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Un poème de Claude Ber sur les passants

Par Etcetera

couleurs-femmesJ’ai trouvé ce poème dans l’anthologie Couleurs Femmes sous-titré Poèmes de 57 femmes, publié chez Le Castor Astral et Le nouvel Athanor dans les années 2010.
Ce poème est à rapprocher – si on le souhaite – de mes articles précédemment écrits à propos de la poésie sur le thème de la passante, sauf qu’il s’agit ici du thème des passants (sans sexe bien défini) et que Claude Ber nous offre une vision beaucoup plus contemporaine et, en même temps, très descriptive.
Claude Ber est née en 1948 à Nice. Elle a publié une dizaine d’ouvrages depuis Lieux des épars (Gallimard). Ses derniers livres parus sont La mort n’est jamais comme (Prix international de poésie Ivan Goll), L’Inachevé de soi (L’Amandier) Vues de vaches (L’Amourier).

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Passants pensifs. Penchés. Le long des rues, des trottoirs, leur pas pressé sous l’averse. Leur silhouette, une onomatopée inconnue. Leur ombre, une écriture effacée. Parapluies repliés sous le coude. Poignets menottés de sacs plastique. Leur histoire emportée par l’histoire, coques d’huîtres déblayées d’un revers de coude. Dans l’odeur d’iode et de bruine quelques égratignures de lointain entre les façades. Des lettres d’enseignes tremblées aux ressauts d’un bus. Un vertige dans le gaspillage de l’attention. Son accroche sans tri. Dans l’inconséquence. Le bouillon cérébral. Passants vacillant sous l’orage. Dans le gris d’une lumière chiche glissée entre leurs doigts et qui les laisse pendus à son absence. Passants qui serrent leurs écharpes, rabattent leurs capuches. Multipliés de leurs doubles aux contours flous pour une moindre solitude. Le cou rentré entre les omoplates, genoux osseux sous le pantalon mouillé. Dont la connaissance de la pluie est entière dans ce coin de tissu humide collé aux cuisses. L’eau gèle une pincée de froid à la pointe des chaussures. Passants. Plantes de pieds lourdes de marches d’escalier, d’allées glissantes, de passages cloutés, de pentes de parkings descendues en pliant les jambes. Mains attardées au vent. Et l’empreinte de leurs semelles à côté de celles des moineaux.

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