Après « Bording Gate » et « Après Mai », Olivier Assayas nous livre « Sils Maria », qu’il réalise et scénarise. Juliette Binoche, que le cinéaste a déjà dirigé dans « L’heure d’été », Kristen Stewart et Chloë Grace Moretz interprètent les rôles principaux. Le long-métrage fût présenté en sélection officielle, en compétition, au 67ème Festival de Cannes. Kristen Stewart remporta le César de la meilleure actrice dans un second rôle. « Sils Maria » sortait dans nos salles le 3 février 2015.
Synopsis : À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard, on lui propose de reprendre cette pièce mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena …
« Sils Maria » est un long-métrage bien étrange, flirtant par moment avec des airs de polars, tout en ayant un discours dramatique sur son intrigue. En réalité, vouloir cataloguer ce long-métrage revient à foncer droit dans un mur, tant il est plus ambiguë et différent que n’importe quel qualificatif de genre cinématographique. À travers la préparation d’une pièce de théâtre, Olivier Assayas, scénariste du long-métrage, amène un questionnement sur la notion de jeu d’acteur. En effet, « Sils Maria » s’interroge sur la part de fiction et de réalité d’une interprétation. On découvre, au fur et à mesure, que les deux vérités sont intimement liées, avant de se confondre l’une dans l’autre. Le long-métrage réussit à jouer avec son propre caractère de fiction qui traite de fiction, créant une jolie mise en abîme où les personnages, accompagnés du spectateur, se perdent dans leurs propres lignes de textes. Quand la vie inspire et nourrit la fiction … ainsi que réciproquement.
Au centre de « Sils Maria » se trouve trois femmes, de trois âges différents et de trois catégories sociales différentes également. Pourtant, elles se trouvent liées par des rapports de forces, qui font échos au propre propos de la pièce. Une soumission (professionnelle, sentimentale ou intimidante) s’installe entre elles, alimentant une tension très soignée. Juliette Binoche est formidable en actrice possédée entre deux rôles, celui qu’elle a joué alors qu’elle était jeune et celui qu’elle doit jouer. À ses côtés, Kristen Stewart dévoile un talent d’interprétation qu’on lui avait oublié. Jouant avec son aspect naturel de passive, elle joue sur différentes intentions, gestuelles et vocales, provoquant de jolis contrastes. Chloë Grace Moretz incarne un personnage narcissique et imbu de soi-même, qui vient conclure ce trio d’actrices, qui jouent de leurs forces et influences les unes sur les autres.
À la réalisation, Olivier Assayas dirige d’une main de maître cet étrange suspense psychologique. Créant une ambiance marquée, le réalisateur s’inspire de l’environnement entourant l’intrigue pour créer celle-ci. Ainsi, une légère brume arpente tout le long-métrage durant sa durée. De même, la direction photographique Yorick Le Saux complète cette intention, grâce à des teintes bleutées notamment. Chose paradoxale, « Sils Maria » possède un réel rythme mais qui s’avère très brouillon dans son ensemble, rendant quelques séquences légèrement trop longues. Cependant, la réalisation est, durant toute sa durée, très soignée. Elle joue avec les espaces, telle une pièce de théâtre, et amène une fluidité narrative, issue également de l’univers théâtrale, grâce à de longs mouvements de caméra. D’ailleurs, « Sils Maria » se termine sur scène où, après différents jeux de miroirs et de reflets, le visage de Juliette Binoche nous apparaît sans artifice, vieilli. Rideau.
« Sils Maria » est un long-métrage énigmatique, à l’écriture soignée possédant différents niveaux de lecture. Grâce à trois actrices exceptionnelles, le long-métrage se questionne de manière brillante à propos du métier en lui-même.
Sils Maria. De Olivier Assayas. Avec Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz, Lars Eidinger, Johnny Flynn, Hanns Zischler, Angela Winkler, …
Sortie en DVD le 3 février 2015.