Magazine Culture

La téléréalité et la tragédie grecque

Publié le 11 mars 2015 par Nicole Giroud @NicoleGiroud

La vidéo tourne en boucle depuis hier : un amateur a filmé le dramatique accident d'hélicoptère dans lequel de grands sportifs ont perdu la vie. Florence Arthaud, Camille Muffat et Alexis Vastine ont fait vibrer les foules. Des personnalités qui n'avaient en commun que le sport de haut niveau et leur retrait de la compétition, des personnalités qui participaient à une émission de téléréalité pour TF1.

On a évoqué ce matin à la radio le quotidien des sportifs beaucoup moins brillant qu'on l'imagine, le tiers des sportifs de haut niveau vivant avec cinq cents euros par mois ; d'où l'importance des sponsors, de la publicité, du besoin vital de rester dans le cirque médiatique.

On a beaucoup parlé aussi de la difficulté pour les grands sportifs de gérer le passage à l'après, quand tous les journalistes ne se ruent plus sur vous pour vous demander quel sera votre prochain challenge, quand vous savez que bientôt votre visage sera oublié et que l'on ne vous demandera plus d'autographe dans la rue.

Ces deux raisons expliquent en partie le passage à la téléréalité qui offre une somme allant de cent à deux cents mille euros pour l'émission et permet une imprégnation médiatique renouvelée.

Ce tragique accident qui a foudroyé en plein vol des destins hors-norme nous bouleverse. Ces gens qui nous faisaient rêver parce qu'ils refusaient la vie ordinaire - la nôtre - pour repousser les limites humaines viennent de périr dans ce qui ressemble à une fatalité du destin.

La Grèce antique connaissait la notion d' hubris que l'on traduit souvent par démesure ; en était coupable (les Grecs considéraient que c'était un sentiment destructeur) celui qui voulait plus que la part qui lui était attribuée, une sorte d'orgueil qui faisait refuser le destin ordinaire. Les dieux grecs ne permettaient pas aux hommes de vouloir s'élever à leur niveau : Icare veut quitter la terre ferme, il s'envole mais il approche trop près du soleil et ses ailes fondent, il tombe dans la mer.

Le terme hubris est souvent associé à celui de moïra, qui signifie le destin en grec ancien. Le tragique destin de ceux qui font l'actualité de ce jour.

Le destin de ceux qui étaient allés plus loin que leurs limites puis avaient participé à un jeu télévisé, un jeu d'images destiné à donner encore du rêve à l'humanité moyenne et qui s'est terminé comme une tragédie grecque. Une notion vieille de vingt-six siècles prend alors une réalité poignante.

Ce contenu a été publié dans Humeur. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Nicole Giroud 1544 partages Voir son profil
Voir son blog

Dossiers Paperblog

Magazine