De lui, on se rappelle, pour ne citer qu'eux, Mourir comme un homme (2009) mais également O Fantasma (2000), probablement l'un de ses longs-métrages les plus âpres et intransigeants dont on ne compte plus les prix et nominations, notamment au Festival Entrevues Belfort ainsi qu'à celui de Venise.
L'intégrale de sa précieuse filmographie se constitue également de documentaires, de courts et de moyens-métrages : des préludes, exercices et prolongations de ses œuvres majeures.
Pour décrire l'étrange sensation ressentie à travers la découverte de l'oeuvre de João Pedro Rodrigues, on pourrait penser à une plongée totale et soudaine dans l’obscurité avec la perte de repères qu'elle suppose.
Expérimentation des formes narratives (déconstruction du récit), utilisation d'effets spéciaux, montages psychédéliques, le réalisateur travaille son cinéma à la manière d'un artisan. Comme un sculpteur modèle les terres plastiques, João Pedro Rodrigues modèle le cinéma, partant d'une matière brute, nous donnant à voir chaque étape de ce qui sera in fine son travail achevé ou inachevé...
Matin de la Saint Antoine
© Epicentre
On constate ainsi l'évolution du cinéma du réalisateur portugais, mais également la filiation entre son travail et celui de son acolyte João Guerra da Mata avec qui il signa son dernier long-métrage La dernière fois que j'ai vu Macao [2012], œuvre hybride entre fiction, documentaire et cinéma expérimental.
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Résumer le cinéma de João Pedro Rodrigues serait un exercice difficile tant l'auteur détourne, dévie et renouvelle les codes et procédés normatifs de la narration....L'utilisation du mystique qui ponctue ses films lui permet d'intégrer une dimension impalpable, presque surnaturelle. On pense à la forêt enchantée de Mourir comme un homme (2009) où Tonia et Rosario se retrouvent avec Maria Backer et Paula, deux travestis marginaux et charismatiques croisés au début du film. Une parenthèse, une brèche de folie et de magie glissée au milieu d'une mélancolie constante et parfois pesante.
Le cinéma carnassier de João Pedro Rodrigues interroge les sens grâce à l’utilisation audacieuse des corps. La singularité du réalisateur tient notamment de la crudité de ses plans et des personnages (scènes masochistes, sexes en érection, agressions physiques et psychologiques). Pourtant, c'est de cette violence apparente que naît le sublime. Filmer les corps : les corps tatoués et abîmés autour de la question du mythe du premier roi du Portugal (Le Corps du Roi) par exemple, les corps meurtris et infectés suite à l'implant mammaire d'un transsexuel (Mourir comme un homme), les corps inhabités et malades de zombies urbains (Matin de St Antoine). Meurtris, distordus, malades ou nus, ils questionnent l’identité, l'histoire, la religion, le désir et le passage du temps.
Une œuvre exigeante où la ruralité portugaise et ces portraits sociologiques visibles dans ses premiers œuvres, Le Berger et Voici ma maison, jouxtent un travail tourné vers une Asie lisboète entrevue dans les courts-métrages Aube rouge (2011) et Mahjong (2013), et son long-métrage La Dernière Fois que j’ai vu Macao (2012), collaboration réussie avec João Guerra da Mata.
© Epicentre
Pluriel, sale, transgressif, poétique et politique, le cinéma de João Pedro Rodrigues n'effraie pas les adjectifs aussi variés dans ses narrations que dans ses genres cinématographiques (film noir, fantastique...). Par un traitement visuel poétique et la minutie de son exécution, il transcende le caractère abrupt de son cinéma et lui donne une extraordinaire densité à travers des scènes fortes et expressives. Les instants de contemplation présents dans ses films permettent à son œuvre de respirer et d'explorer de multiples facettes qui n'accordent jamais, et l'on s'en réjouit, de repos à ses spectateurs.N.P.
En savoir plus : - http://www.epicentrefilms.com/dvd-Coffret-L-Integrale-Joao-Pedro-Rodrigues-Joao-Pedro-Rodrigues- (le site officiel de l'éditeur)
- Disponible en DVD chez Épicentre Films depuis le 2 décembre 2015
- Le coffret contient :
DVD 1 : O Fantasma (2000) DVD 2 : Odete (2005) DVD 3 : Mourir comme un homme (2009)
DVD 4 : La dernière fois que j’ai vu Macao (2012) DVD 5 : Premières œuvres (Le Berger (O Pastor) (1988) / Court-métrage de fin d’études, produit par l’École Supérieure de Théâtre et Cinéma de Lisbonne / Diptyque documentaire (1997-1999) / Voici ma maison / Voyage à L’Expo)
DVD 6 : Les Inédits (Le Corps du Roi (2013) / Mahjong (2012) co-réalisé avec João Rui Guerra da Mata / Matin de la Saint-Antoine (2012) / Ce qui brûle guérit (2012) réalisé par João Rui Guerra da Mata / Camouflage - Self-portrait (2008) / Allegoria della prudenza (2013)
Et... en bonus, des entretiens avec le réalisateur et Jean Marc Lalanne, des scènes coupées et 3 courts-métrages dont l’indispensable Parabéns!