La galerie Cedric Le Dauphin présentera à l'occasion de Paris Tribal 2015 des bijoux antiques de l’Asie du sud Est, des bagues d’Indonésie ou de la péninsule indochinoise, des colliers Pyu de Birmanie en or et agates à bandes.
Mais ce sont les lames noires de Bali qui retiendront mon attention.
Cédric Le Dauphin nous donne des précisions sur la fabrication de ces lames rares, réalisées pour l'aristocratie balinaise :
"Le kriss est un élément essentiel du paraître indonésien et ce depuis le XIVème siècle. Symbole de rang social plus qu’une arme, le kriss est présent partout dans tout l’archipel malais. Sa lame, élément porteur de la magie et de l’ésotérisme, est réalisée par le forgeron, l’Empu, après avoir jeuné et prié plusieurs jours durant.Texte et Photo : Courtoisy Galerie Cedric le Dauphin.
Le kriss a une lame damassée. Cette matière est en fait un mélange feuilleté principalement constitué de fer et de nickel. La matière obtenue par pliages et étirements multiple s’appelle le Pamor. Ce processus de forgeage vise à créer une matière « souple » qui va être fixée sur une feuille d'acier qui constitue le cœur dur de la lame.
Les matériaux servant à la fabrication du Pamor sont très nombreux. Pour obtenir le Pamor, selon la tradition, un bon kriss est forgé de 7 métaux et minéraux différents. Celui du Héros de l'histoire de Malacca, Hang Thua, est réputé pour avoir été forgé de vingt métaux différents provenant d’autant de lieux, de Bali à Istanbul.
Le Pamor est révélé par une réaction à l’acide qui contraste des motifs clairs de nickel sur le fonds bleui jusqu’au noir. Et bien que l’on distingue deux grands types de Pamor, il existe plusieurs centaines de différents motifs répertoriés et classés aux propriétés magiques et ésotériques.
À Bali, les kriss sont plus grands que ceux du reste de l’archipel. Les lames restent dans leur grande majorité apparentées à celle des autres productions indonésiennes. Mais il y eu un temps et un espace dans lequel une école de forgerons développa une technique spécifique pour forger les Lames Noires de Bali.
Cette production de grandes lames présentent une forge nette, très précise, une matière noire, polie, ou fourmille des cheveux d’argent.
La fabrication de ce Pamor diffère de celle du Pamor ordinaire non pas par la méthode de diffusion du carbone dans le fer, mais essentiellement son trempage.
Comme ailleurs, l’ajout de carbone au fer se fait par diffusion solide en chauffant le fer et en lui adjoignant bois et minéraux. Leur combustion crée une diffusion solide dans le métal qui n'atteint pas son point de fusion mais s'enrichi en carbone.
Le secret de l’Empu Balinais tient dans la maîtrise de la température de forge. En effet, le fonds noir des lames balinaises est constitué de perlite. Elle provient du refroidissement lent du Pamor par aspersion d’huile.
Cette technique de refroidissement est moins lente que celle à l’air, ce qui limite la production de ferrite et favorise la formation de cémentite, tout en étant moins violente que par immersion dans un liquide, ce qui préserve la perlite de sa transformation en martensite de couleur gris clair.
Ainsi naissaient les lames noires qui étaient ensuite polies et pour lesquelles étaient fabriqués les plus beaux fourreaux et poignées.
Ce type de forge a été observé de la fin du XVIIIème siècle à la fin du XIXème siècle et uniquement sur l’île de Bali".