Un conte des mille et une nuits : voici une histoire à dormir debout dans laquelle on entre comme à la suite d’Indiana Jones ou du Professeur Langdon … Cependant, les héros contemporains ne ressemblent en rien ni à Harrisson Ford ni à Tom Hanks : binoclards, rats de bibliothèques, ils enseignent et font des recherches, fureteurs fatigués dans les monceaux poussiéreux de vieux grimoires, pas dotés pour deux sous ni d’un fouet véloce ni d’une force musculaire leur permettant de s’extraire des pires situations. Et pourtant … Nous suivons avec passion la quête de Javier Léonardo Borges – professeur émérite (c’est-à-dire retraité) à l’Université de Buenos Aires - et de son correspondant d’Istamboul, le professeur Hakan. Car l’un comme l’autre préparent un colloque sur les dirigeants politiques des XVème et XVIème siècle, à partir de documents inédits.
Et voici que, compulsant un texte ottoman orné d’enluminures – un péri – Borgès fait une découverte bouleversante. Il ne comprend pratiquement rien au texte mais l’illustration l’intrigue : il croit y déceler, mais non, il en est certain, une image caractéristique de l’iconographie aztèque : une jupe faite d’un faisceau de serpents, la représentation de la déesse de la terre Coatlicue. Comment un artiste ottoman pouvait-il choisir en 1520 le motif d’un être mythologique aztèque ?
De part et d’autre de l’océan, les deux savants sont persuadés détenir la clé d’une énigme dont la révélation sera aussi spectaculaire que novatrice. Nous les suivons pas à pas dans leur recherche, grâce au style acéré, plein de malices et de références discrètes, au scénario farfelu mais jouissif de la jeune écrivaine qui nous livre ici son premier roman.
Je ne connais pas Mexico et hélas n’aurai jamais assez de vie pour découvrir ce que devint Tenochtitlan, mais je me situe parfaitement dans les ruelles du vieil Istamboul, entre le palais de Topkapi et la somptueuse mosquée Suleymaniie, dans le Grand Bazar comme parmi les échoppes odorantes du bazar Egyptien. Avec ce livre ramassé, je traverse la Méditerranée pour assister au siège d’El Djejaïr par Charles Quint, je participe aux offres de soutien mutuel entre François Ier et Soliman le Magnifique, un de mes héros de jeunesse …
Un livre drôle, parfaitement écrit, un polar qui ressemble à une pochade pleine d’imagination, l'antithèse du choc des civilisations, en résumé : un régal !
Comment les grands de de monde se promènent en bateau, roman de Mélanie Sadler, chez Flammarion, 150 p. 16€.