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Visage, identité et greffes

Publié le 11 mars 2015 par Joseleroy

Notre identité est en grande partie basée sur l’identification au visage. Nous pensons être un corps et surtout un visage. C’est bien le visage en effet qu’on trouve sur notre carte d’identité ou notre passeport et pas notre pied ou notre foie. Bien sûr, nous pensons aussi être autre chose, un moi, quelque chose comme une âme mais à la base de cette identité il y a en partie le visage.

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Cela ne date pas d’aujourd’hui ; il suffit de penser à l’histoire de Narcisse qui tombe amoureux de son reflet dans l’eau, et la psychologie génétique (voir Piaget) nous a rappelé que le stade du miroir – ce moment où nous nous reconnaissons dans un miroir – est constitutive de notre évolution.

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Mais il se pourrait que la modernité bouscule l’évidence selon laquelle je me prends pour un visage.

Il semble d’abord que notre modernité soit l’époque de la plus grande aliénation au visage : on trouve partout des miroirs, des photographies (ce que ne connaissait pas les sociétés anciennes : le miroir en verre apparait surtout à la fin du Moyen-âge, avant il est en étain et assez grossier). Le phénomène du SELFIE (cet autoportrait à l’aide d’un téléphone portable), de FACE-book etc montrent le grand narcissisme de notre époque. Nous sommes plus que jamais visage.

Pourtant, la modernité nous amène aussi de manière radicale à nous interroger sur notre identification au visage.

La médecine notamment vient de porter un rude coup à cette croyance. Des greffes partielles ou totales du visage ont été réalisées. Il est désormais possible de changer le visage d’une personne. Il y a neuf ans, Isabelle Dinoire, défigurée par son labrador, fut la première patiente à bénéficier d’une greffe partielle de visage. Depuis près d’une trentaine  d’adultes en France ont subi une semblable opération de greffe. Ces opérations posent des problèmes médicaux bien sûr, mais aussi psychologiques. Retrouve-t-on un visage après une telle opération ?

Le Professeur Lantieri du CHU de Créteil, ayant lui-même réalisé des greffes de visage explique : « L’appropriation est quasiment immédiate. Ils disent très vite « mon visage ». Ce sont des gens qui n’avaient pas de visage humain et là ils se sentent revenir parmi les leurs. »

(Il y a des images ici ; attention, elles peuvent heurter... greffes)

Le fait que les patients puissent s’approprier ce nouveau visage signifie que ces personnes se reconnaissent dans le miroir alors même que ce n’est pas leur visage inné mais un visage acquis qu’elles observent.

Voici les réflexions que m’inspirent ces greffes.

-   Si nous pouvons nous identifier à un visage inconnu, c’est que nous ne sommes pas un visage. Nous avons un visage. 

-   Nous sommes tous dans la position de ces greffés finalement (moins la souffrance évidemment d'avoir un visage ravagé) , en devant nous identifier à un visage acquis (celui que je vois dans le miroir)

-   Le visage que nous voyons dans notre miroir  change constamment : le visage que j’avais à 5 ans est très différent de celui que j’ai à 50 ans ou que j’aurai à 80. Mais celui qui observe ces changements, lui, ne change pas.

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Le mot personne vient du latin PERSONA qui désignait le masque que portaient les comédiens de théâtre dans l’antiquité. Le visage est un de ces masques auxquels nous nous identifions par ignorance.

Pour découvrir ce que nous sommes, il faut aller au-delà des masques. Mais peut-être a-t-on peur de ce qu’on va y découvrir ?

Ce qu'on découvre alors c'est une conscience semblable à l'espace, éveillée, sans forme et sans couleur et libre de toutes formes.

jlr


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