À l’origine, l'estampe désigne le résultat de l’impression d’une gravure, les deux termes étant souvent confondus en français. Au XIXe siècle, la lithographie puis la sérigraphie s’ajoutèrent à la gravure pour permettre à l’artiste de reproduire une image. Cette assimilation des moyens de reproduction « à plat » éloigne l’estampe de son sens originel, qui incluait l’idée d’empreinte due à un relief. Le terme « estampe » est le plus approprié aujourd’hui pour différencier une impression dont l’élément imprimant est préparé manuellement, de la reproduction photomécanique ou photochimique.
Rembrandt - Autoportrait - 1630
Les premières estampes connues à ce jour sont créées au VIIe siècle. Le style des plus anciennes illustrations gravures retrouvées sur la route de la soie entre Xi'an et Dunhuang semble inspiré par l'art gréco-bouddhique et la peinture chinoise.
En Europe, la xylographie (gravure sur bois) se développe autour des années 1400. Elle touche un public populaire, car elle permet de réaliser facilement des reproductions. L'explosion des ventes d'estampes bon marché au milieu du XVe siècle entraîne une diminution de la qualité ; les imprimés populaires sont souvent très grossiers. La gravure sur métal permet la production d'estampes de meilleure qualité qui s'adressent à des milieux plus cultivés. Une grande partie des estampes illustrent des thèmes religieux mais les sujets profanes sont aussi très appréciés : thèmes courtois, satire, vie quotidienne, divertissements comme les jeux de cartes.
Martin Schongauer devient vite célèbre et il est copié par de nombreux artistes tels Gherardo del Fora ou Nicoletto de Modène. Dürer voudra l'avoir pour maître et Rembrandt collectionnera ses œuvres. Les artistes du nord de l'Europe font le voyage en Italie, se déplacent à la recherche de mécènes, leurs œuvres sont appréciées, achetées, copiées. Les estampes de Lucas van Leyden sont les premières à atteindre des prix exorbitants. La Réforme et l'importance prise par la bourgeoisie en Allemagne du nord et aux Pays-Bas vont influencer les thèmes des estampes : natures mortes, paysages, portraits et scènes de genre sont parmi les plus demandés. C’est à Anvers que Jérôme Cock crée, vers 1550, la première grande entreprise d’édition d’estampes.
Très vite se pose le problème de la reproduction des œuvres. Le développement de l'estampe nécessite le développement en parallèle d'un arsenal juridique : c'est le cas à Venise ou à Nuremberg, où une législation appropriée défend la notion toute nouvelle de « propriété intellectuelle ».
Les ateliers s'installent dans les grands centres commerciaux et travaillent le cuivre. Dans ce système, le graveur est mieux payé que le dessinateur. On assiste alors à la naissance de dynasties de graveurs de reproduction qui multiplient les ateliers dans toute l'Europe.
Hokusai - La Grande Vague - 1830
Au XVIIe siècle, l'estampe est devenue un commerce florissant et les artistes réservent leur signature en fonction de la clientèle : Rubens, François de Poilly, ou dans une moindre mesure Antoine van Dyck, sont très représentatifs de cet état d'esprit. Dans ce cadre, l'importance de la gravure d'artiste est minime.
En France, les années 1630 voient le public bourgeois et les anoblis s'intéresser à l'estampe. Le graveur de reproduction voit son succès grandir et son statut se rapprocher de celui de l'artiste : la preuve en est l'entrée des graveurs à l'Académie royale fondée en 1648.
Du XVIe siècle au XVIIe siècle, on assiste à un engouement pour le portrait : cela commence par les vignettes de Thomas de Leu et atteint son apogée avec les burins de Pierre Drevet. L'estampe ne représente que les personnages illustres : les exemples de portraits de bourgeois sont rares au XVIIIe siècle. Cependant, si les peintres méprisent le genre, rappelons qu'à partir de 1704, pour être reçu à l'Académie, tout graveur devait présenter deux portraits.
Le problème des copies se pose au XVIIIe siècle ; un marché se développe en utilisant aussi bien les retirages que les copies élaborées par de plus ou moins bons aquafortistes. Après 1880, l'héliogravure ou la phototypie permettent d'obtenir de très bons fac-similés : l'illusion pouvait être complète grâce à des retouches à la main, à un tirage avec un papier similaire à celui utilisé par l'artiste.
