Consuelo est une petite zingarella vivant à Venise. Elle y apprend la musique auprès du Porpora, compositeur du XVIIIe siècle, et devient cantatrice. Pure et simple, la petite chanteuse ne prend pas la grosse tête. Mais le monde qui l'entoure, et notamment son petit amoureux, est bien moins chaste et désintéressé qu'elle. Et la voilà qui fuit Venise pour se réfugier en Bohème avant de retrouver son maître à Vienne.
Ce roman, publié en feuilleton (cela se sent dans les rebondissements et les invraisemblances de certaines actions), est de ceux qu'on a du mal à lâcher. Si l'héroïne, tellement éthérée et bienveillante que c'en est louche, a failli m'agacer à plusieurs reprises, elle n'en a pas moins finit par gagner ma sympathie. Franche, honnête, pieuse, c'est une petite sainte... Qui se retrouve dans des situations diaboliques. George Sand s'amuse à promener notre petite Consuelo dans toute l'Europe et à la confronter à des puissants comme à des humbles. Elle joue aussi sur différents cadres : la ville et ses tentations, la campagne et ses pauvres hères, le château et ses fantômes... donnant à chaque aventure une teinte plus libertine, plus champêtre ou plus gothique. Loin d'être linéaire, ce roman initiatique est plutôt sinueux. Au-delà des aventures de Consuelo, il est intéressant de lire ses réflexions sur l'art et la vocation, sur la façon dont la musique élève et guérit, ses débats intérieurs sur son devoir : doit-elle suivre son coeur ou ses talents ? Est-elle d'abord femme ou artiste ? D'autres sujets sont effleurés comme la condition des pauvres et des riches. La figure d'Albert, qui ne supporte pas la misère et passe sa vie à faire des aumônes, et celle du comte Hoditz, qui utilise ses gens comme autant d'acteurs, interroge sur l'ordre social du XVIIIe siècle (époque à laquelle se déroule cette histoire) et du XIXe. Dans cette oeuvre romantique très complète, George Sand joue sur tous les tableaux. Elle est à la fois romancière, philosophe, artiste, femme politique... Malgré ses côtés un peu lourds et très pédagogiques, ce roman n'en renouvelle pas moins mon regard sur George Sand et sur son oeuvre. Je n'imaginais pas son humour et son goût du pastiche, je connaissais sa passion pour les musiciens mais moins pour la musique, et je découvre une volonté politique plus vaste que de simplement revaloriser la paysannerie berrichonne aux yeux du monde !Allez, je m'embarque pour la suite de ce roman, La comtesse de Rudolstadt.