Clemence vibrante et humaine: un roman qui ne laisse pas insensible

Ce roman est hybride, on suit le récit de la narratrice Clémence jeune ado de 15 ans à la chevelure rousse et aux yeux verrons, une ado comme une autre, insouciante, contente de rentrer bientôt au lycée. Mais en allant à une fête de fin d’année elle se fait agresser par un inconnu et va taire l’agression. On alterne entre la Clémence enfant qui essaye de gérer au mieux son traumatisme dans une famille  où il ne faut pas créer de problème, où il faut être parfaite et une Clémence adulte de 30 ans cabossée par la vie et travaillant dans une étrange clinique.

Le récit est étonnant il fait penser un peu à de la science fiction  comme l’affiche de Blade Runner que l’héroïne a dans son bureau quand on a le récit de la Clémence adulte, avec son style détaché, un peu comme un robot, une poupée insensible au propre comme au figuré mais qui a conscience qu’elle ne ressent rien. La distance et le faux semblant qu’elle doit affecter dans sa vie sociale, cette douleur et ces mots qu’elle ne peut pas dire, révéler sont retranscrites dans ce style au départ.

L’auteur décrit bien la psychologie de son personnage, le traumatisme, ses sensations après son agression, la fin irrémédiable de son enfance, son insensibilité à la chaleur, à la douleur qui se propage au fil des années car elle se tait. Elle montre ses tentatives pour se rassurer avec le choix du 29, sa complicité avec sa sœur, ses rituels pour essayer de ressentir à nouveau quelque chose.

 On a aussi une réflexion sur La beauté des femmes parfaites, les corps avec ces poupées en usine qu’elle maquille qui font écho à son ancien job où elle maquillait des actrices de ciné mais qui avait le tord de parler. Elle rend bien compte du fait que l’héroïne se sent en décalée, en marge, comment elle arrive à survivre, à se battre seule. Comment elle a l'impression de ne pas vraiment exister, de ne plus avoir d'enveloppe corporelle, d'être une machine qu'elle discipline et qu'elle apprivoise.

Clémence est un personnage complexe et attachant, avec une écriture et une voix singulière un peu cinématographique, qui l’a fait d’embler profondément exister dès la scène initiale qui va totalement marquer la jeune femme. Elle montre la difficulté de se pardonner à soi même, de se reconstruire, les mécanismes et les rituels auquel s’astreint l’héroïne la rende profondément bouleversante et attachante, comme son évolution au cours du livre.

Elle lutte contre les faux semblants dans sa famille avec ses parents étouffants qui ne voient pas que leur fille souffre et se transforme, contre le conformisme social elle qui n’a pas une vie parfaite comme ses anciennes amies de lycée ou sa sœur. Au fil des parties l'écriture se transforme avec l'évolution du personnage, j'ai aimé cette écriture sensible, charnel, ses description réalistes et parfois très poétiques des lieux. J'avais aussi l'impression d'évoluer dans des tableaux, d'être en immersion dans le monde de Clémence.

Un livre qui parfois tord les tripes et le cœur, un roman captivant et bouleversant, avec une écriture précise, singulière, chirurgicale qui détaille les aspérités et la complexité de l’héroïne sans jamais tomber dans la facilité. Avec en prime une bande son musicale impeccable que vous pourrez découvrir à la fin. Un roman à  découvrir et à ressentir d’urgence.

Merci à Valérie Tong Cuong de me l’avoir conseillé le 31 janvier dernier et à la gentille dédicace de son auteur, j’ai donc adoré votre Clémence profondément humaine forte et fragile à la fois, véritable princesse guerrière qui se bat seule contre tous pour se sentir vivante et retrouver sa vie. Elle m’a totalement embarqué dans son univers monochrome puis qui se remplit peu à peu à nouveau de sensations et de vie, dans ses folies, bonheurs, douleurs et joies. Les corps inutiles un roman qui ne vous laissera pas insensible et qui marquera votre cœur de lecteur.