C'est à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle que les collections d'estampes s'organisent et deviennent rapidement très en vogue : Claude Maugis et sa collection sur Dürer, le duc de Mortemart et ses 25 000 estampes, Florent-le-Comte et le premier manuel de collectionneur, les conseils aux amateurs de Dezailler d'Argenville dans le Mercure de France en 1727. Qui dit collection, dit modification des attributions du marchand d'estampes : celui-ci devient un connaisseur capable d'aiguiller correctement un client vers une œuvre. Après 1730, on voit se multiplier les catalogues recensant les œuvres à vendre avec préface du marchand. C'est dans ce contexte qu'est publié le Dictionnaire des graveurs anciens et modernes de Basan en 1767, puis l'Idée générale pour une collection d'estampes de Heinecken en 1771.
Boutique de Gibaud, vendeur d'estampes, vers 1835
Le marché de l'estampe s'élargit : en ville il intéresse des couches de population de plus en plus larges, en province il séduit un public instruit. L'eau-forte profite de cette démocratisation de l'estampe : le procédé est à la mode parmi les artistes amateurs issus du milieu aisé de la finance, de la noblesse, de la haute bourgeoisie, et occupant ainsi de longs loisirs. On y trouve aussi les mécènes et les curieux. Ce développement suit celui des miniatures et des gouaches. C'est cet engouement qui est à l'origine de la taille-douce imprimée en couleurs à partir de plusieurs planches. Les graveurs vont utiliser la manière noire pour les modelés, l'aquatinte à partir de 1760 pour imiter le lavis, la manière de pastel dès 1769 et la manière d'aquarelle en 1772.
C'est en 1818 que J.-B. Isabey, selon l'imprimeur Engelmann, est le premier à exécuter des dessins soignés en lithographie. En 1824, la lithographie est dotée d'une section spécifique au Salon et six ans plus tard le nombre de lithographies exposées dépassait la centaine d'œuvres. Les portraits et les paysages se multiplient, leur prix de vente est bon marché.
L'estampe entre dans une ère nouvelle : recherches sur le papier, progrès de la presse à vapeur, encre industrielle, images d'Épinal pour un public plus populaire... Le travail est parcellisé ; des dizaines de graveurs se relaient jour et nuit chacun penché sur quelques centimètres carrés d'une image qu'on reconstitue ensuite pour former de vastes planches destinées à l'illustration de livres bon marché et des premiers magazines éducatifs ».
Puis apparaît la photographie... Des graveurs comme Calamatta, Nanteuil refusent catégoriquement que la photographie soit reconnue comme une œuvre d'art, mais c'est un combat d'arrière-garde. Les graveurs de reproduction vont se sentir à la fois mis en danger par les procédés mécaniques de reproduction, et par le goût de plus en plus vif pour la gravure originale. Les peintres, comme Manet, Millet sont amenés à reproduire leurs propres tableaux : petit à petit se met en place le nombre limité de reproduction et la destruction de la planche en fin de tirage. Whistler, surtout Degas et Pissarro font émerger la gravure d'artiste, l'estampe « originale » : variation des papiers, numérotation ds tirages, monotypes, signature manuscrite. Les États-Unis, à travers leurs collectionneurs et leurs artistes venant en France, vont être un puissant levain pour cette nouvelle orientation.
En 1889, la reconnaissance de l'estampe comme œuvre d'art majeur est entérinée par la création de la Société des peintres-graveurs français : estampes, dessin et peintures sont présentés sur un pied d'égalité.
Le succès de l'estampe se manifeste à travers la parution de nombreuses revues en France et à l'étranger.
L'estampe - technique
La création d'une estampe implique plusieurs étapes, qui peuvent être confiées à différents artistes ou artisans. Les techniques de gravure traditionnelles implique:
- Le dessin sur la matrice (planche de bois ou plaque de métal),
- La gravure de la matrice (certains graveurs pouvaient devenir célèbres, sans être eux-mêmes peintres).
- L'encrage et le tirage, généralement confiés à l'imprimeur.
Une fois la matrice gravée et encrée, on peut procéder à son report sur le papier :
Par étampe : cette méthode est réalisée en mettant le papier ou le tissu sur une table, sous la plaque gravée, et en pressant ou frappant cette dernière avec un marteau.
Par frottement : la méthode la plus commune d'Extrême-Orient à toute époque, et plus tard en Europe. Le bloc est posé face vers le haut, le papier (ou le tissu) posé par dessus. L'arrière du papier ou tissu est frotté avec une pièce de bois plate ou du cuir.
À l'aide d'une presse : les presses font leur apparition vers 1480 en Europe pour les imprimés et les livres. De simples presses empesées étaient peut-être utilisées auparavant. Les presses ne sont utilisées en Asie que depuis une époque relativement récente.
D'après Wikipédia