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Compétition: l’Apprentissage de l’échec

Publié le 23 février 2015 par Sportpsy @sportpsy
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Scolari-439x288Proposer d’apprendre à échouer va à l’opposé de l’idée véhiculée dans le sport où l’on propose souvent d’apprendre à gagner. Pourtant, j’ai envie de proposer une réflexion inverse. Non pas que je veuille dire qu’il faut tout mettre en oeuvre pour échouer ou que le but de la compétition soit d’échouer. Non. Mais plutôt de réfléchir à l’échec en tant que processus d’apprentissage. 

Car certaines approches ne sont pas réalistes, à mon sens. Proposer de fournir les “clés” pour réussir ne permet pas réellement de réfléchir sur soi, mais amène souvent à appliquer des solutions venant de l’extérieur. Mais cette conception se confronte à l’échec. Car à force de vouloir apprendre à gagner, on oublie souvent d’apprendre au sportif à faire face à l’échec, qui est tout aussi important. Car “gagner” n’est qu’un résultat, une conséquence mais ne peut pas être un but en soi. On ne peut pas prétendre avoir une solution miracle qui permette de gagner. On peut seulement prétendre mettre en place un certain nombre de paramètres qui augmentent les possibilités de réussir. Sans aucune certitude. Le problème est que l’acharnement sur la réussite peut parfois engendrer des effets contre-productifs où le sportif ne s’y retrouve pas. Il échoue et perd confiance en lui car il se réduit à son résultat et oublie que c’est le fruit d’un long processus d’apprentissage et d’expérience.

Ce qui se passe dans le sport est à l’image de la société: on préfère se focaliser sur la victoire plutôt que de comprendre la signification de l’échec. Il y aurait un monde de gagnant et de perdant et il s’agit de se placer du bon côté. Il y a l’idée de performance à atteindre et le sport de haut niveau met en oeuvre des qualités mentales primordiales: pouvoir se dépasser, aller au bout de soi-même, faire fi de la douleur, combattre l’adversaire aussi bien que soi-même. Le sportif se perçoit trop souvent uniquement à travers sa performance, ses résultats et pas assez en tant qu’être humain avec ses qualités et défauts qui le définissent. Il ne s’attarde pas suffisamment sur les éléments de sa construction. Il y a ceux qui se focalisent sur un résultat et ceux qui se focalisent sur le processus qui amène à ce résultat.

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Il  doit pourtant faire face à une réalité cruelle: il y a bien souvent plus de perdants que de gagnants, puisque la compétition ne produit qu’un vainqueur. Et personne ne peut prétendre gagner en permanence. L’apprentissage est fait d’essais et d’erreurs (donc d’échecs). On n’apprend pas de technique sans faire d’erreurs. C’est même en faisant des erreurs que l’on arrive à trouver les bonnes sensations. Je pense aussi que la part de l’expérience en sport est très importante. Car l’entraîneur peut aider, préparer, conseiller mais ne peut pas éprouver les sensations à la place du sportif. L’expérience se transmet par les mots, mais pas dans le corps. Or, un déclic passe par une compréhension de ce qui n’a pas fonctionné, par un vécu qui oblige le sportif à se confronter à ses problèmes et d’avoir le désir de trouver des solutions pour y répondre.

Je m’étonne donc de voir que l’échec est banni du vocabulaire. Je remarque souvent que les jeunes sont particulièrement intolérants à l’échec. Tout erreur se transforme en frustration, puis en mauvais comportement. La réaction de l’entourage est aussi symptomatique: dès que l’enfant fait une erreur, l’entourage montre son mécontentement, son incompréhension. Le sportif se construit parfois avec l’idée que l’échec est inacceptable.

Les conséquences psychologiques sont donc qu’il a peur de se tromper, de faire des erreurs, ne profite pas réellement de l’entraînement pour s’améliorer, mais passe son temps à essayer de ne pas faire d’erreurs. En condition de compétition, cela est dramatique, car c’est là que se développe des comportements de fuite, de stress et d’impossibilité de faire face aux enjeux de la compétition: c’est à dire accepter que la compétition puisse être gagnée ou perdue. Ils se concentrent sur le résultat, imaginent déjà ce que l’on va leur dire s’ils perdent et se font toute une montagne de l’échec.

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Certains sportifs souffrent même du syndrome de l’échec, qui les met inconsciemment en situation d’échec permanente. Inconsciemment, ils échouent car ils ne veulent pas réellement être confrontés à l’échec. Ils s’en débarrassent. Ils ont une blessure à un moment stratégique. Ils perdent un match alors qu’ils menaient. Ils font de l’auto-sabotage pour ne pas être confronté à la réalité cruelle de se donner réellement tout les moyens de réussir, et d’échouer malgré tout. C’est une spirale infernale où plus on échoue, plus on perd confiance et plus le jugement est négatif.

Bien sûr l’échec peut être douloureux. Personne ne souhaite perdre. Mais quiconque a déjà traversé des phases d’échec se rend compte que cela l’a amené à modifier ses perspectives, à changer sa manière de s’entraîner et à se remettre en question pour évoluer. Ce sont souvent ces ajustements, au bon moment, qui peuvent être déterminants dans une carrière.

Pour apprendre de l’échec, il faut qu’il soit pris en compte dans sa dimension formatrice. Il doit être une occasion d’en apprendre plus sur soi-même. Tirer les leçons d’une défaite est un processus indispensable pour réussir par la suite. Obliger le sportif à être dans un processus de réflexion sur lui-même, et non pas d’application de conseils, peut permettre à long terme de l’aider à gérer lui-même ses échecs. En aucune manière, l’échec est à supprimer et à juger comme inacceptable et honteux. Il faut aussi changer l’image de celui qui échoue, car c’est un résultat brut et momentané. On peut échouer aujourd’hui et réussir demain. Les parents et les entraîneurs doivent aussi se confronter à cette réflexion et à leur vision négative de l’échec. Ils doivent se questionner sur ce à quoi renvoie l’échec de leur enfant.

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Il est donc possible d’évoluer psychologiquement et de supprimer des barrières, en réfléchissant à sa conception de l’échec. En affrontant la compétition, comme une épreuve où la tentative est favorisée et où l’échec fait partie de l’apprentissage. A bien y réfléchir, il n’y a bien souvent aucun risque à échouer, à part peut-être le risque d’apprendre quelque chose qui fera partie de votre évolution. Et comme le dit le psychologue Tal Ben-Shahar “pour améliorer son taux de réussite, il faut multiplier son taux d’échec par deux”. 

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