui est venu pour assister à un match. Francis versus Huster.
La prouesse est de taille. Elle éclipse le sujet même de la nouvelle dont on dit que c'est le chef d'œuvre de Stefan Zweig. Toute notre attention est captée par le jeu du comédien dont la voix résonne et emplit toute la salle, rebondissant souvent en écho, jusqu'à devenir surréaliste.
Quel dommage, avec un tel talent, d'avoir accepté d'être sonorisé. Ce soutien devrait être réservé aux voix fluettes. A moins que Francis Huster n'ait perdu certaines de ses capacités... On ne peut pas comparer la salle du Théâtre Rive Gauche à la Cour d'honneur du Palais des Papes un soir de mistral.
Quel dommage aussi que la direction d'acteurs soit figée, le comédien passant le plus clair de son temps assis sur un empilement de bagages. Comme s'il était naturel de voyager dans une telle attitude.
Qu'importe : le public vient pour voir le fauve et celui-ci ne ménage pas les effets. Il sera applaudi dans une véritable ovation qui ne l'amènera pas à la moindre remise en question. Pourtant, un jeu avec des instants de retenue aurait rendu la partie plus sensible.
L'instant le plus émouvant sera celui où Francis Huster s'exprime après les saluts à propos de l'exécution d'un japonais en soulignant la terrible perte d'humanité. La partie avec la mort est engagée depuis toujours. On ne la gagne jamais, dit-il en provoquant une juste émotion.Le joueur d'échecs de Stefan Zweig
Adaptation de Éric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène de Steve Suissa
Depuis le 3 septembre 2014 au Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté 75014 Paris
Tél : 01 43 35 32 31
Prolongation jusqu'au 31 mai 2015.