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50 nuances de Grey (et surtout de force)

Publié le 04 mars 2015 par Biancat @biancatsroom

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Ces derniers temps, il fallait habiter une grotte pour ne pas subir la déferlante 50 nuances de Grey, surtout avec la sortie de l’adaptation du roman de E.L. James. Je ne suis pas hostile aux séries à succès, loin s’en faut, et je n’avais pas lu les livres. En outre, je connais des gens (bien) qui avaient apprécié, alors j’ai voulu tenter l’expérience. Au vu des critiques, je n’en attendais pas grand chose mais le mieux, c’est toujours de se faire sa propre idée.

Verdict : arrivée à la page 160, j’ai été forcée à l’abandon pour cause de torture littéraire aggravée (et je n’ai même pas signé de contrat avec E.L. James). Le résumé de ce libraire de Bayonne exprime parfaitement mon ressenti :

perle-de-librairie

L’histoire en elle-même, que tout le monde connaît, est encore ce qu’il y aurait pu être de plus intéressant, si elle avait bénéficié d’un traitement à la hauteur. Le problème, c’est que cette idée de départ se noie dans un océan de platitude et de banalités.

1- Les personnages, caricaturaux à souhait, ne sont jamais crédibles, E.L. James échouant totalement à leur donner la moindre épaisseur ou la moindre nuance (arf). En gros, Anastasia est une cruche élevée chez les Mormons (l’histoire ne le dit pas, mais ça ne peut être que ça) et Christian Grey est un odieux personnage, très beau (on le rappelle suffisamment), qui change d’humeur au gré(y) de la couleur de sa cravate (les fameuses nuances de « grey », donc).

2- La romance, qui aurait pu être passionnelle et emporter le lecteur, confine au roman Harlequin (j’en ai lu mais ne le dites à personne), l’hélicoptère blanc de Christian Grey remplaçant la Ferrari rouge de Steve. L’expression du désir de l’héroïne consiste ainsi à se mordiller la lèvre à toutes les pages, à se pâmer devant la beauté d’un Christian Grey irréel et à constater qu’elle a envie de rapports charnels avec lui. Bien. Et j’oubliais : à faire danser sa déesse intérieure aussi (ce qui au passage m’a fait éclater de rire, parce que ça m’a rappelé un épisode hilarant de Friends).

3- Et l’érotisme, me direz-vous ? Certes, E.L. James n’est pas avare en descriptions. L’ennui, c’est que ses scènes érotiques sont aussi excitantes qu’un épisode de la Cuisine des Mousquetaires. Pour preuve, l’auteure croit bon de mettre dans la bouche de son héroïne (arf) des « Haaaan, c’est trop érotique », au cas où on aurait pensé que Christian Grey préparait en réalité des anguilles au four. Pour avoir un point de comparaison, je suis allée farfouiller dans ma bibliothèque, et j’ai constaté que la moindre petite scène d’Emmanuelle ou d’un récit de Françoise Rey avait bien plus de puissance érotique que 50 pages de 50 nuances de Grey. Ainsi, de frisson, point.

4- Cerise sur ce gâteau déjà indigeste : le style. L’ayant lu en version électronique, je me suis demandé s’il ne s’agissait pas d’un brouillon ou d’une traduction maison tant le style est effroyable et le pouvoir évocateur des mots de E.L. James inexistant. Au niveau du vocabulaire, le livre se résume à une répétition inlassable des expressions suivantes :

  • Oh mon Dieu ! (à dire avec la voix d’Omar Sy, c’est plus drôle)
  • Putain (ou son cousin « merde », ou le combiné « putain de merde », auquel vient parfois se greffer l’incontournable « bordel »)
  • Mais qu’il est beeeeeaaaaaauuuuuuu !!!
  • Elle se mordillait la lèvre inférieure.
  • Il lui passa le pouce sur la lèvre inférieure (la même).
  • Il pencha la tête sur son épaule (l’histoire ne le dit pas non plus, mais Christian Grey a une malformation congénitale du cou, rattrapée au niveau de son entrejambe démesurée : « Quoi ?? Tout ça ?? » en dira Anastasia.)
  • Il explose en elle (ou elle explose autour de lui, nuance, on vous dit !).
  • « Là » (terme abscons désignant la caverne secrète d’Anastasia)
  • Et enfin, « Bébé, jouis pour moi » (non, ce n’est pas un titre de chanson de Jean-Luc Lahaye).

Bref, E.L. James a largement gagné par 4 à 0 sur ma patience, me laissant circonspecte quant au succès phénoménal de ce livre. Et à tel point affligée que je me suis à peine interrogée sur son éventuelle portée sociologique (si tant est qu’il y en ait une), notamment sur les rapports homme / femme qu’il induit. C’est vrai, je me suis demandé qui peut bien fantasmer sur un personnage qui présente la soumission comme un moyen de le gagner, lui. Et le fait que la réponse soit « plein de femmes » m’a interpellée. Bon. Pour mieux comprendre, il aurait peut-être fallu(s) que je lise l’ouvrage en entier. Bon. Peut-être que… mais finalement, non. La lecture, c’est un peu comme le BDSM : trop de torture tue le plaisir.


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