En octobre 1805, alors que les armées françaises et autrichiennes s’affrontent dans la nord de l’Italie, le pays de Crespino se soulève, bientôt suivi par toute la Polesine.
Des bandes de paysans, jusqu’alors protégés par les soldats autrichiens se transforment dans les premiers mois de l’invasion en insurgés vouant une haine féroce contre les français.
Rejoints par les insurgés de Ferrare et des soldats autrichiens, les villageois de Crespino abattront l’arbre de la Liberté, martèleront les blasons napoléoniens, désarmeront la Garde Nationale, envahiront la mairie, détruiront les fichiers des Impôts et déchireront et piétineront sur la place le drapeau français.
La révolte cessera d’elle même alors que les troupes autrichiennes se retireront.
Néanmoins, la condamnation de la France victorieuse fut impitoyable. Napoléon scellera lui même le sort de Crespino dans un décret méprisant édité le 11 février 1806 aux Tuileries.
« Napoléon 1er, par la grâce de Dieu et par la Constitution, Empereur des Français et de l’Italie.
Vu les rapports des conseillers de l’État chargés de la Police du Royaume ;
Considérant que les habitants de la municipalité de Crespino, dans le département du Bas-Pô de notre Royaume d’Italie, au temps où la guerre avait cessé, se sont rebellés contre le gouvernement, encourageant, les armes à la main, l’invasion de l’ennemi ;
Considérant que ces crimes énormes méritent d’être punis par l’exemple public avec des mesures d’une grande sévérité ;
Nous avons arrêté comme suit :
1) Les habitants de la commune de Crespino sont privés de leurs droits de citoyenneté.
2) Ils ne peuvent en aucun cas réclamer les droits de la Constitution.
3) Ils seront gouvernés par un commandant de Gendarmerie, qui rassemblera en lui toutes les fonction propres à la gestion de la commune.
4) Ils seront traités comme Colonie du Royaume composée d’habitants sans patrie.
5) Il paieront le double des impôts prévus.
6) Ils seront punis de coups de bâtons avant de purger leurs peines comme des citoyens italiens;
7) Une plaque de marbre au dessus de la porte de la Maison Commune portera l’inscription suivante :
Napoléon 1er Empereur des français et d’Italie a décrété que les habitants de Crespino ne sont ps des citoyens italiens.
8) Les ministres de la justice, de l’intérieur et des finances pour ce qui les concerne respectivement, sont en charge de l’exécution du présent décret, qui sera imprimé et enregistré dans le bulletin des lois.
Dans notre palais des Tuileries, le 11 février 1806. »
Des représentants de Crespino allèrent voir le Vice-Roi, ils supplièrent l’Impératrice, en vain.
Napoléon exigea des punitions exemplaires pour les trois principaux responsables. Mais les coupables étaient en liberté.
C’est alors qu’une femme a dénoncé un certain Giovanni Albi, qui vivait caché. Il fut capturé, jugé et condamné à mort. il fut guillotiné le 14 octobre 1806 sur la place de Crespino.
Cela apaisa Bonaparte qui leva le décret le 11 janvier 1807.