
On doit cette performance à l'association entre deux personnes, Christophe Touchet et Luc Baudin. Le premier est le créateur, le porteur d’idée et le financier du projet Eugène dont c'est le deuxième prénom. Le second est un jeune pâtissier chocolatier de talent, compagnon du Tour de France, très sensible aux questions de santé, puisqu’il a fait une thèse sur le diabète et qui s’occupe de toute la partie production.
Ils travaillent tous les deux sur les recettes. Christophe amène les contraintes liées à ses objectifs et Luc trouve les solutions.
Pour réussir une crème Chantilly sans crème il a eu l’idée d’utiliser de la pectine dans du lait. Il a ainsi obtenu la crème légère que tout le monde adore dans leurs tartes au citron.
Autre exemple, lorsqu'il lui a demandé d’introduire de la farine de lentilles dans la pâte à choux, sa première réaction a été de dire que c’était impossible, mais il a tout de même essayé et après plusieurs dizaines de tentatives, il est arrivé au résultat que j'ai pu déguster dans la pâtisserie, à partir d’un mélange de farine meulée à la pierre, de farine de lentilles et de son d’avoine.

Il faut être réaliste. Aucun régime de carence ne marche. Aussi lorsque Christophe Touchet apprend son diabète il y a cinq ans il décide avec de ne rien concéder à sa gourmandise. Et puisque rien n'existe il va créer la première pâtisserie allégée en sucre, sans avoir recours pour autant à la famille des faux sucres.
Déjà riche d'un parcours professionnel de multi-entrepreneur, essentiellement dans le domaine de l’immobilier il entame une nouvelle reconversion. Il intègre l'Ecole Nationale Supérieure de la Pâtisserie d'Yssingeaux, en Haute-Loire, pour suivre les formations signées Alain Ducasse et Yves Thuriès. C'est là qu'il fait la connaissance de Luc Baudin.



Le bleu et le jaune, l'architecture d'intérieure ... tout suggère la modernité en s'ancrant néanmoins dans le traditionnel de par une référence subtile aux années trente, jusqu'à la typographie spéciale.

En entrant on remarque d'abord l'alignement des pains, en toute logique. Il n’y a pas, à proprement parler, de sucre dans le pain chez n'importe quel boulanger (à l'exception des pains briochés), mais cet aliment est constitué essentiellement d’amidon.
Or les amidons sont des chaines de sucre qui sont décomposées par la salive en glucose et qui ont donc une conséquence sur la glycémie quasi aussi importante que celle du sucre en poudre. Le pain est le premier apporteur de sucre dans l’organisme et son méfait ne peut être réduit que par les fibres car
l’apport de fibres solubles réduit l’indice glycémique.

L’intérêt de ces fibres solubles est double. Elles vont le ralentir le passage du sucre dans le sang, et elles vont en plus procurer une impression de satiété permettant une réduction des envies de grignotage, et donc le risque d'apports caloriques supplémentaires.
C'est Florent qui a la charge de la boulange, et il prépare lui-même le levain, c'est une évidence. Outre les baguettes d'apparence classique, il y a les pains du jour qui sont tous proposés à la dégustation.
On peut voir sur la photo ci-contre, et de bas en haut, le pain à la moutarde, le pain aux olives et aux herbes de Provence, également un pain à la lavande.
Evidemment le regard se tourne vite sur la vitrine qui pourrait être une diabolique tentation.


D'abord ils sont fabriqués sur place, et pas industriellement comme souvent dans les pâtisseries "traditionnelles" qui se contentent parfois d'ajouter leur logo imprimé sur un carré de chocolat avant leur mise en vitrine. Une dizaine de salariés sont mobilisés pour faire tourner l'entreprise.
Ensuite ils contiennent grosso modo moitié moins de sucre que leurs équivalents. Avec un peu d'expérience on parvient à les décrypter. Ce n'est pas chez Eugène qu'on poudre les desserts avec un nuage de sucre glace (il n'y a pas pire en terme de sucre). On préférera la noix de coco râpée comme sur le P'tit Choc qui est une grande réussite esthétique et gustative.


Par contre ils sont employés dès que possible pour diminuer l'apport en sucre "classique". L'huile de pépin de raisins remplace le beurre. Le thé vert fait baisser naturellement le taux de glycémie. Il est en vedette dans une version japonisante roulée à la framboise (ci-dessous, à la gauche des carrés chocolat aux baies de goji).


Coté prix, les tarifs sont corrects. Les gâteaux de voyage (brownies, pavé pomme-amandes, cookies) sont vendus entre 2.50€ et 3.50€, les éclairs entre 3.50€ et 4€ et les autres pâtisseries entre 3.50€ et 4.50€ en fonction de la matière première utilisée. Les gâteaux existent en version familiale comme cette tarte aux framboises. Avec des fruits d'une belle grosseur.







Et s'agissant de calculs la vie est compliquée pour les artisans. Avec un taux de TVA différent pour le chocolat noir et le chocolat au lait, pour les bouchées inférieures à 20 grammes et pour les plus grosses.

Luc Baudin utilise dans ses recettes du chocolat Valrhona sans sucres ajoutés, auquel il associe une sélection de cacaos grands crus. Ses chocolats contiennent seulement 0,5 % de sucre.
Invitée à croquer je réalise que j'ai en bouche l'exact goût de chocolat que je cherchais. Et je comprends qu'il se soit classé dans le trio de tête de la World Master Chocolate en janvier 2015 qui s’est déroulée à Lyon du 24 au 28 janvier 2015 même si je n'ai pas vu la pièce montée qu'il a réalisée et qui s'est écroulée depuis. Il en réussira d'autres.
Il a d'ailleurs conçu des petits amours de bonbons en chocolat pour la Saint Valentin : des demi-sphères rouges à la framboise enrobée d'une ganache au poivre de Setchuan pour les dames, des demi-sphères pailletées Choco-menthe enrobé d'une ganache au gingembre pour les hommes.
Comme on les trouve en quatuor chacun peut succomber aux deux délices sans provoquer de dispute.

J'avais comme il se doit commandé un thé vert pour suivre le conseil de Christophe.
J'ai commencé par l'éclair. Le disque de chocolat blanc est saupoudré de chocolat rose râpé. Il est fourré généreusement d'une purée de framboises dont on apprécie la justesse du degré d'acidité.










Je n'avais pourtant pas accroché un voeu au plafond de la boutique.

Eugène, pâtissier chocolatier
11 rue Guillaume Tell, 75017 Paris. Tél : 01 42 27 65 24
Ouverte du mardi au samedi de 7h30 à 20h mais aussi le dimanche, de 9h à 13h30.